• dernier article paru (III, 9) : 22 octobre 2023

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  •  ­Extraits du Nouveau Codex Impérial (éd. 956 rc)

     Sujet :                                    Empire galactique (origine) 

    Section :                                histoire générale

    Références extrait(s) :         tome 3, pp. 3-239 

    Sources générales :            tomes 3 à 112. 

    Annexe(s) :                        1012 (physique quantique), 714 (composants supramoléculaires) 

     

     

     

    …/… Si l’origine de l’Empire peut être confondue avec les années suivant immédiatement la Révolution de Cristal, et donc le début de ce qui est considéré comme l’ère moderne, il n’en reste pas moins exact que son essor véritable peut être précisément daté de la mise en circulation du premier moteur Waldenstein (cf. annexes) qui permit les voyages interstellaires. Il s’agissait, en réalité, de la mise en pratique d’une approche théorique déjà ancienne. En effet, pour franchir les espaces incommensurables séparant les systèmes solaires (ou stellaires suivant la terminologie en vigueur de nos jours) dans une durée de temps qui soit compatible avec une vie humaine normale d’environ 130 ans, il fallait trouver le moyen de dépasser la vitesse de la lumière : c’est ce qui fut fait dans les années précédant la révolution de Cristal grâce à la mise en pratique des lois issues de la Théorie Unifiée de la Physique (permettant notamment d’associer physique quantique et relativité générale) mais aussi grâce aux progrès considérables effectués à cette date dans la connaissance des composants supramoléculaires. Il devint ainsi possible de « profiter » de la courbure de l’espace-temps, notion connue depuis fort longtemps, pour permettre des déplacements spatiaux à une vitesse colossale. Ajoutons que l’exploitation quantifiée des « nouveaux territoires » ainsi conquis n’aurait jamais pu avoir lieu sans la mise au point des procédés de terraformation [1] par le Professeur-Conseiller impérial Ricker Belar quelques années plus tard…/…

     

    …/… La première organisation de l’Empire galactique est à mettre au crédit de l’Administration existant sous le règne de l’Empereur Darek  IV le Sage (189-198 rc), organisation fortement centralisée et autoritaire (qui devait perdurer jusqu’à la tentative avortée de coup d’Etat perpétrée par le Général Bredus Varvid, à la tète d’une partie des troupes révoltées de la troisième armée impériale). Grâce au rétablissement d’une autorité centrale incontestée, l’Administration de Darek le Sage a fortement contribué à l’accélération de la conquête stellaire par une colonisation intensifiée des nouvelles planètes terraformées.

    En effet, en 191 rc, la superficie restant à coloniser étant immense, il fut décidé de diviser virtuellement l’espace accessible en huit parties, de façon concentrique à partir de la Terre, siège du gouvernement impérial, à l’époque seule autorité légale. Ces régions furent dénommées « quadrants » (Il n’en existe plus que six aujourd’hui, décision prise à la suite du traité des trois axes de 707 rc reconnaissant l’indépendance de certains nouveaux territoires). L’opération de colonisation fut conduite de la manière suivante : huit expéditions furent envoyées aux extrémités des quadrants. Leurs directives étaient d’entreprendre un maximum de terraformations sur les planètes colonisables en revenant progressivement vers le centre du cercle impérial. La durée de cette opération, la plus importante jamais entreprise par une population humaine, devait se dérouler sur 80 ans. Elle dura en réalité près de 150 ans pour aboutir à la terraformation de plus de 10 000  planètes. Cette politique d’expansion se poursuit encore aujourd’hui, même si l’Empire galactique n’en est plus le seul maître d’œuvre (les opérations actuelles débordant d’ailleurs sensiblement les espaces primitivement retenus)…/…

       
     
     
     
     
     

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         La première vision de la planète-ville fut pour elle un choc profond. En ces temps de communication intense et instantanée, mais surtout à cause de sa profession, cela n’aurait pas dû être le cas. Pourtant, la jeune femme ressentit, peut-être pour la première fois de son existence, une extraordinaire impression de puissance et de complexité. Assise dans la salle des secondes, face au panneau vitré géant qui venait de dévoiler l’approche de la planète, elle n’avait pu s’empêcher de s’avancer, comme si ces quelques mètres supplémentaires pouvaient être d’une quelconque importance. Elle se rendait bien compte que son attitude soudaine venait de révéler aux autres passagers tout ce qu‘elle avait si soigneusement cherché à cacher - sa condition de provinciale pour la première fois confrontée à la capitale de l’Empire – mais elle ne put tout simplement pas résister. En dépit de tout ce qu’elle avait vu et appris par l’informatique ou la stéréovision, de tout ce qu’elle avait déjà lu, entendu, traduit ou commenté, l’image gigantesque de la planète lui provoqua un choc qui se répercuta jusqu’au plus profond d’elle même et dont elle savait qu’il resterait à jamais inégalé. Le reste du vaisseau, les gens, les bruits, les mouvements, tout avait soudainement disparu pour elle, la laissant seule avec sa stupéfaction, souffle coupé et yeux écarquillés. Sans même s’en rendre compte, elle s’était imperceptiblement mise à trembler.

         Dans la nuit de sa face obscure, la planète qu’elle contemplait si avidement brillait de tous ses feux, immense boule d’or accrochée sur la profondeur glacée de l’espace. Cette planète n’était qu’une ville infinie, un artifice de la main de l’homme qui, au fil des siècles, en était arrivé à manger toute sa surface. Mais plus que la vision elle-même, c’était ce qu’elle sous-tendait qui éblouissait la jeune femme. Elle pouvait imaginer, presque toucher, les innombrables ramifications, les milliards de bâtiments, de rues, d’ouvrages patiemment accumulés. Elle percevait sans la voir la complexité du monde souterrain qui doublait la vision de surface. Des millions de gens comme elle vivaient et mourraient là. Et encore plus de droïdes et de biobiocyborgs, de véhicules, de multiples machines et objets qu’elle ne pouvait même pas imaginer. Tout un monde d’acier et de béton. Un univers artificiel parfaitement agencé et dont les règles certainement atrocement compliquées faisaient toute la puissance. Un choc. Un choc considérable.

         Elle sursauta au contact de la main sur son bras qui la ramena à la réalité. Un steward souriant se tenait à ses côtés. Il eut la gentillesse de ne pas se moquer. « C’est vrai que c’est assez impressionnant, murmura-t-il [1]. Mais, Citoyenne, il faut vous préparer à l’arrivée et pour ça, vous devez maintenant regagner votre cabine. Vos effets personnels, la douane, tout ça, enfin, vous savez bien… ». Assuré d’avoir été compris, il s’éloigna, avec toujours le même sourire amical aux lèvres et la jeune femme secoua la tête, comme pour s’arracher enfin à la vision féerique. Autour d’elle, les passagers s’étaient faits plus rares et elle s’empressa de regagner le pont inférieur.

         Les premiers instants de son arrivée sur le sol de Terra furent assez éprouvants pour la jeune femme. Ballottée au sein d’une énorme cohue, elle prit la décision de suivre les quelques passagers qu’elle avait repérés durant le voyage. Elle se retrouva ainsi conduite presque malgré elle dans un hall d’arrivée gigantesque où, en regard de comptoirs multicolores où s’affairaient des droïdes, d’interminables files d’attente stagnaient en deçà de cercles lumineux incrustés dans le sol de marbre. La jeune femme avait pris soin de tenir à la main, bien en évidence, son sauf-conduit impérial mais sans que, en apparence, celui-ci ne semble la dispenser de l’interminable délai. Ce fut un droïde vérificateur qui vint la tirer d’affaire. La machine avait, semble-t-il, fini par repérer sa carte magnétique et, de sa voix douce, elle lui recommanda de ressortir sur l’asphalte du spatioport pour se diriger vers un autre accès, celui-là spécialement réservé aux « transferts identifiés ». Elle entra donc d’une démarche hésitante dans une salle plus petite mais également plus luxueuse où, dès ses premiers pas sur l’épaisse moquette, un droïde d’une espèce inconnue d’elle l’intercepta. La machine avait un aspect presque humain, si l’on exceptait sa complexion violette et les yeux rouges qui la jaugeaient. Elle attendit calmement que le droïde ait terminé son inspection silencieuse. Au bout de quelques secondes, la machine lui demanda, de cette même voix douce, de passer sa carte en regard de son épaule gauche et, immédiatement après, sembla s’incliner vers elle en chuchotant :

              - Bienvenue sur Terra, Citoyenne Bristica Glovenal. Votre venue m’a été annoncée et soyez assurée que je ferai tout mon possible pour faciliter votre arrivée. Un aéroglisseur vous attend au sas 128 A et il vous conduira à l’hôtel Grabers Multi où une chambre a été retenue pour vous. Veuillez me suivre, Citoyenne, mais d’ores et déjà, laissez-moi-vous souhaiter un excellent séjour sur notre sol.

         Plus que l’apparente facilité des formalités, ce qui surprit surtout la jeune femme fut que le droïde s’était adressé à elle en un Farbérien parfait. Elle lui répondit en Fried [2] :

               - Je serais enchantée de vous suivre mais mes bagages…

            - Ils ont été transférés dans l’aéroglisseur, lui répondit le droïde, adoptant lui aussi immédiatement le Fried.

         Déjà la machine s’éloignait et elle s’empressa de la suivre.

     

     

         Par la vitre sans tain de l’aéroglisseur, Bristica voyait défiler sous et autour d’elle des milliers de bâtiments illuminés. Par moment, un subtil décroché ou quelque placette reculée laissaient apercevoir les ombres d’arbres et de plantes terrestres mais, pour l’essentiel, tout n’était que verre, métal et béton. Certains bâtiments grimpaient si haut vers le ciel qu’elle ne pouvait même pas en deviner les cimes, d’autres comparativement plus modestes offraient la vision de leurs toits où s’affairait toute une humanité, probablement biomécanique. Partout une lumière intense où dominaient le jaune orangé et le bleu. Là, peut-être, résidait la principale différence avec Carresville, la capitale de sa lointaine République de Farber, où les éclairages, certainement moins nombreux, étaient toujours blancs. Pour le reste, et en dépit d’un style monumental quelque peu singulier, elle n’était dépaysée que par la pensée de l’immensité de la capitale impériale. Car, elle comprenait que, ici, chaque centimètre carré de surface était occupé, exploité, valorisé. On disait même que les plus hautes montagnes, les cours d’eau et jusqu’à loin sur et dans les océans de cette planète, l’homme avait installé son domaine. Sans compter le monde souterrain dont elle savait que, immense fourmilière, il grouillait aussi d’activité. Il y avait également les millions de véhicules spatiaux, de ligne ou simples cargos, nécessaires à l’entretien quotidien de la capitale, l’énergie – même quantique – qu’il fallait y consacrer, la débauche de sociétés, d’organismes d’état, de centres de contrôle et autres structures diverses qui constituaient tous ensemble la capitale administrative d’un Empire qui rayonnait sur des dizaines de milliers de systèmes stellaires, les trois-quarts en réalité de l’univers connu. C’étaient ces pensées qui étaient dérangeantes, inhabituelles, et lui faisaient, pour la toute première fois, entrevoir combien Farber, en dépit de ses insuffisances, avait su ou pu rester à son échelle humaine. Mais cette ville-planète… Saurait-elle quand même s’y adapter ? Tout à coup, elle en doutait.

         Son aéroglisseur suivait une route aérienne encombrée, s’arrêtant par instants selon les indications de son tableau de bord puis repartant sans prévenir pour sa destination lointaine. Mise à part, de ci, de là, la perception d’inscriptions rédigées en Fried, rien de bien original en somme. Elle chaussa ses lunettes informatiques et connectant l’ordinateur miniature qui ne quittait jamais la poche intérieure de son costume à la coupe évidemment très Farbérienne, elle se renversa en arrière sur la banquette moelleuse et se projeta à nouveau les quelques indications très générales sur Terra obligeamment fournies par la compagnie de transport galactique.

         974 ans après la Révolution de Cristal [3], en dépit ou à cause de conflits innombrables – guerres civiles et/ou commerciales -, sous le règne de l’Empereur Baldur II d’Aldane, l’Empire galactique étendait sa domination sur des milliers de systèmes stellaires. Seuls échappaient à ce carcan parfois étouffant, la Confédération des Planètes Indépendantes créée lors d’une scission meurtrière plusieurs siècles plus tôt et quelques systèmes autonomes, d’envergure plus modeste, comme la République Logique de Farber. L’Empire avait divisé administrativement son immense territoire en 587 precinctes, unités administratives d’importance variable, et elle se trouvait en conséquence sur la première, la plus puissante, qui recouvrait le district de Terra et ses proches environs. Chacune de ces entités avait à sa tête un Gouverneur et un Général impériaux, dépendant du seul empereur et de son Conseil. Evidemment, la precincte où elle se trouvait échappait à cette règle immuable puisque c’était ici que se trouvait le palais de l’Empereur. Une fois de plus, elle s’étonna que la cité immense qui défilait autour d’elle ne soit peuplée que d’une centaine de millions d’habitants humains – à peine plus que la population de Farber - mais l’essentiel de la maintenance et des tâches subalternes relevait bien entendu du domaine exclusif de l’humanité mécanique. Des courbes, des chiffres, les vues 3D de bâtiments plus ou moins connus, des interventions de fonctionnaires impériaux se succédaient devant ses yeux mais tout cela était connu, rabâché et ne la passionnait guère. Elle murmura à l’ordinateur de se concentrer sur ce qui l’intéressait plus, et qu‘elle avait déjà consulté à maintes reprises, à savoir l’Institut Impérial de Prospective Politique qui lui avait fait l’honneur de la contacter. L’Institut, situé quelque part dans l’hémisphère nord-ouest de la capitale, paraissait être une grande structure employant des milliers de biobiocyborgs spécialisés et autant de droïdes. Son rôle essentiel consistait à faire de la prospective politicocommerciale, plus spécialement orientée sur les rapports existant entre l’Empire et ses voisins, la CPI notamment [4]. La CPI surtout. En tant que ressortissante Farbérienne, elle n’était pas directement concernée par les relations parfois tumultueuses des deux grandes puissances et c’était objectivement cette neutralité qui intéressait les Impériaux. Et sa compétence certaine en informatique quantique sans laquelle aucune prospective convenable n’était véritablement envisageable. On lui avait donc proposé d’intervenir en qualité de « consultant supplétif étranger » (c’était le terme exact utilisé par la proposition de contrat impériale) et, en raison de ses antécédents professionnels, elle était pratiquement certaine de parvenir à satisfaire ses nouveaux employeurs. Elle n’avait en réalité que très peu hésité à accepter puisque plus rien à présent ne la retenait à Farber et qu’elle voyait dans cette proposition le moyen inespéré de découvrir d’autres horizons tout en complétant son cursus professionnel à la meilleure source. Sans oublier, évidemment, les émoluments en rapport qui n’étaient pas négligeables. En résumé, une excellente affaire pour les deux parties concernées. Et puis, qui sait ? L’avenir était plein de promesses… Elle coupa le discours lénifiant de l’ordinateur qu’elle n’écoutait plus depuis plusieurs minutes et laissa son esprit vagabonder. Elle en saurait plus le lendemain lors de sa première entrevue avec les fonctionnaires de l’Empire.

         Bristica se pencha vers le droïde pilote, sorte de caisse métallique assez disgracieuse soudée à l’avant du véhicule et, pour la première fois, l’interrogea :

            - On en a encore pour longtemps ?

           - Exactement neuf minutes, Citoyenne. Puisque vous m’interrogez, permettez-moi de vous faire savoir qu’on m’a demandé de rester à votre disposition pour vous faire visiter n’importe quel endroit de votre choix sur Terra. Pour le cas où vous souhaiteriez vous reposer, il vous suffira de présenter votre Fiduce [5] provisoire au comptoir de l’hôtel et on vous conduira à votre chambre.

           - C’est bien ce que j’ai l’intention de faire. Me reposer, je veux dire. Merci, Citoyen droïde [6].

         La jeune femme se renfonça dans son siège. Elle ne se sentait nullement fatiguée mais le bon sens lui dictait de s’octroyer une plage de tranquillité. Elle ne se voyait guère se lançant dans une expédition aventureuse dans l’univers inconnu qu’elle venait d’intégrer, expédition dont les aléas ne manqueraient sans doute pas de revenir aux oreilles de ses employeurs que, en aucun cas, elle n’aurait voulu déjà décevoir par une attitude incontrôlée. Dès ses premier pas sur cette planète – et très certainement bien avant – elle s’était sue observée : on ne la prendrait pas pour autre chose que la stricte professionnelle dont elle voulait donner l’image. Ce qu’elle était, elle n’en doutait pas un instant.

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    [1]  Afin de rendre compréhensible ce récit, il a été décidé que, dans la mesure du possible, les expressions et concepts de cette époque seraient remplacés par les mots les mieux appropriés de notre langue, seuls ceux réellement intraduisibles restant en l’état (NdT)

    [2]  Fried : langue de l’Empire et, par force, la langue commune des échanges galactiques.  Elle est composée d’un mélange des langues protohistoriques (à dominante d’anglais) parlées sur Terre avant la Révolution de Cristal, point de départ de la période moderne.

    [3]  La plupart des historiens datent le début de la révolution de cristal en l’an 2207 après J.C (NdT)

    [4]  CPI : Confédération des Planètes Indépendantes

    [5]  Fiduce : carte monétaire magnétique permettant toutes transactions sur le territoire de l’Empire (dans la limite du crédit alloué) comportant également nombre de renseignements administratifs, médicaux, etc. sur son propriétaire. C’est probablement ce que Bristica Glovenal appelle son « sauf-conduit impérial ».

    [6]  Dans l’Empire galactique, l’ensemble des individus capables de raisonner sont considérés comme des citoyens, biocyborgs et droïdes compris, d’un point de vue formel en tout cas. (NdT)


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    Extraits du Nouveau Codex Impérial (éd. 956 rc)

     

     Sujet :                                    droïdes 

     Section :                                histoire générale

     Références extrait(s) :         tome 7, pp. 14-513

     Sources générales :              tomes 3 à 112, 

     Annexe(s) :

      

    …/… fondé sur une notion dynamique de ce qu’on appelle « l’intelligence », du moins selon l’acceptation humaine du terme. Sommairement, il est classiquement reconnu quatre approches complémentaires du concept : a. analytique : l’élaboration de raisonnements par interférence, c’est-à-dire le passage logique d’une opération à une autre au moyen des processus de déduction, induction puis généralisation, toutes notions inspirées des modèles d’exploration cognitifs ; b. dynamique : la faculté d’adaptation aux changements du milieu ambiant, condition nécessaire mais certainement pas suffisante ; c. descriptive : la possibilité de projeter l’avenir probable et de s’y situer, soit, en d’autres termes, une mentalisation de l’activité cérébrale et, enfin, d. collective : la prise en compte d’une intelligence communautaire, chacun des individus restant en deçà mais l’ensemble de leur activité produisant une réponse adaptative adéquat, comme on peut l’observer chez certains groupes d’insectes sociaux. Il est probable que « l’intelligence » est globalement la somme de ces différents aspects dont l’importance relative demeure variable suivant les groupes et les milieux étudiés…/…

      

    …/… L’hypothèse de travail ayant conduit à la création des populations droïdes reposait sur l’idée simple que l’intelligence peut être la résultante des capacités de calcul et de mémoire du processeur central de l’être artificiel. Il s’agissait là d’une approche essentiellement calculatoire. On estime que l’intelligence humaine se manifesterait vers cent à cent cinquante mille milliards d’instructions par seconde et il fallut attendre la première moitié du second siècle pour obtenir des processeurs susceptibles d’égaler ces performances. Toutefois, les performances cognitives et/ou idéatoires des êtres ainsi créés ne furent jamais en mesure d’égaler – sauf dans des domaines hautement spécialisés – les performances générales humaines. Seuls les biocyborgs ont par la suite réussi à atteindre ce résultat mais leur procédé d’éveil à la conscience est totalement différent puisque obtenu, par génie génétique, à partir de tissus biologiquement humains. Quoi qu’il en soit, les scientifiques pensent que « l’intelligence spécialisée » des droïdes est à relier à l’insuffisance de leurs stimuli biologiques. En effet, il est aujourd’hui admis que le cerveau n’est pas seul à intervenir dans ce qu’on appelle l’intelligence, même s’il en est le pivot central. Il est nécessaire, en effet, qu’entrent également en ligne de compte toutes les informations périphériques (nerveuses, endocriniennes, hémato-lymphatiques, etc.) et, plus encore, leurs corrélations symbiotiques. Cela explique…/…

      

    …/… D’un point de vue éthique, les autorités impériales ont décidé, après d’âpres débats, que devaient entrer dans l’analyse globale des droits des citoyens, leurs possibilités « potentielles » dans le domaine de la pensée. De ce fait, tout être pensant est reconnu citoyen impérial de droit, même si les performances de chaque individu sont éminemment variables. Dans cette optique, les droïdes jouissent des mêmes droits fondamentaux que les biocyborgs ou les humains. C’est en tout cas le sens de la loi du 23 septembre 416 rc qui reconnaît…/…

      

    …/… Statistiquement, la population droïde est – et de loin – la plus nombreuse de la Galaxie et leur présence totalement indispensable au bon équilibre de la société moderne. Rien que sur Terra, ils représentent, à des degrés divers, plus de 90 milliards d’individus, contre moins de deux cent millions d’humains et encore moins de biocyborgs…/…

      

     

     

     

    2 

     

     

     

           Située à l’écart de la Grande Antichambre du Protocole, la pièce ne payait pas de mine. Comparée aux autres salles de la tour géante, elle était singulièrement petite et à peine meublée d’une table demi-lune en bois de Virna entourée de quatre chaises très ordinaires. Ses murs étaient totalement nus, d’une couleur grise qui n’inspirait pas l’optimisme, et, par les encadrements du sol et du plafond, des thermotubes à fréon diffusaient une lumière tamisée à dominante orangée. Si ce n’avait été le panneau de droite qui s’ouvrait sur la ville et ses milliers de tours lumineuses, on aurait pu se croire dans un quelconque réduit de maintenance.

         Seul des quatre personnes présentes, le Conseiller-Ministre impérial Alveg Birko était debout, arpentant d’une démarche saccadée la moquette grise. Tête baissée, les mains derrière le dos, il présentait pour ceux qui le connaissaient bien tous les symptômes d’une profonde colère. Sans prononcer la moindre parole, il écoutait pour la quatrième fois en moins de deux jours le discours dépassionné du biocyborg Gestua, Rapporteur impérial spécial. Le Conseiller-Ministre était un homme d’une centaine d’années[1], plutôt petit mais extraordinairement mince. Ses cheveux blancs et son visage aquilin donnaient à la stéréovision une impression de grande bonté que démentait, pour ceux qui pouvaient l’approcher, l’éclat glacé de ses yeux pâles. Il était autant craint que respecté. Il tourna soudainement vers le biocyborg Gestua un regard acéré sans que cela, bien sûr, ne perturbe son interlocuteur en aucune manière.

              - C’est alors, poursuivait Gestua, que les premiers rapports du Kazin 128 J [2] nous sont parvenus, Citoyen-Ministre, et immédiatement, je peux vous l’assurer, nous l’avons transmis à votre attaché personnel, le Citoyen Flex.

         Le biocyborg arrêta quelques instants son discours et, devant l’absence de réaction de ses auditeurs, il poursuivit :

              - Ce rapport est assez peu explicite car, s’il nous signale bien la découverte d’un important gisement de Xantinum et s’il précise qu’il s’agit d’une opération conjointe des Farbériens et de la Compagnie du Fret Stellaire, il ne nous dit ni la teneur exacte du minerai, ni sa localisation précise sur la planète Alcyon B, ni surtout quels sont les représentants que nous avons sur place dans les structures locales  et les moyens dont nous disposons pour…

              - En somme, vous ne savez rien, le coupa Birko. Vous ne savez, nous ne savons rien ! Et vous voudriez que je me contente de cette bouillie pour grajanes [3]! Vous pensez vraiment que le Premier Conseiller [4] va se satisfaire de ça, lui ? Bon, bon, allons au fait, que proposez-vous ? conclut-il en se tournant vers un des deux personnages restés silencieux.

         La femme à laquelle s’adressait le Conseiller-Ministre se pencha en avant. Sa longue chevelure brune tranchait avec la peau très claire de son visage, une rareté pour l‘époque où une grande partie des ressortissants de l’Empire arborait une carnation plus ou moins cuivrée. Il se dégageait d’elle une apparence aristocratique qui seyait parfaitement à sa fonction d’Assistant en Premier du Conseil impérial. Au cours d’une soirée mondaine, on aurait facilement pu la confondre avec une quelconque amie de la maîtresse de maison, une riche oisive, une dilettante vaguement artiste même. Cela aurait été une erreur profonde car elle était l’un des personnages les plus puissants de l’Empire, un de ceux qui, dans l’ombre, décident, organisent et, en fin de compte, agissent sans même qu’ils s’en doutent sur la destinée de millions d’êtres. Elle jeta un regard presque distrait sur ses vis-à-vis, sembla un temps réfléchir à un sujet connu d’elle seule avant de répondre d’une voix étonnamment grave :

              - C’est bien là le problème. Compte tenu des informations… disons fragmentaires dont on a bien voulu nous gratifier, je ne vois guère quoi proposer d’autre que de chercher par n’importe quel moyen à en savoir plus. A mon sens, il est impératif que nous puissions rapidement cerner le problème. Pour cela, il nous faut bouger. Activer nos agents à la CFS [5] certainement. Neutraliser les velléités de Farber assurément. Entreprendre une opération sur le terrain afin d’en savoir un peu plus peut-être. Mais, mon cher Conseiller-Ministre de la Sécurité, tout cela vous y avez assurément pensé et je suis même certaine que ces quelques broutilles ont déjà été décidées et sont en cours de réalisation. Non, l’essentiel, disais-je, est ailleurs. D’abord il est nécessaire d’informer Sa Majesté avant le prochain conseil ordinaire qui est, je vous le rappelle, dans trois jours. Mais de cela, je me charge personnellement. Je m’en occuperai même dès la fin de notre réunion. Toutefois, à mon sens, le point capital, l’étape décisive, c’est d’utiliser toutes les capacités de notre diplomatie pour… disons, geler la situation. Gagner du temps si vous préférez. En conséquence, je vous demande, Citoyen-Ministre, d’intervenir auprès de vos collègues du gouvernement pour agir dans ce sens. Je vais quant à moi, immédiatement après mon passage chez Sa Majesté, approcher les différents membres du Conseil et même, ajouta-t-elle dans un soupir, donner des ordres pour avertir, avec les précautions d’usage cela va sans dire, notre chère Opposition Globale. Reste…

              - Reste l’aspect plus spécifiquement militaire.

         L’homme qui venait pour la première fois de s’exprimer était extraordinairement jeune pour la fonction qu’il occupait, celle de Généralissime des Armées. Le prince Valer Alzetto avait en effet un peu moins de cinquante ans ce qui en faisait le plus jeune chef des armées impériales depuis plus de trois siècles. Sanglé comme à son habitude dans un uniforme noir à la coupe parfaitement étudiée, sa gapiche [6] sagement posée sur la demi-lune, il arborait un sourire éclatant. Depuis plusieurs jours, et ce sentiment était confirmé par la réunion à laquelle il assistait, il sentait que quelque chose, enfin, bougeait dans l’univers en apparence immuable de la Galaxie. Il s’en satisfaisait profondément car depuis longtemps lassé de la diplomatie de palais et de ses intrigues minuscules. Il se considérait avant tout comme un homme d’action et ne se sentait réellement à l’aise qu’à la tête de ses millions de soldats dont il était adulé. Or la crise politique qui se profilait ne pouvait signifier qu’une chose : qu’elle ne pouvait pas ne pas se doubler d’une dimension militaire. Cette simple idée le réjouissait intensément. Il redressa sa grande silhouette, les boutons de sa veste d’uniforme jetant des éclats rouges chatoyant sous la chiche lumière du fréon.

              - Citoyens, je ne vais certes pas vous ennuyer avec des détails d’organisation militaire. Laissez-moi seulement vous confirmer que, depuis longtemps déjà, nous sommes préparés à toutes éventualités et que rapidement, très rapidement, nos forces dans le système d’Alcyon peuvent être opérationnelles sur le sujet qui nous préoccupe. Histoire de faire monter quelque peu la pression à laquelle faisait allusion il y a quelques minutes la Citoyenne Assistant en Premier. N’est-ce pas ainsi, par un autre moyen, l’occasion de développer tous nos talents de diplomatie ? Je me permets de vous laisser le soin, Citoyenne Premier Assistant, d’organiser nos facilités de détection plus ou moins confidentielles tandis que mon état-major de la cinquième armée organisera notre présence là-bas au mieux de nos intérêts. J’y veillerai personnellement, vous pouvez en être assurée.

               - Je vous en remercie, Altesse, reprit la femme. Peut-être, en effet, comme le suggérait le Rapporteur spécial il y a quelques instants, avons-nous un peu trop tendance à prendre cette affaire au tragique mais… Si réellement la source de Xantinum est aussi importante que le laissent supposer les rapports… Alors, oui, nous ne regretterons certainement pas d’avoir su intervenir rapidement. A ce propos, et contrairement à vous, Citoyen-Ministre, dont la méticulosité et le souci de l’information exacte ont dû vous pousser à vous renseigner immédiatement, j’avoue quant à moi ignorer presque tout de ce système Alcyon. Peut-être le rapporteur spécial… ? Mais avant d’aller plus avant, permettez-moi de vous demander, Citoyen-Ministre, de regagner votre place car j’ai quelque peine à vous suivre dans votre déambulation. Je vous en remercie.

         Tandis que le Ministre se rasseyait, sa colère soudainement retombée, le droïde s’empressa nonchalamment de répondre à la femme.

              - Le système d’Alcyon est situé à une centaine d’années-lumière de la bordure externe du cinquième quadrant. Il s’agit d’une étoile double autour desquelles gravitent neuf planètes, les deux premières seulement ayant été terraformées, encore que tout à fait incomplètement. La planète qui nous intéresse est la deuxième, Alcyon B. Ce système est neutralisé depuis le traité de 707 et placé, comme vous le savez sans doute, sous la protection théorique du CIS [7]. Mais ce qu’il convient de souligner…

            - Veuillez m’excuser, Citoyen Rapporteur, le coupa Valer Alzetto, mais je crois qu’il serait préférable d’en venir immédiatement à l’essentiel.

          - Faites, lui répondit en souriant le Premier Assistant avec un bref hochement de tête.

          - Ce qui complique quelque peu la situation, commença Alzetto, c’est que Alcyon est, dans ce secteur, un carrefour stratégique. Comprenez : le système stellaire le plus proche – à moins de deux années-lumière et demie, ce qui n’est pas grand chose, vous en conviendrez – est le système du Trident dont la troisième planète abrite…

           - La République de Farber.

         - Tout à fait, Citoyenne Premier Assistant. La République de Farber. Mais pour corser le tout, il faut se souvenir que le système voisin de ces deux-là est HW4, c’est-à-dire, pour être précis, deux bases Farbériennes respectivement sur les deuxième et troisième planètes et une grosse mission de la CFP sur la sixième. Quant à nous, nous avons une base de la cinquième armée - une structure de première importance à vocation de maintenance et observation, je le souligne - sur la neuvième planète de HW4. En d’autres termes, nous trouvons en moins de six années-lumière, une concentration redoutable d’intérêts antagonistes, le tout sous l’égide partielle du CIS. C’est dire…

           - Que l’ensemble constitue une poudrière… poursuivit la femme. Je comprends mieux l’agitation de nos Services… La situation me paraît donc sans conteste encore plus brûlante que ce à quoi je m’attendais. A nous en conséquence d’agir. Eh bien, Citoyens, je peux vous l’avouer, je souhaiterais presque que cette histoire de Xantinum soit un leurre… ou mieux encore une erreur ! Je comprends que nous avons par conséquent énormément de travail en perspective aussi est-ce la raison pour laquelle je ne vous retiens pas, conclut-elle en se levant.

        Elle posa l’empreinte de son index droit sur une plaque noire incrustée dans le bois de Virna de la table afin de lever le bouclier d’isolement qui protégeait la conversation et, sans se retourner, se dirigea vers la porte qui coulissa silencieusement à son approche.

     

     

     

         Approximativement au même moment, mais à plus de 3000 km de là, Bristica franchissait les barrages droïdes de l’Institut Impérial de Prospective Politique. Le bâtiment de l’Institut n’était qu’un ensemble de deux tours jumelles ne tranchant guère sur les autres structures de la Cité administrative qui s’étendait de part et d’autre sur des centaines de kilomètres. Lors de sa première visite, deux semaines plus tôt, elle avait d’ailleurs été un peu déçue de ce relatif anonymat mais s’en était vite consolée devant la situation inconnue qui l’attendait. En réalité, tout s’était passé le plus simplement du monde – c’est en tout cas l’impression qu’elle avait ressentie- et, assez rapidement, elle s’était acclimatée à ce qui était, dans le fond, un prolongement de son travail sur Farber. En compagnie d’une trentaine d’autres nouveaux arrivants comme elle, elle avait été conduite dans un amphithéâtre aux dimensions plutôt modestes où un fonctionnaire impérial leur avait souhaité mollement la bienvenue. On pouvait voir à ses coups d’œil furtifs sur l’horloge digitale du plafond que pour lui aussi cet accueil relevait de la corvée. Elle avait en conséquence laissé son esprit vagabonder durant l’écoute de toutes les platitudes et autres messages convenus que le fonctionnaire avait cru de son devoir de débiter. La séance avait duré moins d’une demi-heure à l’issue de laquelle on lui avait donné quartier libre. Elle se fit raccompagner à son hôtel provisoire par un aéroglisseur collectif de l’Institut. Son projet avait été de ressortir explorer la capitale, du moins la partie immédiatement accessible pour elle qui ne disposait évidemment pas encore de moyen de locomotion. Elle avait rapidement dû se rendre à l’évidence : en dehors de centaines de tours de dimensions variables et d’avenues rectilignes et uniformes, il n’y avait rien d’autre et les centres commerciaux qui, elle en était persuadée, devaient regorger des richesses de l’Empire étaient bel et bien hors de portée. Elle avait retrouvé sans joie sa chambre d’hôtel.

         Dès le lendemain, elle fut mise en présence des mêmes ordinateurs que sur Farber et se contenta, comme ses compagnons, de mettre à jour ses bases de données personnelles. Ce fut seulement à la fin de la première semaine que cette ambiance un peu morose se transforma. L’arrivée du Directeur de mission qui devait organiser leur travail la fit enfin entrer de plein pied dans ce pour quoi elle avait signé. La jeune femme d’une quarantaine d’années qui leur fit face ce jour-là lui fut d’emblée sympathique. Grande et mince, elle arborait une coupe de cheveux jaune paille – la mode actuelle de l’Empire – qui contrastait avec sa peau dorée et ses yeux verts pétillant d’intelligence. Elle était vêtue d’une combinaison justaucorps de la couleur de ses cheveux et dont les parements rouges se mariaient harmonieusement avec ses bottes légères. L’ensemble lui conférait une apparence de jeunesse et de pleine santé auxquelles, comme put le constater Bristica, les éléments masculins de leur groupe ne semblaient pas insensibles. Après quelques mots de bienvenue, la jeune femme avait englobé les ordinateurs d’un large geste du bras avant de déclarer :

              - Évidemment, il y a tout ça. Encore que pour des spécialistes comme vous cela doive relever de la pure routine. Mais l’essentiel de notre collaboration est totalement ailleurs. Vous avez accepté de venir nous aider - et je vous en remercie à nouveau - en tant que représentants extérieurs à l’Empire, pour compléter la grande enquête de galacticopolitique que nous avons entreprise. Ne vous méprenez pas : chez nous, la galacticopolitique, la GP comme nous disons, c’est tout simplement de la prospective politique, mais une prospective au sens large du terme. Nous aurons l’occasion d’y revenir par la suite. Chacun d’entre vous, parfois dans des domaines fort différents, avez des compétences qui nous sont absolument nécessaires, je dirais même indispensables, et nous comptons totalement sur vous, soyez en assurés. Evidemment, il ne s’agit pas de vous proposer d’entrer dans le recueil et l’exploitation factorielle des données, ce stade étant d’ailleurs en cours d’achèvement, mais bel et bien de tester la validité des modèles retenus. Des milliers de techniciens, humains et biocyborgs, travailleront, travaillent déjà sur le sujet. Toutefois  – et c’est là que votre présence nous est si précieuse – il nous faut un avis extérieur, un avis… comment dirais-je ?… neutre, détaché des préjugés inhérents à notre formation, à notre culture. En fait…

         La jeune impériale avait continué son discours, toujours avec la même passion, et, peu à peu, Bristica avait pu sentir l’intérêt de son petit groupe grandir. Elle-même qui, quelques heures plus tôt, doutait encore du bien-fondé de son choix, avait senti remonter en elle une curiosité nouvelle pour le travail gigantesque qui leur était proposé. La Directrice de mission (ou plutôt Directeur puisque la tradition des impériaux était de ne jamais féminiser les titres et fonctions) leur distribua des magnets à intégrer dans leurs ordiquants afin de leur expliquer les caractéristiques détaillées des affectations de tâches, affectations à choisir d’un commun accord en fonction de leurs goûts et compétences. Puis la femme avait tapé dans ses mains en souriant :

              - Une des coutumes un peu absurdes, je le reconnais aisément, de notre monde d’ici, est de ne se présenter qu’en fin de conversation et/ou de prestation. Il paraît que cela remonte du fond de notre passé, peut-être même à la Révolution de Cristal… Nos détracteurs disent que c’est par méfiance mais, moi, je crois que c’est par timidité… Quoi qu’il en soit, le moment de vous dire qui je suis est venu : je m’appelle Vliclina Garzelivo-Gradzel mais il vous faudrait à  chacun votre ordiquant pour retenir mon nom, dit-elle en déclenchant quelques rires, aussi pour vous éviter des souffrances indignes, je vous propose de m’appeler Vliva. Je suis originaire du deuxième quadrant, très exactement de la planète Graise qui relève, comme vous ne le savez sûrement pas, du système de Bételgeuse, et j’officie dans cette enquête en qualité de Directeur-Adjoint. J’ai bien l’intention de travailler le plus souvent possible avec vous ce qui indique – tant pis pour ma modestie bien connue - tout l’intérêt que l’Institut attache à votre présence. Mais assez de bavardages ! Je vous invite à descendre maintenant avec moi jusqu’au 87ème niveau où une collation nous attend, collation qui marquera, je le sais, le début d’une collaboration fructueuse.

         Dès le lendemain, Bristica et les autres avaient été introduits dans ce qui allait constituer leur lieu principal de travail, du moins à l’Institut. Au niveau immédiatement inférieur de celui de la salle des ordinateurs s’étendait une vaste pièce sphérique dont la circonférence était divisée en une quarantaine de bureaux indépendants où chacun d’entre eux pouvait ainsi s’isoler mais sans jamais être trop éloigné des autres. Le centre de la pièce était occupé par un cercle de repos comportant cabinets de relaxation, salons, alcôves de toilette et, en son centre, un PAMA [8] des plus classiques mais particulièrement pratique pour accéder au central des ordiquants généraux de l’étage supérieur. On rencontrait partout des écrans de communications ou des terminaux de stéréovision tandis qu’une foule de droïdes attendait qu’on la stimule. L’ensemble respirait à la fois le fonctionnel et un certain degré de luxe. On devinait ainsi tout l’intérêt que l’Institut de Prospective donnait à l’enquête en cours et Bristica, pour la première fois depuis son arrivée sur Terra avait pu se convaincre qu’elle avait eu raison, qu’elle avait fait le bon choix.

         Elle venait de franchir le barrage des droïdes de l’Institut quand elle entendit qu’on l’appelait. Zanora, sa toute nouvelle relation, l’attendait à l’entrée des PAMA centraux et elle s’empressa de la rejoindre.

             - Ben, en définitive, t’es pas si en retard, lui jeta la jeune femme tandis qu’elle s’approchait.

             - Non, parce que je n’y suis pas allé, lui répondit Bristica.

             - Alors ?

            - Alors ça n’a aucune importance parce que je vais me débrouiller autrement. Tu te souviens quand même que je viens de Farber, non ?

            - Oui, mais…

          - Eh, bien mon ambassade a vidéophoné hier à mon hôtel. Ils voulaient savoir comment ça se passait… Parce que, tu sais, nous nous intéressons toujours à nos ressortissants hors de nos frontières… Un type m’a expliqué que, si je voulais, je pouvais aller les voir. Il paraît qu’ils ont des facilités pour obtenir des appartements… J’irai les voir samedi.

           - Ah, c’est pas à moi que ça arriverait ! soupira Zanora. Tu sais, sur Vargas [9], c’est pas le genre d’arguments qui comptent ! Plus vite ils sont débarrassés de toi, mieux ça vaut pour eux.

           - Note que si c’est possible, reprit Bristica après un léger temps de silence, je ne vois pourquoi on ne pourrait pas partager… En tout cas, le temps que tu trouves quelque chose qui te plaise… Si mon truc marche, évidemment…

         La grande porte de verre du PAMA venait de s’ouvrir avec un léger chuintement et les deux jeunes femmes s’avancèrent dans le puits. Elles furent doucement aspirées vers le haut.

     

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    [1]  Au recensement de 969, l’espérance de vie moyenne d’un citoyen impérial humain a été estimée à respectivement 131 ans pour les femmes et 129 ans pour les hommes.

    [2] Kazin : groupe ou bureau de renseignement opérationnel (en fait, les services de renseignement impériaux)

    [3]  grajane : sorte de petit mammifère plus ou moins domestique provenant du système de Zarkass et ressemblant à un chat, très en vogue à cette époque.

    [4]  L’Empereur

    [5]  CFS : Compagnie du Fret Stellaire

    [6]  gapiche : sorte de haute casquette à petite visière

    [7] Conseil Interplanétaire de Sécurité : organisme théoriquement neutre regroupant les représentants de toutes les entités politico-commerciales de l’Univers connu

    [8]  PAMA : acronyme traduit pour « puits d’antimatière ascensionnel »

    [9]  Vargas : principale planète de la Confédération des Planètes Indépendantes


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  • Extraits du Nouveau Codex Impérial (éd. 956 rc)

     

     Sujet :                               Xantinum 

     Section :                          économie et technologie ; histoire générale

     Références extrait(s) :   tome 157, pp. 612-1032 ; tome 18, pp. 106-271

     Sources générales :      tomes 156 à 159, tome 18

    Annexe(s) : 807 (spatiopropulsion), 1012 (physique quantique), 1003 (physique unifiée), 958 (xénogéologie) 

     

     

    …/… Les moteurs Waldenstein et Waldenstein modifiés, associés évidemment aux progrès apportés par l’informatique quantique et biocellulaire, permirent rapidement la colonisation d’une partie non négligeable de l’Univers habité aujourd’hui. Bien évidemment, l’expansion de cette colonisation et la mise en valeur des nouveaux territoires furent intrinsèquement liées aux moyens de propulsion spatio-temporels disponibles. Il n’est guère étonnant de constater que l’Expansion alla s’accélérant tout au long des troisième et quatrième siècles, et ce, en regard des progrès techniques accomplis. Toutefois, les sauts qualitatifs (et secondairement quantitatifs) décisifs se situent, en réalité, à la fin du cinquième siècle (416 rc, mise au point de la propulsion au Bergon) et, plus près de nous, au début du dixième siècle (913 rc, découverte de la temporo-immersion au Béryl 28-3, par les ingénieurs du Consortium Mercantile de Développement). Cette dernière étape, fondamentale pour l’Expansion - qui avait tendance à s’essouffler - permit, en quelques dizaines d’années, de presque doubler l’espace jusque là exploré mais avec le redoutable effet pervers de disséminer et amoindrir les colonies de peuplement, au risque de fragiliser l’équilibre galactique. Pour plus de renseignements sur cet aspect galactico-politique important, on se reportera aux tomes 212 à 214 du Codex (section : histoire générale) afin de …/…

      

    …/… Il fallut pourtant attendre presque deux siècles avant que ces moteurs primitifs (moteurs Waldenstein et assimilés) cèdent la place aux moyens de propulsion CPX, puis Marzenniens. D’abord mus par du Prestinium puis du Bergon 416, ce n’est que récemment (913 rc) qu’une nouvelle génération de moyens de propulsion (vite adaptés aux fournitures statiques d’énergie) firent appel au Béryl 28-3, permettant des performances sans commune mesure avec celles réalisées jusque là. Toutefois, on le sait, ce composant nucléaire n’est réellement performant qu’avec des structures composées de Xantinum, métal fort rare dans la Galaxie. Néanmoins, le Xantinum, en dépit de sa rareté, est devenu totalement indispensable à l’économie galactique et les investissements dédiés à sa prospection restent considérables, qu’ils soient consentis par des entités politiques (Empire galactique, Confédération des Planètes Indépendantes, etc.) ou des organismes de droit privé (Guilde des Marchands, Compagnie du Fret Stellaire, Consortium Mercantile de Développement ou autres). On comprend en effet aisément qu’une rupture dans l’approvisionnement de ce métal puisse entraîner l’arrêt des chaînes de fabrication des modèles les plus récents de supports artificiels aussi divers que les néobiodroïdes (à usage domestique) ou les moteurs à propulsion nucléaire des vaisseaux spatiaux, pour ne prendre que deux exemples parmi bien d’autres …/…

     

     

     

     …/… Il n’en reste pas moins exact que, si le Béryl 28-3 est relativement abondant, sa transformation à des fins utilitaires et sa mise en conformité pour utilisation dans des structures à base de Xantinum sont terriblement coûteuses et demandent des investissements considérables aux sociétés politiques ou commerciales qui l’utilisent …/…

     

     

     …/… On connaît deux autres centres d’extraction de Xantinum, le premier sur Algol 3, appartenant à l’Empire (mais en fin d’exploitation) et le deuxième sur Brenn, une planète excentrée du système de la Lyre, et placé sous la responsabilité du Conseil Interplanétaire de Sécurité (CIS) …/…

     

     …/… L’exclusivité de l’extraction d’une nouvelle source de Xantinum donnerait à son exploitant un avantage peut-être décisif sur ses concurrents. Il faut toutefois rappeler que l’exploitation directe du Xantinum par un état ou une société commerciale est interdite depuis le traité de Mez Antélor de 816 rc …/…

     

     

      

     

     

     

    3  

     

     

               

         L’arbre mauve – un cillypenda – cachait partiellement à Frastico le sommet de la colline. Reposant ses jumelles carbonumériques, il décida de s’en remettre à ses seuls yeux. Apparemment rien ne bougeait. Se penchant légèrement en avant, il observa à nouveau l’ensemble de son champ de vision mais tout était définitivement tranquille. Dans le petit bois d’aspareines, les chants des oiseaux-lyres avaient repris et il se redressa, soulagé tout à coup. Il ne lui restait qu’une demi-heure de veille avant la relève et il n’avait aucune envie de devoir rédiger un rapport sur d’hypothétiques mouvements suspects. Il doutait d’ailleurs qu’un quelconque rôdeur ait pu s’approcher suffisamment près de l’enceinte d’acier du fort sans déclencher l’alarme des boucliers de sécurité. Voilà que je deviens paranoïaque, pensa-t-il, et il sourit en se remémorant ce que lui avait dit son copain Brasenne sur les privations sensorielles. D’après cet abruti, le fait de surveiller durant des jours et des jours sans rien apercevoir de particulier finissait par créer le besoin – oui, il avait bien dit créer le besoin – de trouver quelque chose de suspect à toute force. Abruti de Brasenne ! Privation sensorielle sur une colline bourrée d’oiseaux-lyres et de serpilles ! Plus tout un tas de sales petites bêtes nocturnes plus ou moins inconnues… Il fallait vraiment être un de ces intellectuels à la manque pour… Avec le bruit spongieux d’un escargot de Maresquie qu’on écrase, la tête de Frastico explosa dans un geyser de sang. Il n’eut ni le temps de souffrir, ni même de se rendre compte. Il était mort avant de toucher le sol de son observatoire.

         Presque immédiatement, des filins magnétiques s’accrochèrent au mur et des silhouettes grises se hissèrent silencieusement jusqu’au poste de veille. Le premier confédéré arrivé – un gradé intermédiaire – poussa de son pied botté le cadavre du guetteur impérial mais l’éclateur avait bien travaillé : quand on en était atteint, on ne survivait pas à une arme de ce type. Le confédéré se retourna vers le mur d’où émergeaient à présent les soldats de sa section. Il savait n’avoir nul besoin de recommander le silence à ses hommes. Le briefing avait été formel sur ce point. Rabattant la visière translucide de son casque de combat, il s’engagea suivi des autres vers le poste latéral de surveillance dont il apercevait à quelques mètres la lumière presque aveuglante. La neutralisation de Fort Lamen venait de débuter.

        L’opération avait été soigneusement préparée et minutée. L’attaque simultanée des commandos confédérés transforma le fort en antichambre de l’enfer. En quelques secondes, les grenades à plasma, les missiles sol-sol, les bombes à fragmentation répandirent mort et destruction. Le vacarme intolérable, la fumée des multiples incendies, le souffle chaud des armes de neutralisation, les corps jonchant le sol labouré par les explosions, tout avait été étudié pour accroître au maximum la panique des Impériaux - dont la plupart étaient en repos - et, par voie de conséquence, pour limiter leurs capacités de réaction. Fort Lamen, obscur avant-poste situé à quelques années-lumière de la bordure méridionale du cinquième quadrant impérial, n’avait – c’est ce qu’on pensait jusque là du moins – aucune valeur stratégique de quelque ordre que ce soit : on y formait là des soldats destinés à des théâtres d’opération bien plus prestigieux et la principale activité des quelques opérationnels locaux se bornait à enregistrer les passages des vaisseaux à destination de Ligueri, la quatrième planète du système Bhega Plus, seul endroit d’importance relative du secteur. C’est la raison pour laquelle le Commodore impérial responsable du fort crut jusqu’au bout à une extraordinaire méprise des assaillants : il mourut parmi les derniers sous le feu croisé de deux triglons laser[1] sans rien comprendre. L’opération avait duré en tout dix-sept minutes et coûté la vie de 387 soldats du 121ème Mazer spatioporté de la cinquième armée impériale. On ne sut jamais si, avant de succomber, les impériaux avaient eu le temps de riposter puisque les assaillants prirent grand soin d’emporter avec eux leurs propres victimes.

        Avant que la base impériale ne soit totalement détruite, les réseaux permanents de communication avec l’Etat-major de la 327ème précincte dont dépendait le Fort eurent toutefois le temps d’enregistrer quelques images des combats : il fut parfaitement possible d’identifier les uniformes gris des troupes d’assaut de la République de Farber.

     

     

     

     

              - Tu m’accordes quelques instants pour me rafraîchir et je reviens finir mon apéritif avec toi, murmura Renladi en se levant.

         Bristica qui était plongée dans la contemplation de son Glork [2] leva les yeux vers lui et lui sourit pour toute réponse. Elle le regarda se diriger vers la curieuse alcôve de repos située au fond de la salle principale du restaurant gorgi. Elle se rendit soudain compte qu’elle appréciait le jeune homme, qu’elle le trouvait séduisant. Sympathique et séduisant. Peut-être même… C’était étrange. Il ne correspondait pas vraiment aux critères que, inconsciemment, elle retenait comme minimaux chez un homme. La taille, par exemple : elle n’appréciait chez un compagnon que les hautes statures… Renladi mesurait à peine 1m78 ce qui, selon les normes de l’époque, était plutôt petit. Et puis il avait ce caractère enjoué, volubile parfois, alors que, chez un homme, elle recherchait surtout la réserve… Pourtant, incontestablement, Renladi lui plaisait, elle ne savait pas vraiment pourquoi. Elle haussa les épaules et revint à la contemplation de son Glork. Elle était fascinée par les paillettes mauves qui scintillaient sur la robe rouge du liquide. Elle s’empara du verre à triples ballons superposés et le fit miroiter sous l’éclairage diffus du restaurant. Elle se sentait parfaitement à l’aise et appréciait chaque seconde de ce dîner presque improvisé. Elle se renversa en arrière dans l’épais fauteuil et, fidèle à son habitude, elle laissa errer son esprit sur tout et sur rien.

              - Tu as remarqué ? Ici pas de droïdes…

        Renladi était revenu et s’asseyait en l’interrogeant des yeux. Devant l’absence de réaction de Bristica, il enchaîna :

              - Les Gorgi sont un peuple très ancien. On dit que, avant même leur arrivée sur Alpha du Centaure, quelques années après la Révolution de Cristal, ils avaient déjà leurs coutumes, leur langue… Un peuple minoritaire, sans doute, mais que les Impériaux ont tenu à préserver dans leur différence. Et ils n’ont jamais de droïdes avec eux : ils font tout eux-mêmes. Curieux, non ? Et, malgré ça, leur cuisine est très réputée, tu sais, et j’avoue que ça me fait plaisir de te la faire découvrir… parce que tu ne connais pas, c’est bien ça ?

              - Eh non, pas du tout, répondit la jeune femme. Et je compte sur toi pour me piloter parce que… leur carte est des plus mystérieuses à ce que je vois, conclut-elle en s’emparant d’une grande feuille cartonnée à l’ancienne.

              - Pas de problème. Voilà ce que je te propose…

         Leur commande passée, ils abordèrent leur parcours commun à l’Institut. Comme Bristica, le jeune homme avait été recruté en tant que consultant étranger mais ses compétences s’étendaient principalement au commerce galactique. Il avoua à sa compagne que son domaine de prédilection recouvrait en réalité les échanges entre la CPI et les systèmes périphériques, ce qui englobait évidemment la République Logique de Farber. De ces relations en définitive mal connues des Impériaux, il avait fait un sujet de thèse approfondie à l’Université Randallienne de Techno-commerce, Randall étant la capitale de la Principauté du même nom, dans le système Velar, un système indépendant et donc « périphérique » selon la terminologie impériale en vigueur. Les deux jeunes gens étaient intimement persuadés que c’était cette spécificité très inhabituelle de Renladi qui avait attiré l’attention des directeurs de l’enquête confiée à l’Institut et cette similarité dans leurs statuts respectifs les rapprocha incontestablement un peu plus.

         Bristica n’osait pas l’avouer à son nouvel ami mais la cuisine gorgi ne l’emballait pas outre mesure. Elle mastiquait sans plaisir des viandes – peut-être de poisson – que son palais, habitué aux épices de Farber, trouvait singulièrement fades, toutefois le jeune homme paraissait si heureux de lui faire découvrir cette approche culinaire inconnue d’elle qu’elle n’eut pas le cœur de le décevoir. Elle s’appliqua donc à faire bonne figure.

         La conversation jusque là fournie se ralentit et Bristica comprit que, comme elle s’y attendait, leurs propos allaient prendre un tour plus personnel. Renladi se jeta enfin à l’eau :

              - Et, donc, ça ne t’a pas coûté de venir jusqu’ici… Je veux dire pour une période assez longue…

              - Peut-être plus longue que je le pensais, en effet. Non, car je n’ai laissé à Carresville, sur Farber je veux dire, que des souvenirs. De bons souvenirs pour la plupart, mais des souvenirs néanmoins.

         Comme le jeune homme se contentait de l’observer sans faire aucune remarque, elle poursuivit :

              - Mes parents sont morts depuis plus de dix ans. En 963. Un tremblement de terre. A Tressgloss, ma ville natale, où ils habitaient. Moi, j’étais déjà étudiante à Carresville ce qui explique… A cette époque, j’étais en filiation et mon chagrin…

              - En filiation ?

              - Oui, évidemment. Je parle comme si j’étais encore à Farber. Excuse-moi. Chez nous, en filiation veut dire qu’on fréquente sérieusement quelqu’un avec qui on risque de se … marier. Oui, se marier, c’est le terme qu’on emploie ici.

              - Sur Randall aussi.

              - Sur Farber, ce n’est pas tout à fait pareil. Là-bas, on dit qu’on se « lie ». C’est assez différent parce qu’il n’y a aucune démarche officielle, tu comprends. L’officiel, c’est pour plus tard… Si on se sépare.

              - Curieux effectivement. Et…

              - Je me suis déliée avant de venir à Terra. Ou plutôt, pour être exacte, c’est parce que je me suis déliée – séparée si tu préfères – que je suis venue ici. Enfin, en plus de ce que proposait l’Institut, ce qui me passionne, je te l’ai dit. Alors, tu vois, pas d’attaches derrière moi. La liberté. La complète liberté.

          Le jeune homme hocha la tête, compréhensif.

       Quand ils sortirent du restaurant gorgi, Bristica, selon les habitudes en pratique chez elle, prit la main de Rinladi pour attirer son attention et lui proposa sans aucune hésitation de passer la nuit avec lui. Si le jeune homme fut surpris de cette franchise, il ne le montra pas.

          Plus tard, allongée nue près du corps à l’étonnante peau cannelle de son ami, au sortir d’une étreinte qui, à défaut d’avoir été inoubliable, s’était révélée très satisfaisante, elle prit la peine de penser quelques minutes à sa nouvelle existence. Elle comprenait qu’il était bien trop tôt pour elle pour en dresser déjà un quelconque bilan mais, tout de même,  son parcours lui paraissait bien engagé, tant humainement que professionnellement. Sur l’ultime versant du sommeil, juste avant de s’endormir, elle eut une pensée pour Farber et sa vie d’avant. Elle ne regretta rien.

     

     

         L’annonce de la destruction de Fort Lamen – mais surtout le sort impitoyable  réservé aux soldats qui en assuraient le fonctionnement – fit le tour de la Galaxie en quelques heures. Dans les médias, dans les cénacles officiels de toutes natures, dans la rue même, on évoquait le massacre avec consternation et horreur. Il fallait remonter à plus de trente ans – très précisément à la réduction violente par les forces conjointes de l’Empire et de la CPI de la sécession de la secte du Dieu Marked sur Alvistar 6 – pour retrouver pareille indignation. L’agitation diplomatique était à son comble : les demandes d’explications urgentes, les sommations diverses, les rappels pour consultations extraordinaires des ambassadeurs des diverses puissances plus ou moins directement impliquées, les campagnes de mobilisation psychologique se multipliaient. On ne parlait plus que de l’incident. Le nom de Lamen,  jusqu’alors inconnu de la quasi-totalité des ressortissants de l’Univers habité, était sur toutes les lèvres. Les journaux magnétiques initiaient reportages et enquêtes multiples tandis que sur tous les canaux de la stéréovision, chaînes galactiques et loco-régionales confondues, on repassait à satiété les quelques images de l’assaut obligeamment fournies par le Département-Ministère impérial des Relations Générales.

       En vérité, après les premières et immédiates accusations impériales sur la responsabilité « probable, voire certaine » des Farbériens, le doute le plus complet était de rigueur et plus aucune autorité responsable, de quelque bord qu’elle fut, ne se serait risquée à avancer une explication sur cet acte en apparence incompréhensible. On se rendit compte qu’on ne savait rien et de nombreux avis, notamment dans les médias, tendirent à accréditer la version, soit de l’erreur pure et simple (mais alors quelle aurait été réellement la véritable  cible ?) soit de la manipulation, une façon de sous-entendre que les véritables enjeux se situaient bien ailleurs. Les autorités impériales jouèrent à fond la carte de la victime innocente tandis que les représentants de la République de Farber hurlèrent au complot. Les officiels de la CPI eux-mêmes trépignaient d’indignation en laissant supposer que l'ignoble attaque visait peut-être leurs propres forces et que, dans tous les cas, sa raison profonde était de chercher à déstabiliser les relations pacifiques de la Confédération avec l’Empire.

         Bristica s’intéressait assez peu à ces développements de politique générale mais dans la mesure où, à l’institut, elle était la seule représentante identifiée de la République de Farber, elle fut bien obligée de donner son avis. Lors d’une pause repas où l’inévitable sujet fut abordé, elle déclara que, bien qu’elle n’ait évidemment aucun élément susceptible de l’éclairer, sa logique lui soufflait qu’il fallait probablement aller chercher au delà des apparences.

             - Vous comprenez, déclara-t-elle à ses compagnons de travail qui l’interrogeaient, vous comprenez bien qu’il est complètement idiot d’attaquer quelqu’un par surprise, en se cachant… mais en prenant bien soin de faire repérer son uniforme. Parce que, à moins d’être totalement incompétents – ce qui est infirmé par le déroulement très étudié de l’opération – les assaillants ne pouvaient pas ne pas savoir que la base impériale était en relation permanente avec son état-major et que, minute par minute, tout serait suivi et surtout enregistré par stéréovision… Dès lors, il me semble…

             - A moins que ce ne soit précisément avec l’idée qu’on avancerait un argument de ce genre… rétorqua une jeune femme brune qu’on n’avait guère entendue jusque là. C’est peut-être ça l’astuce suprême !

         Bristica se tourna vers elle en souriant.

            - Assez pervers tout de même. Mais surtout, et c’est ce qui me fait dire qu’il y a autre chose, c’est que je ne vois pas, mais alors pas du tout, l’intérêt que nous… les gens de chez moi auraient pu avoir à faire un truc pareil. Ligueri – la planète près de Lamen – est complètement en dehors de la zone d’influence de Farber. Plus de cinquante années-lumière, si j’ai bien compris. Moi, j’en avais jamais entendu parler avant. Alors quoi ? Si Farber avait eu l’intention de gêner l’Empire ou n’importe qui d’autre, ou même de montrer sa force qui, entre parenthèses et personne ne me contredira, est bien inférieure à celle des grandes puissances, elle aurait choisi une cible plus proche, plus accessible. Vous vous rendez compte ce que représente une telle opération spatioportée ? Les risques d’échec, d’interception, de fiasco ? Non, pour moi, il faut chercher ailleurs…

                - Et vous pensez à quoi ?

         Le petit cercle des stagiaires s’était soudain écarté pour laisser s’approcher Vliclina, leur directeur d’enquête. L’impériale dévisageait à présent Bristica sans sourire, paraissant attacher une grande importance à ce que la jeune femme allait lui répondre.

              - Ce que je ne sais pas, Citoyenne, commença Bristica, c’est quels peuvent être les auteurs de cette tuerie. Comment le saurais-je ? Mais ce que je crois pouvoir affirmer, c’est que, quels qu’ils soient, leur dessein, leur dessein véritable, était certainement de faire parler d’eux, ou plutôt de leur action d’éclat. De ce point de vue, le but est atteint, vous en conviendrez. Or, pourquoi faire tant de vagues si ce n’est pour faire oublier autre chose ? Le meilleur moyen pour avoir les mains libres sur un projet n’est-il pas de focaliser l’attention de tout le monde sur une affaire complètement différente ? Un leurre en somme. C’est pour ça que je pense qu’il s’agit d’une manœuvre de diversion. Il fallait occuper l’Empire, ses soldats, son opinion publique. Et c’est tombé sur Farber mais je crois sincèrement que c’est un hasard, un pur hasard. L’essentiel est autre part et on ne saura peut-être jamais où.

         Le silence retomba. L’impériale, le visage sérieux, observait attentivement Bristica comme si cette dernière avait encore quelque chose à dire. Ses yeux verts étaient devenus soudain si perçants, si incisifs, que la jeune femme, mal à l’aise, baissa son regard.

              - Je suis totalement d’accord avec vous, murmura enfin Vliclina. Totalement.

         Puis, elle haussa les épaules en souriant et tourna les talons.

     

     

     

         L’Empereur était fatigué. Âgé de cent-quatre ans, il n’aurait pas dû l’être autant puisque encore dans la force de l’âge. Il leva la main droite dans un geste à peine ébauché puis la laissa retomber en se renversant en arrière dans son fauteuil. Immédiatement, les 3ème et 14ème Conseillers, qui ce jour-là étaient de faction à ses côtés, reculèrent de quelques pas. Le secrétaire personnel de Baldur II, un homme corpulent à peine plus jeune que lui, s’approcha des quelques aides et serviteurs ainsi que du premier chambellan qui attendaient en silence - peut-être une dizaine de personnes au total - et du regard leur indiqua la porte de l’antichambre. Sans bruit, ils sortirent, le dernier garde d’honneur refermant la porte sur lui. Le silence retomba dans le bureau. Un observateur ignorant aurait certainement trouvé étrange la vision de ce vieil homme en uniforme bleu-nuit sans signe distinctif particulier paraissant dormir dans son grand fauteuil de bois précieux rehaussé de velours marine tandis que, immobiles comme des statues de sel, trois autres personnages debout semblaient retenir leur respiration. Mais cette petite scène de la vie ordinaire de l’Empereur ne surprenait pas les habitués de sa garde rapprochée tant il était évident pour eux que Baldur II voyait ses forces décliner chaque jour davantage.

         Le vieil homme, contrairement à l’apparence qu’il présentait peut-être, ne dormait pas. Son esprit était en éveil, sa conscience claire. Seul son corps lui donnait l’impression de le trahir. Une espèce de léthargie l’avait envahi et chaque mouvement lui coûtait. En de pareils instants, lever les bras, faire quelques pas sur les moquettes épaisses, tourner la tête relevaient pour lui d’un effort démesuré. Il lui fallait alors se reposer plusieurs minutes et le drôle de malaise passait. Ensuite, il pouvait de nouveau se mouvoir sans trop de peine et surtout parler sans donner cette impression de devoir chercher ses mots, d’hésiter sur la construction des phrases comme s’il avait le cerveau obscurci par quelque amnésie lacunaire. Il ne s’inquiétait guère de ces moments d’absence qui partageaient sa vie depuis plusieurs années mais plutôt de leur répétition qui, à ce qu’il comprenait, devenait plus fréquente. Ses médecins privés de l’Ecole Néomédicale lui avaient expliqué que son diabète de Feller comme ils l’appelaient, une variété aggravée du diabète du sujet âgé (par opposition au diabète insulino-dépendant du sujet jeune qu’on ne voyait plus guère en raison des progrès du génie génétique), progressait malgré les nombreuses actions thérapeutiques, tant instrumentales que médicamenteuses, entreprises. La maladie agissait sur l’ensemble de son corps, les artères singulièrement, sans qu’on puisse enrayer sa progression. Tout au plus la ralentir, lui avait-on précisé. Mais sa vie n’était pas en danger. Pas immédiatement en tout cas. Il soupira. Il savait que le Conseil s’inquiétait de cette situation et que certains de ses membres, très certainement, pensaient déjà à sa succession. Mais l’aînée de ses enfants, sa fille Algrisa, était encore bien jeune – à peine dix-sept ans- et incomplètement préparée à la tâche difficile qui serait la sienne. C’est pour cela que, en dépit de son profond désir de se retirer, d’en finir avec tout ce protocole qui lui pesait tant, Baldur II se devait de durer. Au moins quelques années encore, si possible. Il se força à se concentrer sur l’épreuve qui l’attendait : accueillir, à la demande de ses conseillers, les ambassadeurs de la République de Farber, du système Bhega Plus et, évidemment, celui de la CPI qu’on prenait toujours grand soin d’associer à ce type de contacts. Une séance au cours de laquelle il n’aurait qu’à intervenir comme cela avait été arrêté lors de la dernière réunion du Conseil. Cela ne présentait aucune difficulté particulière mais demandait toutefois à ce que son attitude soit parfaite et ne laisse en aucune manière suspecter l’altération intermittente de son état général.

         Baldur II ouvrit les yeux en entendant la double porte qui faisait face à son bureau s’entrebâiller. Dar-Aver, l’assistante en premier du Conseil, passa la tête et le vieil homme lui fit signe avant qu’elle se retire.

                - Approchez, Carisma, approchez.

       La femme, en uniforme d’apparat blanc et or, s’avança avec précaution, retenant ses pas pour ne pas faire crisser ses bottes sur la moquette. Suivant l’usage, elle inclina la tête en portant son poing droit à son flanc gauche puis attendit.

            - J’imagine que si vous venez me chercher, c’est que ces messieurs des représentations diplomatiques sont arrivés…

               - Assurément, Majesté. Ils sont tous là mais si votre Majesté souhaite différer quelque peu…

             - Nullement, Citoyenne Première-Assistante, nullement. Puis avec un geste presque impatient de la main, il ajouta : Allez-y, je vous prie. Nous vous suivons dans quelques instants.

         L’assistante Dar-Aver s’inclina, sans omettre de vérifier d’un regard circulaire que la suite immédiate de l’Empereur avait refait son apparition, puis elle se retourna et sortit en silence.

     

     

     

          Précédée de l’aérienne musique protocolaire qui sourdait des murs de la salle de réception et dont la coutume remontait à la nuit des temps, la suite impériale pénétra dans la pièce immense qui occupait tout le sommet de la tour du palais. En son centre trônait une gigantesque table polygonale en bois précieux de Terra autour de laquelle étaient installée une dizaine de profonds fauteuils. En retrait de quelques mètres, une deuxième rangée de fauteuils était susceptible d’accueillir les multiples conseillers et assistants des délégations reçues en audience ordinaire. De nombreux droïdes, à l’apparence para-humaine très étudiée, scrutaient toutes choses de leurs yeux rouges vigilants, à l’affût du moindre détail. De grandes baies vitrées que l’on pouvait obscurcir instantanément découvraient la ville immense qui s’étendait jusqu’à l’horizon. Entre elles, les murs de marbre et de métal bleu étaient tapissés de tentures de velours bleu-nuit, la couleur de l’Empire, tandis que, incrustée dans le haut plafond de métal de la même couleur, scintillait la sphère bleue phosphorescente encadrée des deux éclairs d’argent. L’ensemble donnait une impression de simplicité et de puissance et c’était bien le but recherché.

         A l’arrivée de l’Empereur, le silence se fit d’un coup et les trois ambassadeurs qui, seuls, occupaient la première rangée de fauteuils, se levèrent mais, d’un geste de la main, Baldur II leur ordonna de se rasseoir. Comme à son habitude, il était vêtu d’une tenue bleu-foncé dont la veste à l’aspect vaguement militaire n’arborait aucune médaille à l’exception de la petite sphère bleue scintillante qui était le symbole de Terra. Pourtant, indéniablement, on reconnaissait en lui un personnage hors du commun, sans doute à ses gestes déliés et à son assurance sereine mais aussi aux regards de ses voisins qui, tous, droïdes et biocyborgs compris, fuyaient quand il les regardait. Rien en lui ne le proclamait mais nul ne pouvait ignorer qu’il s’agissait là de l’humain le plus puissant de la Galaxie. Il s’approcha de l’unique fauteuil bleu-nuit situé à l’une des extrémités de la grande table, s’y assit tranquillement puis, levant la tête, il prononça d’une voix ferme la formule consacrée :

              - Au nom de l’Empire, moi, Baldur II, Premier Conseiller du Conseil Impérial, je déclare ouverte la session ordinaire d‘Ecoute des Sollicitations Extérieures et prie tous les intervenants et leurs proches d’accepter le témoignage de notre sympathie. Après un bref instant de silence, il reprit, tendant les deux bras vers ses vis-à-vis : Messieurs les Ambassadeurs des puissances extérieures, je vous souhaite la bienvenue et vous assure de l’indéfectible amitié de tous les Citoyens de Terra et de ses dépendances.

         Chacun à leur tour, les trois ambassadeurs se levèrent et, après avoir décliné leur identité, leur titre et l’objet de leur mission, assurèrent l’Empereur de leur profonde et sincère amitié. Il s’agissait d’une partie exclusivement protocolaire et Baldur II qui, presque toute son existence, avait dû présider de telles cérémonies, s’ennuyait fortement mais rien dans son attitude ou même dans son regard n’aurait pu donner cette impression. D’un œil perçant, il observa chacun des ambassadeurs : celui de la République de Farber, en uniforme militaire gris, qui récitait son pensum les yeux droits devant lui et le poing gauche levé à mi-hauteur, le représentant de Bhega Plus en cape noire et costume blanc les deux mains serrées devant lui dans son salut rituel et l’ambassadeur de la CPI tout de rouge vêtu, son curieux bonnet à son bras gauche pendant le long du corps et la main droite plaquée sur son cœur. Il avait vu cela des milliers de fois mais son attention était sans faille. Quand l’essentiel des rituels de présentation fut effectué, les ambassadeurs à nouveau assis et leurs conseillers prêts à intervenir, il reprit la parole :

             - Avant toutes choses, Citoyens, permettez-nous de vous rappeler ce qui motive notre profonde inquiétude…

         Au moment précis où sa phrase s’achevait et selon un minutage parfaitement au point, la baie vitrée qui lui faisait face s’obscurcit et une scène de stéréovision apparut dans l’espace immédiatement en regard et laissé libre pour l’opération. En grandeur presque naturelle, chacun put revoir les enregistrements de l’attaque de Fort Lamen. L’attention de tous était maximale comme si ces quelques scènes rabâchées étaient vues pour la première fois et le silence total, seulement rompu par les bruits heureusement minimisés des explosions.

         C’est après, et après seulement, qu’on passerait aux choses sérieuses, encore que l’Empereur Baldur II en doutait tant les contacts diplomatiques officiels étaient ordinairement stéréotypés et convenus. Mais il s’agissait là d’un passage obligé.

    suite ICI

     

     

     

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    [1]  triglon : arme de poing à mi-chemin entre pistolet-mitrailleur et fusil-mitrailleur

    [2] Glork : boisson originaire d’Algol 3, obtenue par un procédé voisin de la fermentation alcoolique (NdT)


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    Extraits du Nouveau Codex Impérial (éd. 956 rc)

     

    Sujet :                                    République Logique de Farber

    Section :                                histoire générale

    Références extrait(s) :         tome 39, pp. 303-787 

    Sources générales :            tomes 39 et 40

    Annexe(s) :                           27 (systèmes stellaires périphériques), 85 (impôts et taxations extérieures)

     

    …/…  car c’est en effet en 574 rc que meurt, victime de la maladie pourpre, l’Empereur Ambrose Mégalocène ainsi que de nombreux représentants importants de la Cour impériale de ce temps. L’épidémie, on le sait, fit plusieurs millions de victimes parmi les ressortissants du premier quadrant et devait désorganiser durant plusieurs années l’Administration de l’Empire (voir également annexes 11 et 99, santé publique). Le fils héritier de l’Empereur étant selon les statuts trop jeune pour régner, la régence fut confiée à la princesse Valenx, l’épouse survivante du prince Agétrix, frère d’Ambrose, alors âgée de 39 ans. Malheureusement pour la succession, la nomination de la princesse Valenx fut presque immédiatement contestée par une partie de la Cour, notamment par le prince Sicobi (chef de la faction des Sicobites) allié pour l’occasion au Tribolatre Algénas VII et au Général-Conseiller Alstor, chef militaire suprême des 2ème et 3ème armées. Durant presque six ans s’ensuivirent des troubles sporadiques qui culminèrent, en 579 rc, par le grave incident dit « du massacre des Innocents ». La guerre civile ne put être évitée de justesse que par l’accession au trône – par dérogation spéciale du Conseil impérial – de l’enfant régenté qui devait dès lors régner sous le nom de Maltus IV.

    Durant cette période incertaine, l’autorité de l’Empire fut durablement affaiblie et c’est à cette occasion qu’un certain nombre de colonies impériales en profitèrent pour déclarer unilatéralement leur indépendance. En définitive, peu d’entre elles y parvinrent mais ce fut pourtant le cas de la colonie 705 HB1 qui devait devenir, après cinq années d’une impitoyable guerre de libération, la République Logique de Farber…/…

     

    …/… Le système stellaire du Trident s’organise autour d’une étoile de catégorie orange C qu’entourent cinq planètes dont seule la troisième est occupée de façon permanente depuis le début de la colonisation par une population d’origine terrienne d’environ 135 millions d’âmes. D’abord colonie impériale, cette population a obtenu son indépendance lors de la régence de Maltus IV (574-579 rc) et s’est organisée en république, la République Logique de Farber (RLF), du nom de l’ancienne capitale de l’hémisphère sud de la planète.

    Population : 135 830 000 habitants (recensement de 969 rc)

    Capitale : Carresville (6 000 000 habitants)

    Ressources principales : agriculture, tungstène, cobalt, industries de transformation, tourisme

    Monnaie : le Sol (Empire galactique), le Crédit (monnaie de la CPI) et le Farber, de valeur souvent variable

    Langue : le Farber (la langue locale) et le Fried

    Potentiel militaire : 200 000 soldats spécialisés (1 000 000 par mobilisation rapide en trois jours), flotte spatiale de plusieurs centaines de vaisseaux de catégories diverses, armement classique et quantique mais aussi…/…

     

    …/… En 576, des éléments de la deuxième armée impériale s’emparent et détruisent la colonie 705 HB1 sans, toutefois, pouvoir empêcher le repli d’une partie des insurgés sur la planète Alcyon A, déjà terraformée. Face à l’organisation et au potentiel de nuisance des insurgés, le général impérial Larken décide de soumettre la planète à un siège total. Pour cela il fait larguer, dans l’entourage immédiat de la planète, des milliers de mines-robots rendant alors tout mouvement spatial impossible. Ces mines « intelligentes », virtuellement indestructibles, repèrent tous vaisseaux se trouvant à proximité et les « neutralisent » par missiles à neutrons, rendant envisageable la récupération ultérieure du matériel à la dérive. Ce n’est qu’en 579, lors de la prestation de serment du nouvel empereur - qui régnera sous le nom de Maltus IV - qu’une amnistie est proclamée et l’indépendance de la colonie 705 HB1 reconnue…/…

     

     

     

     

     

    4

     

     

           Une aube affaiblie accompagnait la montée du soleil bleu qui n’était évidemment pas encore visible car toujours caché derrière la ligne accidentée de l’horizon. Pourtant la luminosité qui poignait à l’est était déjà forte mais, si elle gagnait progressivement en intensité, ce n’était que pour préparer l’éruption finale car, dès qu’elle surgirait, l’étoile géante remplirait le ciel de sa lumière aveuglante. Sa couleur tirait en réalité sur le bleu-vert ce qui n’était pas commun dans la Galaxie, d’autant qu’il s’agissait d’un soleil unique. C’était même une curiosité et on venait parfois de loin pour vivre le phénomène. En effet, sous cette lumière et à cette latitude, les terres, l’eau, l’espace même, prenaient une étrange densité, légère néanmoins. Probablement un des plus beaux spectacles offerts par la Nature indifférente.

             Il faisait chaud sur cette planète mais moins que ce à quoi on aurait pu s’attendre d’après la lumière. L’explication en résidait dans le fait que l’orbite de la planète était éloignée, très éloignée de la géante bleue. Il y avait longtemps, après bien des études et des hésitations, une équipe de scientifiques ultra spécialisés avait pris la décision de terraformer cette planète. C’était une sorte de pari car comment savoir si elle pourrait quand même être habitable ? Comment savoir si la végétation et les animaux importés de la lointaine Terra auraient une chance de survivre dans l’étrange environnement ? La vie jusque là absente s’accrocha pourtant et, parmi les  nouveaux immigrants, certains d’entre eux arrivèrent à s’adapter, généralement pas ceux sur lesquels un observateur attentif aurait parié. Mais la planète – qui n’était pas hostile – avait ses habitudes et elle transforma les survivants pour en faire des espèces différentes, des espèces nouvelles.

          Les exobiologistes, les néozoologues, les éthologues, une ribambelle de scientifiques arrivèrent alors de partout pour comprendre comment cela était possible : tant de différences en si peu de temps ! Mais le fait était là : la planète de la géante bleue avait créé sa propre vie.

            Les humains s’étaient passionnés pour cette aventure unique mais ils ne pouvaient guère rester en surface tant les rayons ultraviolets de l’immense soleil pouvaient les blesser et détruire leurs organismes fragiles. Assez rapidement, on prit l’habitude de faire travailler, sur la planète bleue, des droïdes dont la structure était bien plus compatible. Ce sont ces derniers qui lui donnèrent son nom : Balgyra, en souvenir d’une de leurs unités détruites il y avait bien longtemps par un quelconque phénomène naturel. Sur Balgyra ne demeurèrent donc que quelques humains et à peine plus de biocyborgs, sagement regroupés dans les profondeurs moites de la terre, et une armée de droïdes qui assuraient l’exploitation et la maintenance.

               Il n’était donc guère étonnant que Vinclère, droïde-arpenteur minier de son état, ait choisi cet environnement particulier lorsque les choses avaient brutalement commencé à mal tourner. C’était un droïde comme beaucoup d’autres – certains humains mal intentionnés auraient dit : ce n’était qu’un droïde – mais il avait depuis sa construction, presque deux cents ans plus tôt, toujours donné satisfaction à ses employeurs. Et, en vérité, il demandait peu à la Vie : accomplir sa tâche du mieux possible puis retrouver d’autres droïdes comme lui pour se distraire en se racontant les histoires qui leur étaient propres et qui leur plaisaient, qui leur faisaient « passer le temps » comme ils disaient parfois. Il lui arrivait aussi d’avoir envie de se reprogrammer quand la technique pour laquelle il avait été conçu avait sensiblement évolué. Cela faisait d’ailleurs partie de ses obligations mais ne l’ennuyait jamais, au contraire. C’était comme cela qu’il concevait sa vie. C’était comme cela qu’il comprenait son statut de Citoyen de l’Empire, le statut qui était réservé à toutes les espèces pensantes quelles que soient leurs origines. Il n’était bien sûr pas dupe : il savait pertinemment que son existence ne pesait pas cher face à celle d’un bionat [1b], voire d’un biocyborg, mais c’était le prix à payer pour qu’on tolère ses capacités intellectuelles qui ne pourraient jamais englober plus que ce pour quoi il avait été fait. Il n’en tirait aucune déception. La jalousie, la haine, l’envie, la colère lui étaient totalement étrangères et il n’aurait jamais pensé, même une seule seconde, se plaindre de sa condition. C’était sa vie, voilà tout.

              Quand il avait reçu le premier avertissement concernant sa « procédure de neutralisation », il était longtemps resté interdit, désarçonné face à une information qu’il n’arrivait pas à intégrer à ses schémas de pensée. Mais le frère droïde qui l’avait renseigné ne pouvait pas se tromper : c’était bien lui, et lui seul, qu’on voulait détruire. Vinclère n’avait pas eu peur de cette nouvelle qui aurait été si effrayante pour d’autres. Il n’avait même ressenti aucune impression d’injustice, une notion inconnue de lui. Simplement, il ne comprenait pas pourquoi on envisageait la disparition d’une machine comme lui qui avait toujours parfaitement fonctionné sans jamais causer aucun dommage à son entourage. Par d’autres canaux plus ou moins confidentiels – et toujours d’origine droïde – il finit par concevoir que les gens qui lui voulaient du mal étaient en réalité la propre compagnie qui l’employait, la CFS [2]. Mais ses compétences et le travail qu’il effectuait n’étaient pas en cause. D’abord incrédule, il s’était finalement rendu compte qu’il n’était pas personnellement visé, du moins pas lui en tant que Vinclère, droïde arpenteur minier. En fait, il n’était qu’un pion parmi d’autres, dans un jeu mortel qui dépassait totalement sa compréhension, et le seul reproche qu’on formulait à son égard - mais il était incontournable – était sa présence sur Alcyon B lors de la découverte quelques mois plus tôt du gisement de Xantinum. Un témoin, un témoin gênant, voilà ce qu’il était. Et les biocyborgs des Escadrons Noirs, qui étaient en quelque sorte la police de la CFS, étaient à sa recherche. Déjà bien d’autres « témoins » comme lui, et pas seulement des droïdes, avaient disparu ou étaient morts dans des circonstances inexpliquées. Il n’était qu’un pion. Un simple pion. Vinclère ne pensa même pas à se défendre, à discuter cette condamnation brutale, à chercher à négocier : ce n’était pas dans sa nature et d’ailleurs quels arguments aurait-il pu faire valoir ? Le seul recours en son pouvoir aurait été de prétendre garder à jamais le secret sur ce qu’il avait vu ou fait sur Alcyon mais il savait que ses ennemis ne croiraient pas à sa bonne volonté. D’ailleurs tout cela, il pouvait le comprendre : quel meilleur moyen de s’assurer du silence d’un être que de le neutraliser ? Il était persuadé que, pour devoir agir ainsi, la CFS possédait de bien sérieuses raisons. Il n’en ressentait aucun dépit. Mais, contre toute attente, il décida de se soustraire. Ou du moins d’essayer. Pour échapper aux biocyborgs policiers, il entreprit de partir le plus loin possible. Son choix se fixa sur Balgyra.

               Vinclère, bien que ballotté dans la Galaxie entière au gré de ses divers travaux, avait toujours considéré Balgyra, la planète où bien des années auparavant il avait pour la première fois été mis en service, comme une sorte de terre natale, un second foyer. De plus, il y avait conservé des connaissances parmi ses frères droïdes et, avec leur assentiment, il organisa son repli sur la planète bleue. Comme il lui était impossible de demeurer au sein des équipes opérationnelles sans crainte d’être identifié comme l’intrus qu’il était, quelques complicités lui permirent de profiter d’une équipe d’inspection régulière pour se cacher dans une base scientifique déserte. Il décida alors de rompre tout contact, autant pour se protéger lui-même que pour ne pas impliquer plus avant les frères qui l’avaient aidé.

               Pour Vinclère le temps ne comptait pas. Il n’avait besoin de rien et sa prochaine inspection personnalisée n’aurait pas lieu avant des années. Sa raison lui soufflait que, d’ici là, peut-être, la traque aurait cessé.

             La base, entièrement automatisée, se trouvait sur une île déserte, loin des installations régulières de Balgyra. La chaleur du soleil y était intense, ce qui ne le gênait nullement, mais l’océan – recréé lors de la terraformation à partir des vestiges solidifiés des premiers temps de la planète – était agressif. Dans un fracas considérable, ses vagues noires s’élançaient continuellement à l’assaut de la mince langue de terre qu’elles submergeaient complètement dans leurs moments de grande colère. Alors, le droïde se réfugiait au sein de la base dont il observait sans en comprendre la signification les lumières clignotantes d’une panoplie de machines et de tableaux de bord mystérieux. A d’autres moments, l’eau s’étant un peu calmée, il pouvait sortir et restait des heures entières à contempler l’horizon bleu et noir d’où, un jour peut-être, surgiraient les éléments de sa propre destruction. En dépit de son handicap mental et de ses difficultés à généraliser ses processus conceptuels, il cherchait à réfléchir. Ayant toujours été profondément étonné par le comportement des humains, il s’essaya à saisir les sentiments que ceux-ci disaient parfois ressentir et à deviner leur signification. Il aurait voulu savoir ce que cela représentait que d’être fâché, honteux ou amoureux d’un autre être. Jadis, il avait discuté de ces faiblesses humaines avec ses frères et, sans les comprendre, il avait pensé qu’il s’agissait d’entraves considérables à la logique. Il n’aurait alors jamais voulu en être lui aussi la victime. Il s’était félicité de sa condition si raisonnable, si réconfortante. Mais, à présent, dans son inactivité forcée, il s’interrogeait. Des pensées diffuses, à l’extrême bord de sa perception, lui soufflaient que, peut-être, il était passé à côté de quelque chose d’important et que, en définitive, il n’était pas tout à fait complet. Cette idée étrange le gênait et le transportait aux confins ultimes de ce qui, pour lui, ressemblait à une sorte de souffrance.

              Vinclère entendit les biocyborgs longtemps avant de les voir mais il ne bougea pas de la porte de la base où il se trouvait. Où aurait-il bien pu aller de toute façon ? Il était déjà allé aussi loin que son cerveau de droïde pouvait l’emmener. Curieux, il observa la progression des silhouettes noires sur la petite plage grise battue par les vents. Elles ne se pressaient pas car elles comprenaient qu’il n’avait aucune intention de se sauver. Le premier biocyborg s’approcha enfin et vint s’asseoir à ses côtés. Il replia ses longues jambes sous lui sans le regarder, comme un compagnon qui serait paisiblement venu profiter des rayons du soleil. Vinclère savait que ce n’était pas le cas : le biocyborg devait terriblement souffrir de l’environnement hostile. Mais il apprécia ce répit, comme si son ennemi avait reconnu ainsi le fait qu’il n’était pas un droïde totalement comme les autres. Le biocyborg tourna enfin son visage hâlé vers lui. Il avait l’apparence d’un humain, avec ses cheveux blonds et ses dents blanches découvertes par un sourire presque amical, mais l’apparence seulement car ses yeux, d’un bleu métallique, trahissaient son origine. Les autres s’étaient arrêtés à quelques dizaines de mètres de là et regardaient le paysage d’un œil distrait, à la manière de touristes humains qui se demanderaient pourquoi ils étaient venus jusque là pour si peu.

                       - Tu sais bien sûr pourquoi nous sommes là, Citoyen droïde Vinclère ? murmura le biocyborg. Sans attendre de réponse, il enchaîna : tu nous as bien fait courir, cela je peux te le dire. Mais à présent la partie est achevée. Note que je te dis tout cela parce que, d’une certaine manière, je respecte la décision que tu as prise mais tu sais bien que je ne suis nullement tenu de te parler. C’est vrai, je reconnais que tu es un drôle de droïde… Le premier comme toi que je rencontre…

               Le silence retomba quelques instants puis le biocyborg s’étira, comme au sortir d’un profond repos. Il se leva sans que Vinclère ne tente le moindre mouvement et sortit son éclateur. Il fit quelques pas en arrière pour ne pas risquer de projections puis il tira une seule fois. Le droïde s’effondra d’un coup. Un autre biocyborg s’était rapproché et contemplait la carcasse métallique encore fumante. Du pied, il repoussa la machine mais elle était définitivement détruite.

                   - Je ne me suis pas pressé parce que nous lui devions bien ça, à ce droïde…. déclara le premier biocyborg.

                     - C’était bien le dernier ? répondit l’autre biocyborg.

                     - Oui, le dernier.

     

      

               Depuis presque deux semaines, Bristica était bloquée dans son travail. Les premiers jours, elle avait eu beau revenir sans cesse sur sa démarche et vérifier encore et toujours ses procédures, les résultats obtenus l’avaient entraîné chaque fois dans une impasse.  Elle avait alors décidé de diversifier ses bases de données. Elle avait demandé – et obtenu – de Vliclina l’autorisation de se connecter avec l’Ecole de Logique Appliquée Harden de Carresville, sur Farber. L’ELA Harden était la faculté d’informatique où elle avait accompli la totalité de son cursus universitaire et où elle savait pouvoir trouver les éléments de prospective qui paraissaient lui manquer. Evidemment, Vliclina et l’Institut exigèrent qu’elle n’ait recours qu’à des interrogations ponctuelles, sans aucun contact avec les gens de là-bas, et ce de manière à respecter l’extrême confidentialité de l’enquête. Comprenant parfaitement la position des Impériaux, Bristica avait accédé sans arrière-pensée à cette demande somme toute parfaitement justifiée. Elle avait bien compris qu’elle allait être désormais placée sous stricte surveillance mais cela lui était égal. Elle pensait en revanche avoir plus de difficultés avec les Farbériens dont elle connaissait l’attitude presque paranoïaque quand il s’agissait de permettre l’accès de leurs données à des intervenants extérieurs. Contre toute attente, elle eut la satisfaction de constater que ses concitoyens ne lui imposèrent aucun obstacle, aucune entrave, pas la moindre censure. Elle reprit ses calculs. Elle renoua avec les heures passées à aligner des abaques, à rechercher, valider et comparer, à interroger souvent pour rien les différents serveurs. Le temps s’écoulait sans qu’elle s’en rende compte. Arrivée la première à l’Institut, elle y passait aussi ses soirées avant de retourner chez elle épuisée et insatisfaite. Elle s’était pratiquement retranchée du monde et ne répondait plus à ses compagnons, étonnés de tant de volonté hargneuse, que par monosyllabes. Malheureusement, elle n’avançait toujours pas dans sa recherche.

               L’explication, en vint-elle à penser, ne pouvait résider que dans l’inadéquation de son outil d’analyse, aussi décida-t-elle de reprendre complètement ses procédures, de tout remettre à plat. Ce n’est qu’au bout de plusieurs jours d’un travail tout aussi acharné qu’elle commença enfin à distinguer le bout du tunnel. Mais ce qu’elle croyait maintenant entrevoir dépassait à l‘évidence sa stricte compétence. Poussée par Renladi et Zanora qu’elle avait avertis de ses difficultés, elle sollicita l’intervention de son directeur d’étude. L’impériale attendait certainement sa demande d’entretien car, alors qu’elle n’avait pas mis les pieds à l’Institut depuis deux jours, Vliclina lui proposa de modifier immédiatement son propre emploi du temps afin de la rencontrer. Bristica passa plusieurs nouvelles heures à se préparer à l’entrevue. Elle ne savait toujours pas vers quoi son travail allait réellement la conduire mais elle en était persuadée : si elle ne s’était pas trompée, elle venait de mettre le doigt sur quelque chose d’important.

               Vliclina avait proposé une séance de travail le soir même, vers six heures, c’est-à-dire approximativement au moment où prenait fin la journée professionnelle de ses consultants extérieurs. Elle arriva plus d’une heure en avance mais elle n’était pas seule. Un biocyborg que personne n’avait jamais vu l’accompagnait. Sans plus attendre, Vliclina frappa dans ses mains pour attirer l’attention de tous.

                    - Citoyens-Consultants, j’ai besoin de travailler avec votre collègue la Citoyenne Glovenal mais je souhaite pouvoir le faire dans le silence et la plus totale tranquillité. C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir, à titre tout à fait exceptionnel, nous laisser seuls. Je comprends que certains d’entre vous assurent un travail qui demande à ne pas être interrompu : à ceux-là, je propose de poursuivre en salle 12016 BF où, vous le savez, des ordiquants sont également à votre disposition. Pour les autres, je leur souhaite une excellente soirée de détente et donne rendez-vous à tout le monde ici dès demain matin. Au revoir à tous.

            Les consultants se levèrent dans un silence presque total qui témoignait de leur surprise mais aucun d’entre eux ne fit de commentaires. Passant devant son bureau, Renladi gratifia Bristica d’un petit clin d’œil complice avant de rejoindre ses compagnons. Assurée du départ des autres, l’Impériale capta le regard du biocyborg et tous deux entrèrent silencieusement dans le bureau de Bristica. Impressionnée malgré tout, la jeune Farbérienne leur proposa de s’asseoir à proximité immédiate de son ordiquant principal et entreprit de reclasser une dernière fois ses documents.

                     - Brissy, avant que vous m’expliquiez ce qui vous préoccupe, commença Vliclina, permettez-moi de vous présenter le Citoyen-Biocyborg Lanol qui est un spécialiste renommé de prospective galactique. C’est d’ailleurs lui qui, durant ces derniers mois, a supervisé le recueil de l’ensemble des données. Il est, de plus, un de nos agents les plus compétents en informatique quantique et je suis persuadée qu’il saura comprendre là où je risque d’être un peu dépassée…

              Bristica doutait sérieusement que cela puisse être le cas mais elle ne fit aucune remarque. Elle adressa un hochement de tête poli au biocyborg et positionna son écran d’ordiquant. Le biocyborg était un être de taille moyenne, au visage brun impassible et aux yeux d’un noir profond. Habillé de l’habituelle tenue bleu-nuit des biocyborgs impériaux, il s’était installé un peu en retrait des deux femmes et, les mains bien à plat sur la petite table de travail, il ne quittait pas Bristica des yeux. Cette dernière, plutôt intimidée, attendit quelques secondes puis, prenant sa respiration, commença :

                  - Comme vous le savez, Citoyens, vous m’avez engagée ici pour chercher à aborder l’enquête avec un œil différent, un œil neuf. J’ai essayé de faire de mon mieux pour analyser les données qui m’ont été confiées afin que, ultérieurement, elles soient incluses dans la méta-analyse globale. Comme d’ailleurs tous les résultats colligés par mes compagnons. Toutefois, à l’inverse d’eux, en tant que quanticienne, je suis forcément amenée à prendre du recul par rapport aux données brutes et c’est la raison pour laquelle ma position m’oblige surtout à tester les modèles d’analyses et à en valider la congruence. Il faut dire que…

                      - Nous savons tout cela, Brissy… murmura Vliclina.

                   - Oui, heu, bien sûr… Alors je crois… J’en arrive tout de suite à mon problème… Au début, j’ai donc adopté l’approche standard, c’est à dire que j’ai associé dans le modèle global, préméta-analytique, à la fois les données factorielles et factuelles, ces dernières évidemment globalisées. J’ai normalement obtenu une modélisation horizontale classique et, à partir d’elle, j’ai cherché la modélisation verticale correspondante. C’est à ce moment que j’ai commencé à avoir des problèmes…

             Bristica s’était tournée vers son ordiquant. Dans le silence soudain retombé, elle s’activa plusieurs minutes sur le clav [3] de l’ordinateur, corrigea plusieurs éléments de sa configuration sur l’écran tactile qui affichait en accéléré schémas et courbes. Elle revint au début de ce qui allait être sa présentation ordiquante et qu’elle piloterait par des liens hypertextes activés par certains des mots qu’elle allait prononcer. Satisfaite enfin, elle se retourna vers ses deux auditeurs qui n’avaient pas perdu un seul de ses gestes.

                  - Comme vous le voyez sur l’écran de l’ordi, c’est avec la modélisation verticale que j’ai eu des ennuis : vous pouvez le constater, impossible de sortir quelque chose d’exploitable. A vrai dire, je m’y attendais presque. Très classiquement, j’ai donc ensuite essayé d’introduire une renormalisation. Mais sans plus de résultats. L’impasse. Au lieu de réfléchir plus calmement à tout ça, j’ai sans doute eu le tort d’insister, de m’entêter. Et c’est seulement au bout de deux ou trois jours que je me suis dit qu’il suffisait peut-être d’avoir tout simplement recours à une constante d’incertitude. Je me rappelais en effet que, sur Farber, j’avais eu des ennuis de ce genre et que… mais qu’importe ! Malheureusement, je n’ai pas mieux réussi. C’est alors, Citoyenne-Directeur Adjoint, que je vous ai demandé d’accéder aux bases de données de mon école de ELA Harden. Pour revalider et réajuster ma constante. Après, ça a été un peu mieux car, comme vous voyez, les courbes étaient devenues cohérentes mais, et c’est là le drame…

                    - Il est apparu une rupture d’invariance… constata Vliclina qui s’était penchée vers l’écran, tout à coup terriblement intéressée.

                    - Exactement, reprit Bristica, une rupture d’invariance ou, en d’autres termes, une brisure de symétrie. J’étais à nouveau bloquée.

             L’Impériale était profondément plongée dans ses pensées et Bristica lui laissa le temps de comprendre les implications de ce qu’elle venait de révéler. Elle sursauta en entendant, pour la première fois, la voix grave du biocyborg.

               - En pareil cas, il n’y a qu’un seul moyen pour s’en sortir : définir une invariance locale de jauge.

                - C’est exactement ce que j’ai pensé, reprit la Farbérienne. Mais comment procéder dans un modèle de ce type ? J’ai donc tout repris du début. J’ai tout recommencé, mais, cette fois-ci, je suis parti de la verticalité.

               - Mais, Brissy, voyons, ça ne peut rien  changer! s’exclama Vliclina.

                - Au contraire, ça change tout, répliqua Bristica. Ca change tout car on peut parfaitement utiliser un champ de jauge en verticalité mais à la condition impérative d’avoir l’outil approprié… et cet outil je l’avais.

               Elle attendit plusieurs secondes pour bien capter l’intérêt des deux autres. Elle constata avec satisfaction qu’à présent même le biocyborg était passionné par ce qu’elle disait. Son regard était fixé sur elle, si brûlant qu’elle se retourna vers son écran.

                    - Je l’avais en réalité depuis le début mais je n’y avais pas pensé parce que j‘avais pris le problème par le mauvais côté. Cet outil, je l’ai mis au point il y a quelques années sur Farber pour une étude dont l’approche était similaire quoiqu’à une bien plus petite échelle, cela va sans dire… Il suffisait seulement de l’adapter au cas qui nous intéresse. L’outil mathématique en question est un collisionneur virtuel d’un genre un peu particulier qui permet de modéliser l’analyse comme si…

             Elle parla plus d’une heure pour expliquer en détail le mécanisme intime des procédures d’utilisation de son logiciel mathématique. Dans un silence absolu et sans jamais être interrompue. Quand elle eut fini, elle attendit la question qui ne manquerait pas d’être posée, qu’il était obligatoire que l’un des deux pose. Ce fut Vliclina.

                - Et, au total, ça donne quoi ? La procédure est très intéressante mais, à la fin, quand vous avez intégré toutes les données, ça donne quoi ?

                     - Cela demande confirmation évidemment. Parce qu’il reste encore bien des calculs et des vérifications à faire mais pour moi le résultat est indiscutable : sous cinq ans, sept peut-être, nous arriverons à un point de convergence…

                      - Un point de…  Non, vous êtes sûre ? Totalement sûre ?

                      - Pour moi, ça ne fait aucun doute.

               L’Impériale s’était levée et, pour la toute première fois depuis que Bristica la connaissait, elle semblait nerveuse. Elle s’approcha de la porte du bureau et se mit à regarder distraitement le PAMA qui trônait au centre de la grande salle. Elle se retourna enfin.

                    - Inutile de vous dire qu’il s’agit là – si vous avez raison, bien sûr, et comptez sur nous pour éplucher vos calculs et la cohérence de vos procédures – d’un élément capital. Qui engage notre avenir à tous, vous vous en doutez bien. Pour le moment, je vous demande le secret absolu sur tout ce que vous venez de nous apprendre. Absolu, j’insiste. Mais, d’ores et déjà, en ce qui vous concerne, il faut encore affiner, préciser, détailler. Cherchez avant tout à identifier les éléments principaux qui interviennent dans ce point de convergence… si point il y a vraiment. Mais assez pour ce soir. Allez-vous reposer. Je vous verrai demain.

              L’Impériale s’éloignait déjà et le biocyborg lui emboîta le pas. Avant de quitter le bureau, toutefois, il se tourna vers Bristica et lui dit :

                    - Impressionnant. Véritablement très impressionnant.

     

     

                       - Alors, c’est là, s’exclama Zanora, admirative. Tu parles d’un truc !

              La jeune confédérée, tête en l’air, contemplait le somptueux bâtiment qui abritait l’ambassade de la République de Farber. La tour grise s’élançait à l’assaut du ciel comme un gigantesque vaisseau spatial de l’ancien temps, un monolithe dont l’extrémité supérieure paraissait se perdre dans les étoiles. Elle écrasait ses voisines par sa puissance et la nuit, disait-on, on pouvait la voir à des dizaines de kilomètres. Même les montagnes toutes proches paraissaient amoindries par cette encombrante voisine.

                    - A côté de ça, continua Zanora, l’ambassade de la CPI que je t’ai montrée tout à l’heure est carrément ridicule. Quel truc, non mais quel truc !

                     - Tu sais, répondit Bristica légèrement agacée, chez nous, il y a des gens un peu mégalomanes… D’ailleurs, c’est bien connu, moins on est puissant, plus on fait étalage de sa force ! Bon, on y va ?

             Les deux jeunes femmes s’engagèrent sous l’immense porche magnéto-optique réservé aux visiteurs de passage. Elles durent présenter leurs fiduces à trois droïdes différents avant de pouvoir accéder au restaurant-bar de transit. Elles choisirent une petite table isolée contre une baie vitrée qui diffusait des vues virtuelles criantes de vérité de Carresville. Bristica se trouvait replongée dans l’univers qu’elle avait quitté quelques mois plus tôt, une partie de sa vie qui lui paraissait à présent extraordinairement lointaine. Elle se demandait encore si cela lui faisait plaisir.

               - Imagine : ici, ce n’est même pas encore véritablement l’ambassade, déclara–t-elle. Ce qui signifie que j’ai encore pas mal de contrôles à franchir, tu comprends. Bon, on commande quelque chose, mais je vais t’abandonner rapidement parce que mon rendez-vous avec mes chers compatriotes est à 3 heures 80 précises. Or, à Farber, pas question d’être en retard sous peine que tout ne soit annulé. Et puis, j’ai déjà décommandé deux fois mon passage ici à cause du travail à l’Institut alors… Allez, je reviens le plus rapidement possible, c’est promis. D’ailleurs, on m’a juré que ça ne serait pas long.

                   - Eh, c’est qu’il y a plutôt intérêt ! Le centre des ambassades est à plus de 600 kms de l’Institut et leurs aérotrains ont beau être rapides, je t’ai déjà dit que j’avais pas envie, même pour te faire plaisir, de traîner trop longtemps…

                 - Zanora, enfin ! C’est déjà assez pénible pour… Allez, à tout de suite.

              Bristica tourna brutalement le dos à son amie et se dirigea vers le hall principal à pas rapides. Elle ralentit bientôt son allure afin de calmer la colère qu’elle avait senti monter en elle. Une colère totalement injustifiée car, elle aussi, elle se sentait mal à l’aise dans cet environnement sécuritaire. Et dire qu’elle était chez elle !

             De nombreux contrôles et une quinzaine de minutes plus tard, elle se retrouva enfin au 141ème niveau où l’attendait un certain Droz Aspéric, l’homme dont elle avait eu au vidéophone le droïde secrétaire quelques jours plus tôt. Elle pénétra dans un vaste couloir désert, aux parois feutrées et au silence sépulcral. Un droïde, totalement farbérien par son aspect essentiellement fonctionnel qui, à l’inverse de celui de ses congénères de Terra, ne laissait aucune place à la fantaisie, l’introduisit dans un vaste bureau dont les fenêtres virtuelles distribuaient évidemment des représentations 3D de sa planète d’origine. Elle n’eut pas le temps de s’asseoir car, de l’autre côté de la pièce, une porte qu’elle n’avait pas vue coulissa doucement pour laisser entrer un homme âgé d’à peine une cinquantaine d’années qui s’approcha d’elle en souriant.

               - Mademoiselle Glovenal, vous ne pouvez pas savoir le plaisir que j’ai à enfin vous rencontrer. On m’a tellement parlé de vous, vous savez… Il leva négligemment le poing gauche à la mode farbérienne et l’invita à s’asseoir. Toujours avec le même sourire de bienvenue aux lèvres, il reprit : voulez vous un rafraîchissement, un verre de Zolt [4] peut-être, à moins qu’une boisson plus républicaine…

              Sans répondre, Bristica refusa de la tête.

             - Permettez-moi de me présenter : Sylver Gend, quatrième attaché de l’Ambassade. C’est avec mon droïde secrétaire que…

                - Monsieur Gend, murmura poliment Bristica.

              - En bref, je m’occupe de m’assurer du confort sur Terra de nos ressortissants et notamment de leur installation. La République, vous le constatez, s’occupe de ses sujets égarés… Non, non, je plaisante, vous n’êtes en aucune manière égarée mais, peut-être, vais-je pouvoir néanmoins vous aider…

              En quelques minutes, alors que les listes d’attente à ce qu’on lui avait dit étaient particulièrement denses, le quatrième secrétaire lui proposa au moins trois adresses d’appartements, tous les trois choisies pour leur relative proximité avec l’Institut. La jeune femme qui s’attendait à plus de difficultés en fut évidemment ravie… tout en soupçonnant que ce qui motivait cette faveur évidente était peut-être en rapport avec sa fonction au sein de l’enquête de prospective menée par des Impériaux. Elle en fut définitivement convaincue quand, après avoir toussoté, le quatrième secrétaire suggéra :

             - Je dois vous demander une faveur. Le Karen [5], son Excellence Larmer Dis Antreo, souhaiterait vous rencontrer. Il adorerait faire votre connaissance. C’est son habitude, vous savez, Mademoiselle. Il aime bien s‘assurer par lui-même que tout va bien… C’est une sorte de tradition pour lui, ajouta-t-il avec un petit rire.

             Sans attendre un accord qui, pour lui, devait couler de source, Gend se pencha vers son bureau et, quelques minutes plus tard, la porte du fond coulissa à nouveau pour laisser apparaître un homme corpulent, plutôt petit et assez âgé, peut-être d’une centaine d’années. Il ne correspondait absolument pas à l’image que Bristica pouvait se faire de ce genre de fonctionnaires. Habillé de vêtements civils ordinaires, affable et volubile, le Karen se répandit en circonlocutions pour expliquer tout le plaisir, et même l’honneur, d’être ainsi présenté à ce qu’il appelait « les éléments les plus brillants de la communauté scientifique républicaine ». Il aurait presque pu passer pour un bon grand-père, heureux et fier du succès de ses enfants dont il désirait par dessus tout assurer le confort et l’intégration loin du foyer familial. L’homme entama un monologue d’où il ressortait tout le bien que le fonctionnaire farbérien pensait de sa compatriote - car, pour lui, il était acquis que Bristica n’était que momentanément éloignée de leur planète – et l’espoir considérable qu’il entretenait de voir une brillante scientifique comme elle en « remontrer à ces Impériaux parfois un peu trop sûrs d’eux ». La jeune femme comprenait bien que, au delà de cette avalanche de compliments et de l’amabilité apparente, il lui était ainsi rappelé sans équivoque l’attachement à la République dont elle se devait de faire preuve. En revanche, et contrairement à ses craintes,  à aucun moment il ne fut fait allusion au travail auquel elle participait à l’Institut. Seule, la déférence et le mutisme soudains du quatrième secrétaire, trois pas en arrière de leur couple, rappelait à la jeune femme que le bon vieillard était un homme qu’il valait mieux ne pas décevoir. Mais Bristica, depuis le début, en avait été persuadée. La conversation à sens unique dura une dizaine de minutes. Les Farbériens désirèrent ensuite lui montrer toute l’estime dans laquelle ils la tenaient en lui expliquant qu’il n’était pas question pour eux de la laisser repartir par un de ces horribles aérotrains impériaux. On lui proposa donc de la faire raccompagner par un aéroglisseur de l‘Ambassade, « Vous-même, mais aussi votre amie, cela va de soi » ajouta le Karen qui n’ignorait rien.

             Bristica ne fut effectivement soulagée qu’en repoussant la porte de sa chambre d’hôtel. C’est seulement alors qu’elle s’aperçut de l’angoisse que lui avait coûté cette démarche obligée. Elle se laissa tomber en soupirant sur un des fauteuils d’angle et ferma les yeux. Elle revit le sourire affable du Karen tandis qu’il la prenait par le bras. Du coup, elle comprenait mieux à présent ses facilités de connexion avec l’ELA Harden quelques jours auparavant. La République de Farber, dont elle était toujours un des fidèles sujets, savait à l’évidence tout de l’importance de l’étude impériale. Elle venait d’en avoir indirectement la preuve et, pour la première fois, elle se demanda si elle n’était pas impliquée dans quelque chose qui la dépassait. Incontestablement, cette idée l’effrayait.

     

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    [1b] bionat : c’est ainsi qu’on nomme les représentants « naturels » du genre homo sapiens, par opposition aux biocyborgs issus de la biologie du génie génétique. L’ensemble des deux espèces est regroupé sous l’appellation d’humains, cette fois-ci par opposition avec les droïdes ou « humanité mécanique ».

    [2]  CFS : Compagnie du Fret Stellaire

    [3]  clav : clavier tactile d’un ordiquant qu’on pilote par présentation des doigts quelques millimètres au dessus des touches virtuelles

    [4] zolt : boisson légèrement euphorisante, servie indifféremment froide ou chaude, rappelant le thé et provenant du système d’Arcturus (avant que son usage ne se diffuse à l’ensemble de la Galaxie).

    [5]  Karen : responsable local des forces de sécurité (et du contre-espionnage) de la République de Farber


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