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livre trois : chapitre huit
Extraits du Nouveau Codex Impérial (éd. 956 rc)
Sujet : L’Universalité
Section : histoire générale, histoire des philosophies, politique générale et stratégie,
Références extrait(s) : tome 24, pp. 128-161 ; tome 104, pp. 26-97, 212-281 et 427-432 ; tome 108, p.921-923
Sources générales : tome 24, chapitre 2 ; tomes 101-108 ; tomes 283-284
Annexe(s) : échanges interstellaires, droit interstellaire, droit sociétal, routines spéciales
…/… fait officiellement remonter l’origine formelle de l’Universalité (alors encore dénommée « Globalité ») à l’année 541 rc lors de la parution du manifeste conjoint « Globalité et structuration galactique » par Ravin Djecoul (Terra) et Aldrin Loz-Gart (Gavelor du Cygne). Après des débuts modestes, vite complétés par une diffusion active sur le kha de l’époque, cette nouvelle approche quasi-philosophique des rapports interhumains dans la Galaxie réussit à séduire de nombreux intellectuels et scientifiques si bien que…/…
…/… représentée notamment au sein du pouvoir impérial par plusieurs hauts représentants de « l’Opposition Globale ». Combattue par les tenants d’un pouvoir impérial centralisateur, l’Universalité s’imposa dans plusieurs systèmes planétaires comme une alternative crédible à la gestion de l’Empereur Zeld III l’Ancien puis à celle de son successeur, l’Impératrice Zelia I. C’est cette dernière qui, en 549 rc, décida de mettre un terme à l’expérience universaliste, notamment présente dans le système de Procyon et dans celui de Capella. La situation se résolut sans conflit majeur ce qui explique…/…
…/… resta en définitive relativement confidentielle jusqu’en 927rc lors de ce que l’on baptisera par la suite les « les Événements d’Olphiecor » (voir sujet dédié) qui déboucha sur une répression de la part du pouvoir central, une répression aux allures de guerre civile…/… s’étendant sur plusieurs systèmes planétaires (notamment Algol, Gagino et, dans une moindre mesure, Vargas), cette « révolte » universaliste s’appuyait sur des éléments militaires en provenance de la Confédération des Planètes Indépendantes ainsi que sur des forces paramilitaires recrutées sur place, souvent fortement armées ../… reprise en main par les éléments d’active de la Première Armée Impériale qui …/… donna lieu à de nombreux procès pour haute trahison …/…
…/… dans un contexte de dérégulation complet qui s’appuie principalement sur la disparition de tout « prélèvement » (impôts, taxes, droits de douane, de péages, etc.) en rapport avec le commerce interstellaire, l’Universalité prône un « Empire bienveillant s’appuyant sur une liberté retrouvée » (Aldrin Loz-Gart) qui, de fait, s’oppose forcément aux structures en place. C’est la raison pour laquelle …/…
8
- Citoyenne Glovenal, j’ai besoin de vous parler, commença sans hésiter Gilto. Il se savait pressé par le temps et avait décidé de se dévoiler d’emblée.
Bristica eut l’extraordinaire sensation que tout son sang se figeait dans son corps. Pétrifiée, tétanisée, elle resta sans voix, immobile, en perdition. Prenant peut-être son attitude pour une sorte de réserve qu’il convenait d’apaiser ou comme une attente tout à fait compréhensible d’en savoir plus et ayant la certitude qu’elle avait bien compris ce qu’il venait de lui chuchoter, Gilto jeta un bref regard vers Drimed qui, à deux vitrines d’où ils se trouvaient, était en grande conversation avec Galène, avant de reporter son attention sur Bristica, figée comme une image fixe de talide.
- Oui, vous comprenez, j’avais besoin de vous entretenir d’un projet… reprit-il de sa voix douce et pondérée. Mais il ne faut certainement pas vous effrayer… Ce que je veux vous faire comprendre, c’est que je suis en relation, en fait presque par hasard, avec des responsables haut placés de votre discipline, la prospective générale bien sûr, qui désirent vous rencontrer, oh de façon tout à fait informelle… Face au mutisme de la Farbérienne, Gilto poursuivit : … en réalité des gens dont je suis certain que vous les connaissez – au moins de nom – et qui meurent d’envie de vous entendre sur votre nouvelle approche qui... Parce que, vous savez, vous êtes célèbre à présent dans l’ensemble de la Galaxie… et c’est vrai qu’il est dommage que, à cause du conflit actuel, on ne puisse pas facilement échanger… Qu’en pensez-vous ? Vous ne croyez pas que ça vaudrait vraiment la peine de rencontrer des spécialistes de votre niveau et d’échanger vos vues sur… Je peux arranger ça très facilement, vous savez.
Bristica sortit enfin de sa torpeur pour immédiatement regretter son imprudence car, elle en était certaine, son interlocuteur représentait ceux qu’elle ne devait sous aucun prétexte approcher, Vliclina le lui avait suffisamment rappelé à maintes reprises. Comment avait-elle pu un seul instant croire que… D’une voix peu assurée, elle se lança :
- Bien entendu, c’est le professeur Drimed qui vous a appris qui j’étais… Mais, citoyen… monsieur, heu, Zer-Dag, je n’ai aucune envie de… et, d’ailleurs, je ne le peux tout simplement pas…
- Allons, allons, il ne s’agit que d’une conversation, une simple entrevue avec des gens qui… pour tout dire, sont vos admirateurs et j’avoue que je ne comprendrais pas vraiment pourquoi…
- Désolé de vous décevoir mais c’est non. Définitivement non.
- Vous êtes sûre, insista Gilto, absolument sûre. Rien ne pourrait vous faire changer d’avis ? Vraiment rien ?
Bristica haussa les épaules sans répondre et tenta de s’éloigner du biocyborg pour rejoindre les autres lorsqu’il se passa une chose qui dépassa son entendement : l’humain la saisit par le bras et l’empêcha d’aller plus avant. Totalement surprise, la Farbérienne essaya de se dégager mais la poigne de Gilto était bien trop puissante. Elle se tourna vers Drimed et Galène pour appeler à l’aide mais ils avaient tout bonnement disparu. Au contraire, d’une porte dérobée centrale qu’elle n’avait pas repérée, deux droïdes venaient d’émerger et se dirigeaient vers eux. Au comble du désespoir, Bristica se rendit compte qu’elle était tombée dans un piège et qu’elle n’avait aucune chance de s’en sortir.
- Allez, venez, murmura Gilto, je puis vous assurer formellement qu’il ne vous sera fait aucun mal. On va suivre les deux droïdes. J’ai un carel [1] tout près : on discute avec mes amis et puis, c’est fini, vous rejoignez votre hôtel. Ni vu, ni connu, qu’en dîtes-vous ?
Bristica était persuadée que le cyborg lui mentait pour s’assurer de sa relative neutralité. En fait, c’était bel et bien un enlèvement et elle n’avait rien vu venir, barnove nulle ! Résister ne servait à rien. D’autant que les droïdes qui s’approchaient et dont elle n’avait jamais vu un tel modèle, n’avaient pas l’air d’être particulièrement dociles.
C’est alors que tout bascula.
Les deux droïdes inconnus étaient à peine à moins de deux mètres de Bristica, bien décidés semblait-il à prêter main forte à Gilto, que le plus proche s’arrêta brutalement comme frappé de paralysie soudaine. Pour le deuxième, ce fut pire : il s’écroula sur le sol dallé avec un bruit répugnant de succion molle. C’est seulement à ce moment que la Farbérienne remarqua que le magasin de présentation le plus éloigné d’eux s’était ouvert et qu’une silhouette bien reconnaissable s’en était extrait.
- Vals ! hurla-t-elle tant son soulagement était réel. Je ne savais pas…
Mais le grand droïde, soudain extraordinairement mobile, ne s’arrêta pas à sa hauteur occupé qu’il était à poursuivre Gilto lequel, face à l’échec patent de sa tentative, avait pris la fuite dans le corridor où avaient déjà disparu Drimed et Galène. Après un instant d’hésitation, Bristica se résolut à lui emboîter le pas. Elle n’eut pas à courir bien longtemps. Plusieurs miliciens aidés de droïdes-policiers n’avaient eu aucune peine à intercepter les fuyards. Sauf Gilto qui n’était nulle part visible. Essoufflée plus par la grande peur qui l’avait submergée que par sa course relativement modeste, Bristica se porta à la hauteur de Vals qui inspectait l’endroit avec une intensité soutenue. La jeune femme n’eut pas le temps de l’interroger qu’il était reparti en direction de la paroi controlatérale. Après une brève inspection, il leva son bras gauche et, effectivement, comme par une sorte de magie, un pan de mur bascula sur une ouverture extérieure expliquant la mystérieuse disparition de leur ennemi. Sans attendre, le grand droïde s’engouffra dans le passage ainsi révélé.
Depuis son enfance, en réalité du plus loin qu’il s’en souvienne, Tritze s’était senti proche de Dieu[2]. Proche ? En communion plutôt. Comme s’il était habité par lui. Dès ses premières années en ce bas-monde, ses parents, disciples intraitables de la Seconde Religion, lui avaient fait comprendre l’honneur suprême de faire partie des Vrais Élus. À peine savait-il vaguement lire qu’il commençait à apprendre par cœur les préceptes de la Tayorka[3], à les recommencer encore et encore tout au long de son apprentissage. Jusqu’à pouvoir les répéter sans la moindre erreur. Mais pas les ânonner stupidement comme certains faux disciples, non, lui, il en comprenait la moindre ligne, le moindre signe, la plus petite virgule. Cent-vingt-sept chapitres, des milliers de pages énoncés par le prophète du Début des Premiers jours. On pouvait lui poser n’importe quelle question, lui citer n’importe quel passage, il n’était jamais pris au dépourvu. Il savait les textes absolument par cœur et, parfois, il avait presque l’impression de faire lui-même partie du Livre des Révélations, la Tayorka. Il avait bien ri avant de se fâcher lorsque des détracteurs stupides lui avaient suggéré que cet apprentissage sévère lui avait carbonisé le cerveau, l’avait formaté au point de ne plus être qu’une sorte de perroquet savant et qu’il avait définitivement perdu sa liberté de penser. Quelle liberté ? Quoi d’important pouvait-il exister en dehors de la Tayorka ? C’étaient eux les carbonisés du cerveau, eux et pas lui qui défendait la Vérité. La seule et unique Vérité. Tritze aurait pu devenir un éminent religieux portant la Bonne Parole, voire un spécialiste, un authentique exégète de la Tayorka. Le destin en avait décidé autrement lorsque le Telior[4] avait convaincu ses parents qu’il serait bien plus utile à la vraie foi en occupant une place importante dans la société civile, de préférence au sein de l’administration impériale. Tritze n’avait pas discuté cette recommandation. Il ne discutait jamais les avis de ceux qui savaient, les avis des vrais croyants. Jamais. Il se lança à corps perdu dans des études de systématique stratégique comme l’avait suggéré le Telior. Il avait été remarqué très tôt pour ses capacités de mémorisation et de déduction tant et si bien qu’à trente-deux ans à peine, il occupait le poste envié de vice-directeur des Opérations au Département-Ministère de la Planification Locale. Un travail certes fastidieux mais qui lui laissait du temps pour prolonger sa foi et, surtout, pour signifier au Tout-Puissant sa totale soumission.
En ce matin glorieux de juin 956rc, Tritze s’apprêtait à entrer dans l’Histoire. La Grande Histoire, la seule qui comptait, celle de Dieu. Depuis plusieurs années déjà, il savait son époque mauvaise, maudite même. Le sursaut était nécessaire. Et il était un de ceux qui avaient été appelés pour faire comprendre à cette humanité en perdition qu’elle avait emprunté un mauvais chemin, une route infernale, celle du déshonneur et de l’athéisme. Tous ces gens unis par une absence de morale, par le partage d’intérêts contraires à l’esprit de sacrifice religieux, les voilà qui se faisaient à présent la guerre pour d’obscurs avantages économiques. Sans souci de tous ceux qui périssaient en chemin sans même pouvoir être sauvés. Les décideurs de ce temps de désespoir devaient être châtiés, même au prix de vies innocentes. D’ailleurs, il n’y avait pas de réels innocents car, enfin, tous acceptaient les choix de leurs dirigeants, voire les anticipaient. Pas d’innocents. Tous coupables à un degré ou à un autre. Quelques rares élus avaient saisi l’horreur de la situation. Tritze était l’un de ceux-là et il comptait bien le faire comprendre.
Il salua ses quelques rares collaborateurs présents d’un bref signe du bras et méprisa comme à son habitude les stupides droïdes qui s’étaient mis au garde-à-vous en l’apercevant. Son carré pro était un des plus grands du 185ème étage – celui des services de direction – de la tour Grozen. Par beau temps comme aujourd’hui, on pouvait apercevoir les contreforts boisés du palais impérial mais il ne tourna certainement pas son regard vers cet endroit qui n’était digne que de son mépris. Il préféra observer ses collaborateurs au travers de la paroi vitrée de son carré, une paroi occultée uniquement de l’extérieur. Il y avait déjà là une dizaine de personnes mais dans moins d’une demi-heure ils seraient plus, bien plus. C’est à ce moment qu’il frapperait. À propos… Son regard se porta vers son planorbe qui renfermait depuis plusieurs jours déjà la bombe à diffusion qu’il y avait cachée. Plusieurs jours de suite, il avait nuitamment rapporté des documents ordiquantiques afin de se faire accepter de la Sécurité qui était plutôt sourcilleuse puis il s’était lancé à transporter le lourd coffret indétectable de la bombe. Aucun problème. Il était trop connu de la Sécurité. L’Universalité – encore de faux prophètes – lui avaient fait parvenir l’arme. Il avait ensuite envoyé paître le représentant de cette secte inepte qui voulait savoir si… Crétins immondes ! Ceux-là ne valaient pas mieux que les bureaucrates impériaux. Eux non plus ne comprenaient rien à rien par manque évident d’esprit sacré. Dieu les punirait aussi un jour ou l’autre ; c’était écrit car Dieu ne pardonnait qu’à ses fidèles.
Il attendit patiemment. La plus grande partie de son personnel arriva. Pourquoi attendre plus encore sa rencontre avec le Tout-Puissant ? Déjà, il se voyait accueilli par les Térêtres[5] qui le conduiraient au Créateur. Pour qu’il puisse enfin totalement fusionner avec lui. Allez. Il claqua dans ses mains pour ouvrir le tiroir supérieur du planorbe et s’empara de la clé, sorte de petit boitier qu’il n’avait qu’à armer avec l’empreinte de son pouce droit avant de déclencher le dispositif conçu pour ne réagir qu’à sa voix. Dommage qu’il ne puisse pas assister au grand chambardement qui allait emporter au moins trois étages du bâtiment et, avec un peu de chance, tout le reste de la structure si elle se trouvait suffisamment affaiblie. Il regarda une dernière fois les misérables silhouettes qui s’agitaient derrière sa vitre de séparation. Tous coupables. Il présenta son doigt au boitier avant de prononcer la formule magique.
Gilto se savait perdu. Le sas de maintenance qui lui avait permis d’échapper aux Impériaux n’était qu’un pis-aller, le moyen dérisoire de gagner quelque minutes mais pour quoi faire ? Il se trouvait à présent sur une mince passerelle extérieure qui entourait cette partie du musée mais qui jamais – et c’était sa malchance – ne redescendait vers le sol. Il avait particulièrement étudié les plans de l’édifice et s’il avait retenu ce circuit d’entretien comme fuite possible, jamais il n’avait envisagé qu’il aurait besoin de s’en servir. Il comprenait à présent qu’il avait été trompé. Peut-être ses agents infiltrés avaient-ils été induits en erreur. À moins que l’assistante de la quanticienne ait tout simplement joué les agents doubles. Quelle que soit l’explication, ses ennemis ne tarderaient pas à l’encercler, toute fuite étant impossible. Or, il ne pouvait pas, il ne devait pas tomber entre des mains étrangères qui, en dépit de sa farouche volonté, finiraient par le faire craquer pour remonter jusqu’à Valardi. Aucune issue donc. Gilto ne portait évidemment pas d’armes sur lui ce qui l’aurait certainement fait repérer mais, pire encore, il n’avait plus de microbille inguinale depuis qu’il avait quitté sa triade d’escadron noir bien des années auparavant. De ce fait… Il observa la rambarde qui protégeait la passerelle. Au-delà le vide et le jardin quarante mètres plus bas. Sa seule option était donc de suivre le frêle chemin de polysalte noir sur lequel il se trouvait et de monter progressivement jusqu’en haut de l’édifice où débouchait un accès général, les autres sas rencontrés en chemin étant bien entendu inenvisageables. Il décida de ne pas bouger, que cela n’en valait pas la peine. Le ciel d’un bleu pénétrant et le soleil rougeâtre de Derisor semblaient se moquer de lui. Ils avaient bien raison : comment avait-il pu un instant penser qu’ils pourraient rencontrer la quanticienne sans que les Impériaux ne le sachent ? Valardi avait bien cherché à le dissuader de… Tout cela n’avait plus aucune importance. Plus aucune. Les toits des bâtiments qui, au-delà du jardin du musée, lui faisaient face se teintaient de rouge sous le soleil et il eut l’impression d’avoir déjà vu cette scène paisible. Il fouilla dans sa mémoire mais sans succès. Pourtant, il était certain que… Le palais Louvre de l’autre côté de la rivière Seine ! Quand il était Français perdu dans une virtualité ancienne… Le palais Louvre de la ville Paris rougi par le soleil couchant de Terra… C’était un temps béni. Il avait alors toutes les clés du problème posé par le ralliement de la quanticienne à l’Empire. Il ne doutait pas de trouver une solution. Il était certain d’arriver à lui faire entendre raison et voilà qu’à présent… Il entendit du bruit aux deux extrémités de la passerelle. Les secondes filaient si vite. Il attendit de percevoir le premier mouvement de l’ennemi, encore loin de lui. Alors, il se leva d’un coup, saisit de sa main droite la rambarde et, d’un bond prodigieux, sauta dans le vide. Tandis que l’air épais de Derisor lui giflait le visage, il vit s’approcher le sol synthétique vert et bleu mais n’eut pas le temps de réellement s’en inquiéter avant de rencontrer le noir absolu.
Pour la première fois depuis bien des jours Vliclina se sentait modérément optimiste. Elle avait eu un assez long entretien avec ses deux « plénipotentiaires » comme elle les surnommait à présent puis avec Rogue seul. Elle s’était convaincue que quelque chose – enfin - bougeait. Oh ce n’était que les prémices d’une possible sortie de crise, et peut-être même de guerre, et il n’était certainement pas question de crier victoire mais… Elle se retourna lorsqu’elle entendit la porte de la salle de réunion coulisser. Précédée par un droïde qu’elle congédia immédiatement, Der-Aver s’avança vers elle, apparemment plus détendue elle-aussi. Les deux femmes avaient décidé de délaisser leurs habituelles entrevues holographiques pour une exceptionnelle entrevue présentielle. Vliclina porta son poing à son cœur en geste de bienvenue puis désigna le biodiv qui entourait une petite table-espace de travail. Ce fut Der-Aver qui parla en premier.
- Vous êtes sûre, ma chère amie, qu’il ne s’agit pas d’une intox ? D’une manœuvre destinée à nous démobiliser si peu que ce soit ?
- Je ne vois pas ce que cela apporterait maintenant à nos… adversaires mais, surtout, il s’agit d’une simple demande de prise de contact. Rien de plus. Nous verrons bien alors si… Mais ce que m’ont rapporté mes agents semble sérieux au regard des personnalités requérantes. Comme je vous l’ai dit, il y a tout d’abord une demande provenant d’un très important décideur de la CFS dont nous savons bien tout le rôle délétère que cette organisation joue dans le conflit actuel. Et puis il y a cette seconde source, le groupe 107, dont il semble que son désir de nous rencontrer soit totalement indépendant de la première demande que je viens d’évoquer. Alors oui, il semble que quelque chose bouge chez nos ennemis comme si au moins quelques uns d’entre eux – et non des moindres - n’étaient plus aussi certains de la justesse de leurs opérations.
Der-Aver se renversa en arrière dans son div et, comme à son habitude lorsqu’elle réfléchissait, elle se mit à lisser pensivement les plis de sa birta noire et du long pantalon de la même couleur que par une coquetterie bien à elle, et contrairement à la mode en cours sur Terra, elle refusait d’entrer dans ses fines demi-bottes en cuir noir de Tiréné[6]. Elle se redressa brusquement, toisa Vliclina d’un œil acéré avant de répondre d’une voix douce mais affirmée.
- C’est entendu. Il y a là peut-être quelque chose et nous allons nous en occuper… D’autant, ajouta-t-elle après quelques secondes de silence, que les militaires semblent plutôt satisfaits de leurs opérations en cours. Comme si les savants calculs de nos quanticiens aboutissaient enfin à quelque chose de concret mais il s’agit là d’un autre sujet. Et puis il y a aussi cet attentat horrible de la tour Grozen. Deux cent vingt-deux morts et des dégâts considérables. Affreux ! Oui, affreux mais qui me rend paradoxalement modérément – oh très modérément - optimiste… Je vois à votre réaction, ma chère Vliclina, que vous semblez surprise ? Je m’explique alors. Vous vous souvenez des premières attaques de nos ennemis à l’intérieur même de nos terres ? Avant le début réel des hostilités entre militaires ? Une tentative de mise en condition, avions-nous conclu. Puis plus rien. Et voilà que ça recommence ! Eh bien, savez-vous ce que j’en pense ? Je crois que nos ennemis commencent peut-être à perdre pied, qu’ils sentent le vent tourner. Et pas en leur faveur. Ce que nous avaient présenté – mais même moi je n’y croyais guère – nos quanticiens comme les premières signes de l’approche du point de convergence probable.
Der-Aver, tête baissée pour une concentration maximale, s’était mise à marcher de long en large dans le petit salon de réception. Elle releva soudain la tête et fixa Vliclina de son regard perçant.
- À propos de quanticiens, j’ai appris l’échec de notre tentative d’intercepter ce dignitaire de l’Universalité qui s’en était pris à notre quanticienne en chef. Dommage en effet mais on ne peut pas réussir à chaque fois et ça valait le coup d’être tenté. Bon. Revenons à l’essentiel. Comme je prévois que la situation actuelle si elle se révèle fondée dépasse nos simples compétences, il va falloir prévoir une réunion informelle du comité stratégique, évidemment avec les militaires et donc le Prince Alzetto. Revenons sur ce que nous savons, sur ce que vous savez, et expliquez-moi tout en détail.
En cette région convoitée, le bruit des armes ne s’était jamais tu. L’espace interplanétaire était certainement gigantesque et pourtant il y avait eu continuellement nombre d’escarmouches, de petits combats isolés, voire quelques manœuvres hasardeuses ou apparemment incongrues durant les mois précédents mais, au total, rien de concluant pouvant remettre en cause les positions respectives des belligérants. Toutefois, on sentait bien que cette guerre qui n’était au début que de positions virait peu à peu en des confrontations plus conséquentes, comme si, par quelque malice du destin, se mettait en place une montée en puissance de combats de plus en plus fréquents et de plus en plus généralisés.
Tout bascula le 6 juillet 976rc, vers quatre heures de l’après-midi, heure galactique du système Grantel de Mez-Antelor. Comme à l’accoutumée, les premiers éléments avancés de la Troisième Armée Impériale s’étaient mis à harceler les avant-postes confédérés mais le fait nouveau était la présence légèrement en arrière d’eux de l’essentiel de la flotte elle-même. Des dizaines de gros porteurs entourés de cargueurs et de milliers d’éléments légers principalement sous forme de spatiocroiseurs individuels dont l’apparente dextérité semblait attester du fait qu’ils n’étaient plus pilotés par des entités droïdes mais bel et bien par des humains. Les premiers éléments de défense confédérés ne s’y trompèrent pas : une opération d’envergure était en cours.
Le Grand-Amiral Torz-Brilano, localement en charge des opérations de l’Empire, se détourna de l’écran géant et toisa ses subordonnés immédiats.
- Il va de soi – nous en avons assez déjà discuté – que la partie ne sera pas facile, commença-t-il. Nous avons face à nous les meilleurs éléments spatiogalactiques prestoniens et carsusiens. Ils ne se laisseront pas faire, vous pouvez en être certains. Ce que souhaite le généralissime, ce n’est pas de remporter je ne sais quel avantage sur nos ennemis mais de créer un point d’ancrage sur la planète elle-même. Je ne vous cache pas que la suite sera difficile pour les troupes au sol tant nos ennemis ont eu le temps de fortifier leurs positions ici-bas… Mais cela ne nous concerne pas directement, ajouta-t-il après un léger temps de réflexion. Nous, notre mission comme vous le savez est de faciliter cette opération au sol. Ce qui n’est pas rien. Alors, Messieurs, prenez vos commandements et informez-moi en temps réel de l’avancée de l’opération. Ce sera tout.
Dans la noirceur glacée entourant Mez-Antelor, les combats faisaient rage. L’immense obscurité habituellement vide était parsemée de brefs éclairs bleutés et de chaude lumière orangée provenant des vaisseaux endommagés et parfois à la dérive, l’ensemble dans un silence absolu qui aurait certainement été déréalisant pour un éventuel observateur extérieur. Les Confédérés se battaient avec l’énergie du désespoir pour empêcher leurs ennemis de débarquer sur la planète. Toutefois, les Impériaux avaient le bénéfice du nombre et, moyennant des pertes assez sévères, progressaient en repoussant petit à petit les vaisseaux de ligne adverses et les myriades d’éléments individuels qui les entouraient. Une contre-offensive prestonienne ayant échouée, les premiers cargueurs impériaux approchèrent du sol de Mez-Antelor dans un déluge de feu adverse mais, en dépit de dégâts conséquents, les assaillants arrivèrent à faire se poser quelques unités susceptibles de constituer le point de départ de la tête de pont tant désirée. Il avait fallu près de quatorze heures de combat pour obtenir ce résultat fragile.
Grad était un homme encore jeune, à peine 52 ans, et l’armée était toute sa vie. Il se souvenait à peine de ses parents, tués lors des émeutes de Diaphane 4. Lui et sa sœur Lots en avait pourtant réchappé, il ne savait pas vraiment comment. Pour ce que ça avait servi à sa sœur qui n’avait jamais pu surmonter la perte des parents et du domicile familial au point que, quelques mois plus tard, profitant de son absence, elle avait mis fin à ses jours. C’est la raison pour laquelle Grad avait presque aussitôt rejoint l’armée impériale ou, pour être plus précis, l’espèce de légion étrangère (le système stellaire de Diaphane se situait à la périphérie mais en dehors du sixième quadrant de l’Empire) qui recrutait tout volontaire valide et désireux de commencer une nouvelle existence. Après des années de dur entraînement et avec un peu de chance pour avoir été distingué lors d’une insignifiante échauffourée coloniale, il avait été incorporé dans la deuxième Staz-Ret (SR) qui était une force d’appoint des troupes régulières et que Grad, lorsqu’il dédaignait faire quelques confidences ce qui n’était pas souvent le cas, désignait du terme un peu pompeux de « forces spéciales ». Il n’ignorait pas que les SR étaient souvent promis au « ratissage avant », ce qui signifiait que leur participation était souvent sacrificielle afin, en quelque sorte, de préparer le terrain pour les autres. Qu’importe ! Il se sentait bien au sein de son unité et n’aurait pas pour tout l’or du monde souhaité une autre affectation. Oui, on pouvait dire que l’armée était toute sa vie. Il n’avait donc pas eu la moindre pensée négative lorsqu’il avait appris que son groupe allait « sécuriser » le débarquement sur Antelor des éléments réguliers de la division « Combat absolu » de la Troisième Armée. Au contraire : il considérait comme un honneur suprême de combattre pour la reconquête de territoires depuis trop longtemps perdus. Tout comme Zag-Dig, son binôme durant plus de dix ans qu’il ne quittait pratiquement jamais. Zaggy pour les intimes, c’est-à-dire essentiellement lui, était son parfait reflet en peut-être plus vindicatif encore tant il s’ennuyait au bout de deux jours d’inactivité. Ensemble ils avaient connu bien des combats et autant de vicissitudes et s’ils parlaient peu, ils se comprenaient parfaitement. La mise ne place de la tête de pont antélorienne n’avait apparemment pas posé de si grandes difficultés tant les spationautes, durant des heures, avaient écrasé le périmètre convoité. Grad, néanmoins, ne se faisait aucune illusion : l’anéantissement de leur ennemi n’était certainement qu’apparent et il faudrait encore bien des combats pour terrasser tous ceux qui s’étaient réfugiés dans leurs abris probablement profondément creusés sous terre. C’était cette éventualité qui motivait Grad car il n’aurait certainement pas aimé débarquer sur un territoire déjà conquis ! Il se tourna vers leur chef opérateur, responsable des duos composant cette partie des SR. L’homme sous son casque noir semblait hésitant. Pas son genre, s’interrogea Grad mais il attendit patiemment. Enfin, l’officier qui avait réuni une dizaine de ses duos demanda le silence.
- Les gars, commença-t-il, on va y aller et on procèdera comme d’habitude : dispersion immédiate et silence radio. On neutralise ce qu’on peut mais surtout on observe bien comment se présente la situation. J’insiste, hein ? Neutraliser quelques unes de ces larves misérables n’a d’intérêt que si on comprend comment ils fonctionnent. Bien compris ?
Grad se tourna vers son ami Zag-Dig, l’air de dire : eh bien, qu’est-ce qu’il lui prend ; on sait bien tout ça ! Il avait l’impression que leur chef devait leur faire part de quelque chose qu’il avait du mal à verbaliser. Comme les autres soldats présents, au garde-à-vous, il attendit. Le chef opérateur se racla la gorge avant de poursuivre.
- Il y a quelque chose d’autre à prendre en compte. Heu, voilà, nos éclaireurs sont formels et… bref, vous allez sûrement avoir affaire à une unité de Zoldens, c’est-à-dire, comme vous le savez, ces droïdes spéciaux, les droïdes noirs comme on les surnomme, qui ne sont pas connus pour leur bienveillance. J’imagine que vous n’avez pas eu souvent l’occasion de vous confronter à eux mais on les a déjà parfois évoqués. Donc pas de réelle surprise. Pour faire court, ce ne sera pas une partie de plaisir. Désolé. Mais faudra faire avec. Je sais que vous saurez agir comme il faut. J’ai confiance en vous. Voilà, les gars, c’est tout. Début de mission à 5.00. Rompez.
Il faisait encore nuit lorsque Grad et les autres SR sortirent du minicargueur qui les avait transportés sur zone. Le terrain était relativement découvert mais très accidenté compte-tenu de l’important pilonnage de préparation. Leur cible : la forêt déchiquetée et en partie carbonisée puis au-delà. Tous sautèrent de l’engin de transport et s’aplatirent immédiatement au sol par crainte d’éventuels snipers qui auraient attendu leur sortie. Rien ne bougea. On entendait dans le lointain et dans plusieurs directions les bruits assourdis des combats. Chaque duo avait son objectif géographique. Le chef opérateur donna l’ordre et ils s’égayèrent selon les directives. Grad parcourut les quelques centaines de mètres le séparant du bois en quelques minutes, sans jamais se retourner ; bien que ne l’entendant pas, il savait Zaggy sur ses talons. Les deux hommes étaient parfaitement équipés : des combis de protection ultralégères mais homéothermes, des quantars dont ils ne devaient se servir qu’en cas d’extrême urgence, des radiants intégrés et bien entendu les armes adéquates et complémentaires, incandescent et éclateur pour lui, éclateur et flaster à charges explosives pour son collègue. Et des kits de survie, indispensables. Arrivés à la lisière de la forêt, les deux soldats s’allongèrent derrière une souche, observant les troncs d’arbres encore fumants un peu plus loin. Après quelques minutes d’observation intense, ils se regardèrent et sans faire le moindre geste se comprirent parfaitement. La mission commençait. Grad sentit une giclée d’adrénaline l’envahir et il frissonna imperceptiblement d’excitation contenue. C’était pour ce type de sensation qu’il avait intégré les SR. Il commençait enfin à revivre réellement.
Les deux hommes avançaient lentement, attentifs à tout : bruit, odeurs, changements de lumière et jusqu’au moindre accident de terrain. L’ennemi – et ses pièges - pouvait être partout. Ils n’étaient certainement pas pressés puisqu’ils avaient quarante-huit heures devant eux avant l’éventuelle récupération sur leur point de départ. Non, observation avant tout et, pour se faire, passer inaperçus le plus longtemps possible. Grad désigna d’un bref mouvement latéral de son casque les constructions presque entièrement ruinées qui se dressaient à quelques centaines de mètres en contrebas de leur position mais Zag-Dig lui aussi les avaient repérées. Ils s’immobilisèrent complètement, bien décidés à observer l’environnement hostile mais on ne pouvait pas y déceler le moindre mouvement. Pourtant, Grad aurait sans hésiter parié que, en temps ordinaire, l’endroit devait grouiller de vie animale, notamment d’oiseaux dont les pépiements enchanteurs faisaient la renommée d’Antelor. Mais c’était un silence absolu qui les entourait, preuve évidente de l’intensité des combats. Ils attendirent plusieurs minutes, scrutant leurs radiants de temps à autre. En dépit du risque non négligeable de se faire repérer, Grad avait réglé le sien sur sa sensibilité maximale mais tout ce qu’il avait alors pu identifier appartenait à de petits mammifères pour la plupart calfeutrés dans le sol. Il restait donc quand même un semblant de vie. Mais rien de plus : pas de bionats ni, surtout, de droïdes dont son appareil très spécialisé arrivait à capter l’activité cérébrale presque aussi bien que celle de chair et de sang des humains. Les Zoldens devaient être occupés ailleurs.
D’un simple regard, les deux soldats décidèrent de se relever et d’aller explorer ce qui restait des bâtiments. Dès qu’ils s’en approchèrent, l’odeur insoutenable leur fit clore l’aération de leurs casques pour respirer en circuit fermé pour une autonomie d’environ une demi-heure. Ils savaient tous les deux à quoi s’attendre. Effectivement dans l’arrière-cour de ce qui semblait avoir été une sorte de colonie civile, des dizaines de corps en pleine décomposition étaient entassés, hommes, femmes, enfants, individus de tous âges et de tout rang social, l’intégralité d’un groupe de civils qui n’avaient probablement jamais rien demandé à personne mais qui avaient eu le tort de se retrouver piégés et à la merci d’une opération de nettoyage des droïdes noirs. Car c’était bien de cela dont il s’agissait : cette unité si spéciale de la CPI était utilisée pour pratiquer une politique de terre brûlée lorsque l’ennemi était trop proche ou avançait trop rapidement. Les Zoldens ne laissaient aucun témoin, aucun matériel qui auraient pu profiter aux soldats du camp adverse. Zag-Dig examina quelques cadavres, histoire de bien se persuader de à qui il avait affaire mais cela ne faisait aucun doute. D’ailleurs, les troupes confédérées régulières auraient au moins eu la décence d’enterrer les corps dans une fosse commune. Tous les civils avaient été exécutés de la même façon, à l’incandescent sans avoir été torturés car ils ne savaient rien et les droïdes l’avaient parfaitement compris. Non, un nettoyage banal pour eux. Grad serra les poings en contemplant les restes de ces pauvres gens. Facile, pensa-t-il. Les troupes régulières se trouvent ainsi dédouanées par les agissements de leurs auxiliaires mécaniques. Facile.
- Ça bouge, chuchota Zag-Dig en montrant son radiant à Grad. Des Z qui reviennent. Ils nous ont peut-être repérés. Faut se tirer d’ici. Puis, après un moment de silence : t’as trop tiré sur ton putain de radiant…
Grad haussa les épaules sans répondre. Tous deux savaient parfaitement qu’ils auraient de toute façon fini par être découverts. Rebrousser chemin n’aurait servi à rien.
- On fait comme sur Silane, la première fois qu’on y était, proposa Grad.
Zag-Dig ne semblait pas particulièrement convaincu mais il n’avait rien de mieux à proposer. Les deux hommes s’élancèrent à demi-baissés vers le seul bâtiment qui paraissait encore tenir debout, une sorte de cube transparent qui devait peut-être servir de salle commune aux civils. Plusieurs cadavres encombraient le sas d’entrée et ils les enjambèrent sans presque les voir. Un comptoir en forme de planorbe, des tabourets et beaucoup d’objets divers abandonnés à la hâte. Grad extirpa de son quantar le transmetteur qui avait jusque là enregistré son parcours et s’apprêtait à en programmer les données à envoyer lorsque son compagnon lui susurra :
- T’en auras plus, mon pote, et c’est pas le but de la mission…
- Restera le tien, rétorqua Grad. On se sert de celui-là seulement pour gagner du temps, j’te rappelle…
Zag-Dig haussa les épaules.
- Alors fais vite. D’ailleurs, je vois déjà une de ces saloperies et je vais me la faire.
Tandis que Grad entrait dans son transmetteur les coordonnées destinées à bien l’identifier, il regarda du coin de l’œil son ami qui, allongé sur le bord du comptoir, réglait son flaster sur sa cible. Grad savait qu’il n’envoyait à son centre opérationnel que des renseignements sans importance mais là n’était pas le but : en laissant l’appareil sur place et en différant l’envoi de cinq minutes, il espérait que les autres seraient persuadés qu’ils étaient encore présents dans le bâtiment alors qu’ils se seraient déjà exfiltrés. Cinq minutes, ça peut paraître peu mais, pour les deux SR, c’était la différence entre la vie et la mort. Ça avait parfaitement fonctionné sur Silane, chercha à se convaincre Grad.
- En plein dans la gueule, s’exclama Zag-Dig. Au moins ce droïde-là nous emmerdera plus mais maintenant on se casse et vite.
- Il s’agit d’une démarche tout à fait inhabituelle, n’est-ce pas, et je suppose que vous vous en rendez bien compte ? déclara Vliclina d’une vois ferme. Mais la lueur amusée de ses yeux paraissait démentir son ton catégorique.
L’Impériale marchait de long en large dans la petite salle de réception du Troisième Assistanat. Petite était d’ailleurs à relativiser mais il était vrai que dans cette partie du Palais, tout était plutôt vaste et richement décoré. Avec ce petit air suranné, voire désuet, que Rogue avait déjà eu l’occasion de percevoir et qui, au bout du compte, n’était pas pour lui déplaire. À ses côtés, Velti, quant à elle, n’en menait pas large et arborait une attitude vaguement décontractée qui ne trompait personne. C’était la première fois qu’elle mettait les pieds dans le centre sacro-saint de l’Empire, elle qui s’était jadis juré de ne jamais composer avec ces « aristocrates » terriens qu’elle n’aimait guère. En sus de la Troisième Assistante qu’elle avait connue sur Drefel 2 par le dagbad, deux autres personnes les accompagnaient dans le grand vide de la salle dont on pouvait supposer qu’en période de cérémonie, elle devait bien contenir plusieurs centaines d’invités. La première était une militaire qu’on lui avait présentée comme détachée par l’Armée – impériale évidemment – pour l’opération dont Rogue et elle-même avaient en somme été les héros involontaires. L’autre, en hologramme, n’en était que plus impressionnante. Entièrement vêtue de noir ce qui mettait en contraste la pâleur inhabituelle de sa carnation, elle avait été introduite aux deux soldats comme étant en charge du Premier Assistanat impérial et Velti avait immédiatement su que, des trois femmes, c’était certainement elle la plus influente.
- Mais asseyez-vous, continua Vliclina. On va d’ailleurs nous apporter quelques rafraîchissements de façon à fêter de façon plus formelle la fin de votre mission que vous avez parfaitement menée à bien et je sais que cela n’a pas toujours été facile. La citoyenne Der-Aver, bien que retenue loin d’ici, souhaitait vous rencontrer ainsi que le Commandant Areska qui représente ici le Prince Alzetto. Vous pouvez ainsi constater que votre… aventure a intéressé beaucoup de monde. Nous tenions à vous remercier et…
Vliclina se campa devant Rogue et Velti qui, comme ils y avaient été invités, venaient juste de s’asseoir sur le biodiv qui entourait une immense table basse.
- Le plus simple est de revenir à cette demande que j’évoquais il y a peu.
La Troisième Assistante était, tunique, pantalon et bottes, entièrement vêtue de blanc couturé d’or, sa tenue d’apparat. Rogue savait que c’était une marque de déférence vis-à-vis de lui et de Velti et il en était plutôt fier. Vliclina se campa tout à coup face à Velti et ses yeux verts interrogèrent les yeux bleus de la confédérée qui soutint son regard.
- Est-il exact, citoyenne, que vous souhaitez être détachée de façon permanente auprès de la section Stenek du Commandant Sachlen ici présent ? J’ajoute que, si c’est votre choix, vous dépendrez directement de mes services, comme le commandant Sachlen.
- Absolument, Madame, c’est effectivement une profonde aspiration de ma part… que je souhaiterais voir ma situation présente être prolongée une fois les, heu, hostilités terminées.
- Cela veut dire que vous dépendrez du Troisième Assistanat de l’Empire avec toute la confidentialité associée. Vous ne dépendrez plus du tout de votre sarpe malto-albienne ? Vous en êtes bien consciente, n’est-ce pas ?
- Absolument, lui répondit Velti en hochant la tête sans quitter l’Impériale des yeux.
- Alors, je pense que cela doit être possible. Le Commandant Areska ici présente contactera vos supérieurs hiérarchiques et je ne pense pas trop m’avancer en vous disant qu’il ne devrait pas y avoir d’objection à cette mutation. À présent, passons à des choses plus récréatives, conclut-elle en frappant dans ses mains pour alerter les droïdes de restauration.
Grad releva la tête vers son collègue et désigna un petit bosquet miraculeusement épargné par les bombes. Caché visuellement par les quelques branches, il observa le bâtiment qu’ils venaient de quitter à quelques centaines de mètres d’eux. Il ne se faisait aucune illusion, sachant pertinemment que les droïdes avaient tous les moyens de les localiser mais il fallait rapidement dresser un point de leur situation, décider ce qu’ils devaient à présent faire. Zag-Dig n’avait pas attendu pour ouvrir la plaque transparente de géopositionnement qu’il venait d’extirper de sa ventrale. Évidemment, les données dataient d’avant la prise d’Antelor par les Confédérés mais cela devait suffire.
- Il y a une ville à 12 km. On pourra mieux se défendre en zone urbaine. Enfin, c’est ce que je pense, murmura-t-il.
- Ils ont dû se rendre compte de notre petite ruse, lui répondit Grad. Ça veut dire qu’on a très peu d’avance mais en faisant vite, on peut y arriver… Ils sont pas si rapides que ça, ces droïdes…
- Mais collants comme de la vieille glaisée. Ils nous lâcheront pas, tu le sais bien. Allez, on s’arrache !
Sans attendre la fin de la phrase de son compagnon, Grad s’était déjà élancé et dévalait la pente légère en direction du sud-sud-est où se trouvait peut-être leur salut. L’espace d’une seconde, Zag-Dig se demanda s’il pouvait se permettre d’attendre un peu et neutraliser un autre droïde mais, méfiants, ceux-ci devaient certainement se tenir sur leurs gardes et, de toute façon, il en resterait un prêt à foncer sur lui. Il emboîta le pas de son ami. Tous deux savaient qu’ils avaient un peu d’avance et que, à moins de se retrouver en terrain plat et dégagé, ils n’avaient guère à craindre leurs ennemis, du moins s’ils ne s’arrêtaient pas. De fait, le paysage qui s’étendait devant eux était particulièrement vallonné et couvert d’une végétation assez importante qui avait certes beaucoup souffert de la préparation de l’attaque impériale mais offrait encore bien des cachettes et des positions de repli. C’était le début de l’après-midi et les deux hommes comptaient atteindre Solivor – c’était le nom de la ville – bien avant la nuit car il leur fallait se débarrasser de leurs poursuivants avant le soir : dans l’obscurité, les droïdes auraient bien trop d’avantages sur eux. La seule crainte de Grad était de tomber sur d’autres patrouilles ennemies qui les auraient obligés à faire des détours et arriver en périmètre urbain trop tard. Ce ne fut pas le cas et c’est avec soulagement – un soulagement relatif mais un soulagement quand même – que les deux hommes abordèrent en milieu d’après-midi les contreforts de la ville. Du moins ce qui en restait. Les deux hommes observèrent attentivement les ruines. Au-delà d’un mur en partie effondré, on devinait des rues plutôt étroites probablement toute encombrées de gravats tant les bâtiments semblaient avoir souffert. Toutefois, la ville ne devait pas abriter de positions ennemies puisqu’on était dans une sorte de no man’s land, les troupes régulières confédérés s’étant repliées vers Antelor plus au sud.
- Bon. Parlons peu mais bien, commença Zag-Dig. Ils n’étaient que trois après nous parce qu’ils nous considèrent comme des birjads pourris. Grave erreur à mon sens mais bon… En restent deux. J’propose de les piéger. Pasque noirs ou non, c’est quand même rien que des droïdes, non ? Sans attendre de réponse, il poursuivit : C’que je vais te proposer va certainement pas te plaire mais… Voilà. J’ai un peu réfléchi. Tu vas servir d’appât et… Non, attends, écoute-moi bien : il faut absolument qu’ils s’approchent de nous afin que j’ai une bonne fenêtre de tir, tu piges ? Comme je le vois, ce serait bien que tu sois repéré par eux derrière, j’sais pas, moi, un tas de pierres, un truc bousillé, n’importe quoi. Mais faut que ce soit au centre d’un endroit relativement dégagé. Pour que je les rate pas, tu comprends. Maintenant, évidemment, si tu crois que…
- Non, ça peut marcher, rétorqua Grad sans hésiter. Je te fais entièrement confiance.
L’endroit le mieux adapté leur parut une sorte de placette au centre de laquelle trônait les restes d’un mémorial à on ne savait plus quoi, devenu en fait un éboulis de pierre et de ferraille qui présentait l’avantage de pouvoir dissimuler visuellement quelqu’un, au moins pour un temps. Les alentours étaient vierges de gros débris et on pourrait facilement y repérer les Zoldens. Zag-Dig parut satisfait de la configuration de l’endroit, Grad beaucoup moins car il prévoyait d’en être l’élément principal et sans véritable moyen de défense. Il haussa les épaules et se tourna vers son camarade mais Zag-Dig avait disparu vers un des bâtiments en ruine où il devait déjà gravir à la hâte les restes d’escalier à la recherche de la meilleure position de tir. Grad devait l’admettre : pour une fois, il n’en menait pas large. Et puis, il avait horreur de dépendre intégralement des autres, fussent-ils ses meilleurs amis. Refusant de céder à la panique, il s’allongea le long d’une glissière en marex contracté et prépara son éclateur et son incandescent tout en sachant que face à de tels adversaires, cela ne pèserait pas lourd. Une pensée le tarauda soudain : ces Z n’étaient-ils pas suffisamment intelligents pour comprendre la stupidité de sa cachette et donc suspecter un piège éventuel ? Il repoussa difficilement l’idée anxiogène et se mit à attendre, tous ses sens en éveil, sentant confusément qu’il allait passer là les pires instants de son existence. Plusieurs minutes s’écoulèrent sans que rien ne bouge. D’après ses calculs, compte-tenu de la misérable petite avance qu’ils avaient, les Z auraient déjà dû être là mais, bien sûr, les ordures devaient se méfier. Se méfier, d’accord, se raconta Grad, mais jusqu’à quel point ? Il rentra la tête dans ses épaules mais sans fermer les yeux - il n’était pas lâche à ce point - et puis c’était trop dangereux ! Imaginons un instant que… Le double chuintement du flaster de Zag-Dig lui apprit que son ami avait repéré les deux droïdes. Grad, lui, il n’avait rien vu venir ! Deux coups ! Deux tirs seulement pour des cibles aussi méfiantes ! Décidément Ziggy s’améliorait de jour en jour ! Grad attendit que son camarade lui fasse signe, lui signifie qu’il pouvait enfin sortir de son trou mais seul un silence pesant s’imposait. Au bout de plusieurs minutes, il se risqua :
- Eh, Ziggy, c’est bon ?
Toujours rien. Quelque chose n’allait pas. Pourtant, il ne voyait pas comment les Z pris par surprise auraient pu répliquer et puis il n’avait pas entendu de riposte. Toujours pas de réponse. Il décida de bouger. Il se jeta d’un coup de l’autre côté de sa cachette improvisée et, courant rapidement en zigzag, il rejoignit l’escalier en partie éboulé où, pour la dernière fois, il avait aperçu son ami. Il n’eut pas à aller bien loin. Face à une ouverture donnant sur la place, Zag-Dig était allongé, son flaster à ses côtés, mais il n’avait plus de tête, à l’évidence désintégrée par une charge d’incandescent. Face à un spectacle aussi atroce, la plupart des soldats seraient restés pétrifiés durant au moins quelques brèves secondes, le temps d’intégrer l’horreur de la situation. Ce n’était pas dans la nature de Grad. Sans réfléchir, ayant à peine eu le temps de visualiser la scène, il sauta de côté et plongea vers l’ouverture béante qui se trouvait sur sa gauche. C’est cette réaction immédiate qui lui sauva la vie. Le rayon jaunâtre de l’incandescent ne trouva que du vide tandis que le droïde cherchait à estimer où pouvait bien avoir fui sa cible. Grad était tombé à quatre pattes sur une sorte de sol meuble deux mètres plus bas. Il se précipita droit devant lui, trébuchant parmi des tonnes de décombres, pour ne s’arrêter que lorsqu’il se jugea hors de portée. En tout cas pour un temps. Quel con, non mais quel con ! jura-t-il intérieurement. Bien sûr que j’aurais dû comprendre que les deux Z s’étaient séparés et que l’un d’entre eux avait repéré Zag-Dig quant il avait tiré. Et bien sûr qu’elle m’attendait tranquillement, cette salope ! Ce que j’espère, c’est que Ziggy n’a pas raté le premier parce que, alors... mais non, pas lui, pas Ziggy. Quant au second Z qui a tué mon pote, j’en fais mon affaire. Il pensa à son ami et à la perte irréparable, à la douleur qui ne manquerait pas de… Mais pas maintenant ! L’autre Z, j’en fais mon affaire, se répéta-t-il. Seul hic : il ne voyait pas vraiment comment.
Bristica avait retrouvé l’ambiance studieuse de son laboratoire et celle plus feutrée de ses appartements privés sans plaisir particulier. Son retour sur le vaisseau amiral signifiait qu’elle avait bien échappé au piège tendu par ses ennemis. Ou plutôt les ennemis de l’Empire ce qui, en l’occurrence, revenait au même. Il n’en restait pas moins que, à ses yeux, c’était un retour sans gloire à son statut antérieur, un état si générateur de morosité qu’elle s’était mise en danger pour y échapper. Elle soupira et observa autour d’elle le luxe de son appartement. Plus d’un aurait trahi père et mère pour être à sa place, elle le savait parfaitement, mais cela ne changeait rien à l’affaire : elle avait quelque part l’impression de ne plus être libre, libre au sens où elle l’entendait quant elle arpentait les rues de Carresville. Elle se sentait plus Farbérienne que jamais…
Elle sursauta lorsqu’elle entendit les deux notes mélodieuses de sa porte. Elle claqua dans ses mains pour signifier son acceptation et son droïde d’intérieur se dirigea vers elle.
- Citoyenne. La Troisième Assistante, la citoy…
- Je sais qui c’est, le coupa-t-elle un peu plus brusquement qu’elle ne l’aurait voulu.
Imperturbable, le droïde reprit la parole de sa voix vaguement métallique.
- La Troisième assistante sollicite un entretien holographique avec vous et…
- Tout de suite ?
- Dans vingt-six minutes si cela vous convient bien sûr.
- Dîtes-lui que j’y serai.
Bristica se rendit vers le cube d’holographie et, assise sur le confortable biodiv qu’elle y trouva, attendit tranquillement l’arrivée de Vliclina. Celle-ci se présenta à l’heure dite et, immédiatement, s’excusa pour le formalisme de sa demande qui aurait pu passer pour une convocation.
- Ce qui n’est absolument pas le cas, précisa Vliclina. Pas du tout. En réalité, je suis venu vous inviter à assister à une réunion des plus importantes, celle de ce que nous appelons le comité stratégique qui associe… Mais vous savez déjà tout cela.
- Effectivement, lui répondit en souriant la Farbérienne, mais ce que je ne sais pas, c’est la raison pour laquelle on me demanderait d’y participer car…
- En réalité, c’est le Prince Alzetto qui a sollicité votre présence. Du moins pour le début de cette réunion. Car Brissy, il y des faits nouveaux sur la conduite des opérations en cours. Vous en saurez plus à ce moment-là mais ce que je peux déjà vous révéler, c’est que le généralissime est, semble-t-il, très satisfait des analyses prospectives que vous lui avez fait parvenir : il semble que les actions qui y sont recommandées ont abouti – ou sont sur le point d’aboutir – à des résultats concrets. Et il tient à vous féliciter, vous et toute votre équipe. Après un moment de réflexion, l’Impériale poursuivit : il vous sera seulement demandé de nous laisser au moment où nous arriverons aux prises de décision… s’il doit y en avoir. Ah oui, le comité est prévu pour demain après-midi, heure galactique, et vous y serez présente par hologramme. Je sais que vous n’êtes pas une amatrice de ce genre de prestation mais nous serons au Palais, sur Terra et donc…
- Vous me voyez particulièrement flattée de cette attention et, évidemment, je serai présente jusqu’à ce qu’on m’avise de me retirer. Mais, si vous le permettez, Vliva, je voudrais vous entretenir d’autre chose, si nous avons le temps.
- Le flux est encore actif pour une dizaine de minutes
- Voilà, je me fais du souci pour mon ancienne collaboratrice, Galène et…
- J’allais vous en parler, Brissy, la coupa Vliclina.
Cette dernière s’était mise à marcher de long en large dans la partie du cube d’holographie qui faisait face à la Farbérienne. Contrairement à ses habitudes, sa birta ce jour-là n’était pas jaune mais verte et se mariait parfaitement à la couleur de ses yeux. Ses bottes, vertes également remontaient jusqu’à ses genoux, laissant nues ses jambes jusqu’à la birta qui lui arrivait à mi-cuisses. Elle était superbe. Bristica était également en admiration devant les détails révélés par l’holographie. Malgré toutes les années-lumière que les ondes devaient traverser, aucun décalage, aucun défaut ni de l’image, ni du son. On aurait pu croire que les deux femmes étaient face à face, seulement séparées de quelques mètres. Aux yeux de la quanticienne, cela en était presque surnaturel.
- Son cas est complexe, reprit l’Impériale. Il est indéniable qu’elle vous a trahie, qu’elle nous a trahis, au profit de nos pires ennemis. Je regrette au passage que nous n’ayons pas pu interpeler ce biocyborg dont je sais qu’il occupe… occupait un rang très important dans l’Universalité. D’ailleurs, le simple fait de s’être autolysé prouve… Mais revenons à votre collaboratrice. L’enquête, toujours en cours, nous a appris que sa « trahison » est principalement due aux menaces que les autres ont fait peser sur la vie de sa mère. Il ne semble pas, en effet, qu’elle se soit engagée contre nous par idéologie : jusqu’à ce jour, il a été impossible de prouver son affiliation à l’Universalité mais on continue de creuser… De toute façon, Brissy, cela ne change rien à son cas : elle a trahi alors que nous lui avions accordé toute notre confiance. C’est pire, vous comprenez, que le cas de ce professeur de Prospective, heu…
- Drimed ?
- C’est ça. Ces deux-là ont failli vous coûter la vie ou, en tout cas, votre liberté et…
- Je sais, je sais mais… je les aimais bien. Galène, surtout, avec qui j’avais quand même longtemps travaillé…
- Je comprends. Mais nous sommes en guerre et les tribunaux civils ne sont pas compétents pour ce type d’affaires. Ce sont les militaires qui… Allez, ne soyez pas triste. Je vous promets que je ferai tout mon possible pour… tenter d’atténuer leurs sentences. Je vous le promets, Brissy. Puis, après un moment de silence, elle reprit : Bon, je vous signalerai l’heure exacte de la réunion du comité un peu à l’avance pour que vous puissiez vous préparer.
- J’aurai donc une intervention à faire ? s’exclama Bristica.
- Mais non. Je veux dire votre présentation en général, conclut Vliclina en souriant avant de faire signe au droïde technicien de couper la liaison.
Restée seule, pensive, Bristica se sentit soudain triste pour son amie Galène car, malgré tout, elle restait certainement son amie. Elle soupira. Décidément, elle n’aimait pas ces situations conflictuelles entre humains.
La nuit était sur le point de tomber et Grad ne savait toujours pas comment se sortir de l’inconfortable situation dans laquelle il se trouvait. Il échafaudait des plans tous plus insensés les uns que les autres, plus pour s’occuper l’esprit qu’avec l’espoir véritable d’arriver à une solution acceptable. Zag-Dig, lui, aurait su quoi faire mais il ne voulait pas y penser. Il changeait immédiatement d’endroit lorsque, sur son radiant, il voyait le droïde se rapprocher mais la fatigue commençait à se faire sentir augmentant d’autant son angoisse. Tapi dans une cave encore intacte d’une maison détruite du centre de la petite ville, il tripotait son radiant et était passé involontairement sur la position humains quand soudain il se raidit : trois signaux venaient d’apparaître qui n’étaient donc pas des droïdes. Des humains, il y avait des humains pas si loin de lui… mais aussi l’ordure de droïde. Fallait-il les prévenir ? Leur ordonner de foutre le camp et vite ? Les trois devaient être de l’autre côté de la rue. Il se rapprocha lentement de l’ouverture d’entrée béante de la maison dévastée et risqua un œil. Une femme à genou et deux enfants ! L’un collé contre elle, l’autre, plus âgé, debout et la tenant par la main. Il n’eut pas le temps de se poser plus de questions. La voix doucereuse et légèrement mécanique du droïde le fit sursauter. Le Zolden était proche mais caché évidemment. Probablement par crainte de ses armes potentielles.
- Soldat, commença-t-il, je ne suis pas, je ne suis plus ton ennemi. Je te demande de revenir à la raison et de te rendre : il ne te sera fait aucun mal, je puis te l’assurer. Puis, après un temps de latence : Je regrette profondément pour ton camarade. Je ne voulais pas en arriver là, tu peux en être sûr.
Le silence retomba. Il pouvait entendre les pleurs de l’un des enfants. Il hésita mais sortir maintenant était assurément suicidaire. Il n’avait aucune confiance en ce Z pourri. Il ne le croyait pas, ne pouvait pas le croire. Le droïde noir reprit la parole, toujours avec ce ton doucereux, presque indifférent.
- Tu ne voudrais pas qu’il arrive malheur à ces malheureux, n’est-ce pas ? Cela ne tient qu’à toi. Dépose les armes et je vous rapatrierai tous ensemble dans un camp d’orientation où on prendra soin de vous… Sois raisonnable. J’attends.
Plusieurs minutes s’écoulèrent. La nuit commençait à envahir la rue et rendait difficile pour Grad l’observation des humains.
- Non, tu ne veux pas me répondre, reprit le Zolden. Alors, premier avertissement.
Un éclair orange zébra l’espace et fit éclater la tête de l’enfant qui tenait la femme par la main. Cette dernière se redressa et se mit à hurler comme une démente puis, saisissant l’autre enfant dans ses bras, se mit à courir de façon désordonnée, droit devant elle dans la rue. Grad était certain que le feu de l’incandescent du droïde les rattraperait mais rien ne se passa.
- Tu vois, soldat, je l’ai laissée partir…
- Après avoir assassiné son gosse ! ne put s’empêcher de crier Grad.
- Je l’ai laissé partir mais voilà ce qui va lui arriver, poursuivit le droïde. Si tu n’es pas raisonnable, soldat, il est exact que je vais les rattraper, elle et son enfant. Alors, sans nouvelle de toi, je tuerai son enfant devant elle, en lui écrasant progressivement la tête de mes propres mains. Puis, ce sera son tour. Je la brûlerai graduellement avec mon incandescent en commençant par les membres pour qu’elle reste en vie le plus longtemps possible. Toujours pas de réponse de ta part ? Je me verrai dans l’obligation de lui crever les yeux avant de lui arracher les dents une par une puis de…
Grad coupa l’auditif de son casque sans perdre de vue le cadran de son radiant pour le cas où…. Il ne voulait plus entendre les insanités du droïde, ces propos cruels qui, on le lui avait appris, étaient destinés à le marquer psychologiquement, à le briser moralement. Il était néanmoins certain d’une chose : jamais le Z ne leur permettrait de vivre, lui et les deux civils. Au mieux, ils seraient exécutés d’un coup d’éclateur. Pas de témoins. C’était ça la politique des droïdes noirs. Quels qu’ils soient. Il était également certain que le Z mettrait ses menaces à exécution et qu’il s’arrangerait pour qu’il en soit le spectateur plus ou moins direct. C’était horrible mais il ne pouvait rien faire. Il décida de décrocher, le cœur gros – lui, le soldat accompli, vieux routard de la guerre et du malheur des autres – de ce qu’allaient subir les pauvres gens prisonniers d’un ennemi si impitoyable.
Il essaya de s’éloigner le plus possible, se cachant de cave en cave, d’éboulis en éboulis, trébuchant souvent mais ne se livrant à couvert que le moins possible et après avoir attentivement examiné l’endroit. Encore que… mais il n’avait pas le choix. En réalité, il savait qu’il tournait en rond, le droïde le suivant imperturbablement. Sur son radiant il pouvait le visualiser se rapprochant encore et toujours ; alors il se sauvait encore, perclus de fatigue dans cette course insensée. À un moment, il crut entendre les cris de la femme mais son radiant était immuablement fixé sur le sondage droïde et, de toute façon, il ne voulait pas savoir. Arrivé dans une espèce de tunnel de maintenance qui courait apparemment sous plusieurs rues, il s’arrêta. À quoi tout cela pouvait-il bien servir : il n’avait aucune chance contre cette machine implacable ! Avec Zag-Dig, peut-être… Il se laissa couler le long du mur et se demanda enfin si sa vie allait finir de cette façon, carbonisé sur la lointaine Antelor par une machine insensible. Face à lui, une sorte d’engin de terrassement en équilibre instable émergeait d’un amoncellement de débris, le surplombant presque. Facile : un coup d’éclateur au bond endroit et tout l’assemblage hétéroclite s’effondrerait sur lui. C’était certainement mieux de finir ainsi plutôt que sous le feu du Z triomphant. Il visualisa sa propre fin sous l’effondrement de la machine et c’est cette vision morbide qui lui donna l’idée. Pourquoi ne pas essayer de piéger son ennemi ? Même si cela ne fonctionnait pas, mieux valait partir en beauté, sans avoir abdiqué, la conscience intacte. Il savait pourtant que la pourriture de Zolden ne serait jamais assez stupide pour se laisser prendre à un piège aussi grossier mais il était trop fatigué pour penser à autre chose. À quoi d’ailleurs ? Il examina l’engin qui devait bien faire plusieurs tonnes et qui penchait dangereusement vers le centre du tunnel, probablement ébranlé lors des pilonnages de préparation. Il se releva lentement, soudain moins fatigué, et examina attentivement le fragile édifice, repérant exactement l’endroit qu’il fallait viser. Il ne croyait toujours pas à la réussite de son projet mais était totalement déterminé à le mener à bien. Il attendit un bon quart d’heure. Sur son radiant, la silhouette du Z lui indiquait qu’il était tout proche mais ce dernier avait ralenti sa progression en s’apercevant que sa proie ne fuyait plus, méfiant tout à coup.
- Vous me jurez que vous allez me transférer sain et sauf ? hurla-t-il d’une voix chevrotante. Que vous n’allez pas me terminer comme l’autre soldat ?
- Je vous en donne ma parole, répondit immédiatement le droïde. Quel intérêt aurais-je à vous nuire si vous vous rendez désarmé ? Je suis un simple combattant comme vous, ajouta-t-il. Vous avez ma parole, je vous l’affirme.
Grad savait exactement ce que valait la parole d’un droïde, surtout de cette espèce, mais il lui fallait jouer le jeu, feindre la confiance.
- Je suis au fond, sur la droite, mais il faut venir m’aider, je me suis fais mal à une jambe, jeta-t-il d’une voix qu’il souhaitait anxieuse.
Le Zolden paraissait sûr de lui car il s’avança dans le tunnel. Il ne craignait de toute façon pas l’armement plutôt léger que devait avoir le soldat impérial et même s’il avait un flaster comme l’autre, devait-il raisonner, il ne pourrait pas s’en servir dans ce périmètre clos. Il arriva à la hauteur de l’engin, chercha du regard sa victime. Allongé derrière un petit wagonnet renversé, son éclateur bien en position, Grad attendit que le Z fasse un pas de plus pour tirer. Comme il l’avait pressenti, face à la lueur bleutée de l’éclateur, l’homme mécanique fit un pas en arrière au moment précis où l’engin bascula sur lui dans un fracas énorme et un immense nuage de poussière. Grad rentra la tête dans ses épaules, certain que l’autre, furieux, allait l’effacer sur le champ mais rien ne se passa. Était-il possible que… Toussotant, il attendit que la poussière retombe. Face à lui, le tunnel était à présent obstrué par l’énorme masse de l’engin. Fébrilement, il scruta son radiant : l’icône du Z avait disparu. Volatilisée ! L’écran était vide de toute présence ! Ce qui signifiait tout simplement que ce qui servait de cerveau à son ennemi ne fonctionnait plus. Contre toute attente, il avait réussi à s’en débarrasser. Comme pour se libérer d’un rêve impossible, il secoua la tête, encore incrédule. Pour la première fois de sa vie peut-être, Grad pleura de joie puis, se redressant d’un coup, il prit ses jambes à son cou en direction de l’autre sortie du souterrain.
Bristica savait évidemment que la réunion à laquelle elle avait été conviée, du moins sa première partie, était forcément très importante et elle en était quelque part flattée. Cette preuve de confiance de la part des Impériaux était toutefois tempérée par le sentiment contraire qu’elle était encore un peu plus impliquée dans le combat mortel que ses hôtes menaient contre les Universalistes. Un combat qu’elle comprenait mal et qui était certainement très éloigné de ce à quoi elle aspirait dans son univers essentiellement scientifique. Elle avait l’impression par instant d’être une sorte d’otage volontaire ce qui l’angoissait. Mais à quel moment avait-elle eu le choix ? Ou plutôt à quel moment avait-elle réellement choisi ? Comme à chaque fois qu’un tel dilemme se posait à elle, elle repoussa l’idée dérangeante : elle y penserait plus tard… ce qui pour ce sujet précis n’était certainement pas la première fois ! Lorsque son hologramme arriva dans la petite pièce de sa précédente visite en compagnie de Vliclina, il y avait déjà le Prince Alzetto, Der-Aver et un petit homme rabougri et nerveux qu’on lui présenta comme le cinquième Conseiller, un homme d’importance donc en dépit de son apparence assez quelconque. Plus quelques droïdes personnels. C’était la deuxième fois qu’elle pénétrait dans le palais impérial. Cette fois, elle n’y était bien sûr pas en chair et en os mais la magie de l’holographie pilotée par un droïde dédié particulièrement performant lui donnait l’entière impression d’être physiquement présente. C’était stupéfiant. Comme quelques mois plus tôt (seulement ? Ça lui paraissait si loin), elle avait été conduite à travers un dédale d’immenses couloirs et de salles désertes, vers cette petite pièce où elle était venue présenter ses premiers résultats de prospective. On la pria de s’asseoir (forcément approximativement) autour de la table basse qui, à part les biodivs individuels, était le seul mobilier présent. Alzetto quant à lui continua de marcher de long en large au risque d’agacer les autres participants. On attendait certainement quelqu’un et… Tous se levèrent lorsque l’holographie de l’Empereur apparut tout à coup. D’un geste vague de la main, le Premier Conseiller, puisque tel était son titre officiel, proposa à ses interlocuteurs de s’asseoir ce que, bien entendu, ils ne firent pas. Il était vêtu de son habituelle tenue bleu-nuit qui lui conférait un caractère quelque peu austère que démentait toutefois un léger sourire. Il paraissait en bonne santé contrairement aux rumeurs que Bristica avait entendues ici ou là. Il s’avança vers la petite assemblée et, croisant les mains derrière son dos, s’arrêta pour dévisager chacun des participants, haute silhouette mince et à jamais impressionnante pour Bristica.
- Mes amis, commença-t-il, je suis heureux d’être parmi vous pour débuter cette réunion de ce Comité qui, je le crois totalement, est de la plus haute importance. Non, n’ayez crainte, je ne reste pas et vous laisse au contraire discuter entre vous de la meilleure marche à suivre face au déroulement nouveau des événements. Le Généralissime et le Cinquième Conseiller me feront part de vos suggestions et nous pourrons alors décider de la meilleure façon de défendre notre cause. Je tenais néanmoins à vous rencontrer pour vous assurer de mon soutien inconditionnel dans le combat que vous menez contre des ennemis implacables, à l’extérieur de nos frontières certainement mais aussi peut-être encore plus redoutables quand ils occupent certains des postes que nous leur avons confiés en toute bonne foi. Il s’agit là d’un engagement sur deux fronts et j’en comprends toute la difficulté.
Baldur II avait regardé successivement Alzetto et Der-Aver pour souligner son propos puis il se tourna vers Bristica.
- Et j’en profite aussi pour féliciter notre département de Prospective générale pour l’excellent travail accompli. Lorsque je vous ai rencontré pour la première fois, citoyenne Glovenal, je n’ai nullement douté de la qualité de votre collaboration. Mais vos résultats semblent aujourd’hui avoir dépassé nos espérances. Je vous en remercie donc personnellement. Cela dit, mes chers amis, je m’en voudrais de retenir plus longtemps votre attention et vous souhaite d’aboutir à des solutions au mieux des intérêts de la cause que nous défendons.
Il salua d’un bref mouvement de tête ses interlocuteurs immobiles et son hologramme s’effaça presque instantanément. Alzetto se tourna alors vers les autres et, après les avoir priés de s’asseoir, s’adressant directement à l’hologramme de Bristica :
- J’ai effectivement souhaité votre présence parce que je voulais qu’on reconnaisse officiellement tout l’intérêt pour nos armes qu’ont représenté vos… suggestions sur l’avenir de nos opérations, les actions que vous nous avez proposé d’entreprendre ou au contraire de différer. Je vous avoue que, au tout début, je n’étais pas réellement convaincu et qu’il m’a fallu parfois prendre sur moi-même pour… mais bon… Aujourd’hui, je me félicite de n’avoir pas cédé aux sirènes du pessimisme, d’ailleurs en grande partie grâce à vous, ma chère Carisma. Son regard bleu intense revint sur Bristica. Mais aussi grâce à vous, citoyenne Glovenal, et c’est la raison pour laquelle je vous souhaitais avec nous en ce début de réunion afin que le Premier Conseiller lui-même puisse vous faire part de sa satisfaction. Nous allons à présent passer à des choses plus techniques qui, j’en, suis certain, ne manqueraient pas d’ennuyer une scientifique aussi accomplie que vous, conclut-il en s’asseyant enfin autour de la table basse.
Alzetto se tourna vers son droïde d’intendance personnel qui s’approcha de Bristica, encore toute émue de son entrevue avec l’Empereur (Il l’avait parfaitement identifiée et même appelée par son nom, elle, une quasi-inconnue en provenance d’une lointaine planète périphérique !), une Bristica qui avait parfaitement compris que sa présence en ce lieu n’était plus nécessaire. Il n’était pas question pour son hologramme de disparaître brutalement comme celui de l’Empereur, respect des usages en vigueur oblige. Elle se leva, salua les participants en n’omettant pas de sourire largement à Vliclina et, suivant le droïde, se dirigea vers la sortie où elle fut immédiatement prise en charge par deux militaires de la flotte amirale. Dès son retour, alors que les quatre personnes restantes s’étaient enfermées dans un silence de circonstance, l’homme mécanique s’empressa comme on le lui avait prescrit d’activer le bouclier de confidentialité ultra-protégé du local. Les choses sérieuses pouvaient débuter.
- Bon, commença le Prince Alzetto, je vous propose de faire un point bref de la situation actuelle avant de nous intéresser à la marche à suivre. Je commence. Dans l’ensemble, les nouvelles sont plutôt bonnes. Nous tenons nos positions sans difficulté apparente et là où nous avons décidé de porter le fer, nous avançons. Je pense notamment à Antelor où nous avons pu implanter une base solide pour la reprise de l’ensemble du système. Mais, c’est vrai, nous avons subi – et nous subissons encore – de lourdes pertes tant en hommes qu’en matériel. Ma seule consolation est de savoir que nos adversaires sont encore plus mal lotis que nous. J’aimerais donc que nous arrivions à un arrêt définitif de ces combats et, justement, Carisma, vous avez peut-être du neuf à ce sujet mais nous en parlerons plus tard. Je vais vous faire projeter certaines des cartes dynamiques des opérations en cours et vous pourrez constater nos récentes avancées. Ce ne sont, bien entendu, que des tendances et nous sommes loin d’avoir acquis un avantage définitif. Loin de là certainement. Toutefois, pour la première fois depuis longtemps vous me voyez, disons, raisonnablement optimiste.
Alors qu’il énonçait sa dernière phrase, la table basse se transforma en un dispositif de stéréovision tandis que les biodivs s’inclinaient en position semi-horizontale. La vue au plafond de la petite salle était surprenante : on aurait pu penser qu’une fenêtre s’était soudain ouverte sur le monde extérieur. Alzetto commenta différentes images des zones de combat, faisant alterner les cartes évolutives selon le temps et des scènes de guerre parfois d’une rare violence. Il tenait à ce que ses interlocuteurs comprennent bien ce qu’il en coûtait aux armées impériales de se battre contre des Confédérés loin d’être dominés sur le plan militaire.
- Nous pouvons - et peut-être nous devons - continuer la lutte contre les forces confédérées alliées à l’Universalité, poursuivit Alzetto, mais cela nous coûte, nous a coûté et nous coûtera encore fort cher, en hommes, en matériel, en ressources multiples alors qu’il y a déjà tant à reconstruire ! C’est la raison pour laquelle j’ai volontiers accepté cette réunion puisque, Carisma, vous m’avez laissé entendre qu’il y avait peut-être moyen d’entrevoir une sortie possible de cette guerre absurde. C’est aussi pour cela que j’ai demandé au Conseiller Virdaz de nous assister aujourd’hui et ai souhaité venir seul, sans mes aides militaires habituels. Allez, Carisma, donnez-nous des raisons d’espérer !
Der-Aver laissa s’installer quelques instants de silence comme si elle cherchait à agréger les différents éléments de son intervention afin de les rendre plus percutants. En réalité, elle savait exactement ce qu’elle allait dire et comment elle le dirait. Vliclina et elle avait soigneusement répété leurs interventions et d’ailleurs, elles avaient déjà averti Alzetto de l’essentiel sans quoi il n’aurait probablement pas accepté une réunion sur Terra de ce Comité stratégique alors que la bataille d’Antelor battait son plein.
- En fait, commença-t-elle, j’ai peu à dire car l’essentiel des informations dont nous allons débattre sont passées par les canaux du Troisième Assistanat et c’est donc logiquement notre Troisième Assistante qui vous en délivrera les contours. Pour ma part, je souhaite seulement insister sur le statut particulièrement intéressant des personnes qui nous ont approchés. À savoir un des hauts responsables de la Compagnie du Fret Stellaire d’une part et le représentant d’un organisme confédéré fort important d’autre part. Nous avons bien entendu cherché à comprendre s’il ne s’agissait pas d’une manœuvre de nos ennemis, une intoxication destinée à nous déstabiliser à un moment où, comme vient de le préciser le Généralissime, nous semblons reprendre l’offensive sur le terrain. Nous ne pouvons pas en être définitivement certains mais les approches semblent authentiques. L’intérêt de ces contacts et les suites éventuelles à donner dépendront à l’évidence de ce qui nous sera proposé. Dernier point à souligner : les deux approches de nos ennemis paraissent réellement dissociées ce qui renforce d’après moi leur intérêt. Vliclina, pouvez-vous, nous en dire un peu plus ?
Contrairement à la Première Assistante restée assise sur son biodiv, Vliclina s’était levée et, comme à son habitude, tête baissée, s’était mise à marcher lentement autour des autres avant de s’immobiliser à la hauteur du biodiv d’Alzetto. Impeccablement sanglée dans son uniforme blanc à parures dorées, elle glissa ses mains derrière son dos et se lança. D’une voix claire et posée, elle expliqua les contacts qui avaient été établis par ses agents de terrain et les propositions avancées de rencontrer des représentants de la partie adverse qui, semble-t-il, ne voyaient plus d’un bon œil les hostilités en cours.
- Concernant le représentant de la CPS, poursuivit Vliclina, nous n’avons pas grand-chose à perdre à le rencontrer. La seule chose qui compte est de savoir ce qu’il représente réellement et quel est son degré d’isolement au sein de cette compagnie dont nous savons qu’elle intervient directement dans le conflit et qu’elle représente une carte majeure dans le jeu des Universalistes. Si, après en avoir discuté ici-même et obtenu l’accord de sa Majesté, nous décidons de répondre favorablement à cette proposition, je vous propose de nous revoir rapidement afin de définir le lieu et surtout de choisir nos représentants. C’est la raison d’être du Troisième Assistanat que j’ai l’honneur de diriger que d’organiser ce genre d’opérations et j’ai déjà réfléchi à quelques noms mais il va de soi que toutes les options sont ouvertes, y compris militaires, ajouta-t-elle en regardant plus spécifiquement Alzetto. Pour ce qui concerne notre deuxième contact potentiel, c’est plus délicat. Elle laissa s’installer quelques instants de silence avant de reprendre. De ce que nous savons, il s’agit d’une sorte de société secrète à la fois civile et militaire nommée « le Groupe 107 » dont l’immense majorité des personnels influents dans la guerre actuelle ignorent ou ignoraient jusqu’à l’existence, y compris au sein des Confédérés ce qui est à peine croyable et…
- Ça me semble bizarre, cette affaire, l’interrompit Alzetto, et pour tout dire plutôt suspect. J’ai ces mystères et ces cachotteries militaro-civiles en horreur !
- Pourtant, de ce que nous savons de nos agents sur place et de ceux qui sont introduits dans la hiérarchie confédérée, c’est peut-être très sérieux et…
- Du genre à contrer efficacement les agissements universalistes ?
Alzetto s’était levé et avait repris son va-et-vient autour de la table basse ce qui l’amenait invariablement devant Vliclina restée debout et immobile. Il levait alors son regard vers elle et, faisant demi-tour, reprenait sa marche.
- C’est ce qui reste à déterminer évidemment mais je pense sincèrement qu’il y a là quelque chose de nature à…
Alzetto l’interrompit d’un mouvement du bras et se tourna vers Der-Aver.
- Et vous, qu’en pensez vous, ma chère Carisma ?
- Je partage tout à fait le sentiment de Vliclina qui…
- Bien sûr, bien sûr ! Quelle idée de poser une telle question. Bon. Si j’ai compris ce qu’on vient d’expliquer, il n’y a pour le moment aucune raison de ne pas poursuivre des contacts qui n’engagent à rien. Et vous, Citoyen Cinquième Conseiller, êtes-vous d’accord avec ce qu’on vient de dire ? Oui ? Dans ce cas, je me propose d’avertir sa Majesté de ce que nous avons décidé… à moins que Carisma, vous... ? Non ? Bon, je m’en occupe donc et nous nous reverrons assez vite, dès que nous aurons eu ces contacts. Vliclina, si les autres sont d’accord, je pense que c’est à votre service que revient le soin d’organiser ces rencontres mais je ne vous apprends rien en vous répétant qu'il faut faire vite, le plus vite possible…tout en restant très prudents. Délicate alternative s’il en est. Autre chose : pour l’instant, silence absolu sur tout ça et cette réunion n’a évidemment jamais eu lieu. Au demeurant, tachez d’en convaincre notre quanticienne en chef.
Carnigie se tourna vers son lieutenant, l’œil interrogatif.
- t’as déjà vu un truc de ce genre, toi ?
Dei qui se tenait à ses côtés haussa les épaules, perplexe lui-aussi. Devant eux se profilait un immense couloir brillamment éclairé dont les murs ne semblaient donner sur aucune pièce latérale. Allongés sur le sol du sas d’entrée, les deux soldats ne pouvaient en voir l’extrémité qui semblait se perdre au loin dans un effet de perspective peut-être tronquée.
- Non, c’est effectivement un drôle d’endroit, répondit enfin Dei. Une structure qui n’existe pas sur les cartes d’avant la chute d’Antelor. J’en déduis que ce sont les Confédérés qui ont bâti ça, oui, mais dans quel but ?
- Je ne sais pas mais je n’aime pas ça, affirma Carnigie.
La jeune femme, transductrice militaire de premier niveau[7], accompagnait Dei et son équipe depuis plusieurs semaines. Sa première mission avec eux avait débuté sur Terbe 6, une planète coloniale de l’ultrapériphérie, où elle avait su montrer ses capacités à anticiper les réactions adverses ce qui l’avait conduite à se faire rapidement acceptée. Mais il s’agissait alors de combats très limités, presqu’une simple opération de police. À présent, sur Antelor, c’était une autre paire de manches. L’ennemi était omniprésent et il avait parfaitement eu le temps de fortifier ses défenses sur place durant tous ces mois où la contre-offensive impériale avait paru marquer le pas ce qu’elle n’avait d’ailleurs jamais compris. « Maintenant, c’est à nous d’en payer les conséquences » s’était-elle souvent répétée sans jamais le dire à haute voix car ce n’aurait certainement pas été du goût de sa hiérarchie. Et, pour ne rien arranger, les Confédérés, ici, étaient surtout des Carsusiens dont on connaissait la violence et, d’une certaine façon, l’abnégation. De redoutables adversaires souvent imprévisibles ce qui n’était pas pour lui faciliter la tâche. Elle soupira et se retourna vers les soldats derrière eux qui profitaient de la halte pour reprendre quelque vigueur après la marche forcée qu’ils venaient d’accomplir.
- Les radiants sont formels, reprit Dei. Aucune présence bio ou mécanique devant nous. Rien, il n’y a rien. Pourtant construire un couloir de ce type au beau milieu d’une structure enterrée doit bien servir à quelque chose, non ?
Carnigie se garda bien de répondre : elle avait appris à connaître l’homme et elle savait qu’il se parlait à lui-même.
- Résumons, poursuivit Dei. Nous sommes à l’extrémité sud d’une base confédérée dont l’Etat-major nous dit qu’elle est toujours aux mains de l’ennemi et que ces birjads la défendront jusqu’à leur dernier homme. Bon. Nous on arrive sur un tunnel, une espèce de couloir, enfin disons plutôt un passage qui s’enfonce profondément dans la structure… qui la traverse peut-être de part en part et rien. Pas un droïde, pas un humain pour défendre. Rien. Aucune arme défensive automatique. Aucune ouverture latérale, apparente en tout cas. Je ne vois vraiment pas à quoi sert tout ça.
- Je n’aime décidément pas ça, murmura Carnigie.
- Il n’y a qu’un seul moyen pour comprendre : y aller ! conclut Dei.
Il se tourna vers ses soldats qui attendaient patiemment allongés sur le sol carrelé de l’entrée et s’apprêtait à leur faire signe.
- Attends ! s’exclama Carnigie. Pas si vite ! Attends un peu voyons… On ne peut pas se lancer comme ça, sans savoir…
- Sans savoir quoi ?
La jeune femme ne répondit pas. Une fois de plus, elle scruta les parois du tunnel avec ses jumelles carbonumériques, alternant le réglage de l’engin de la gamme visible à l’infrarouge sans rien remarquer de particulier. Sans cesser d’observer, elle chuchota :
- Dei, c’est pas normal. Faut faire venir une équipe spécialisée pour…
- C’est ça et perdre encore du temps pour que les Confés puissent se carapater. Pas question : je suis pour une action immédiate !
- Mais pourtant…
- Rien. Rien du tout. C’est moi qui commande donc qui décide, tu te rappelles ? Je vais pas abandonner une mission de nettoyage parce qu’on sait pas à quoi sert une structure. D’ailleurs, rien ne prouve que ça serve à quelque chose… Une voie de dégagement pour du matériel lourd… ou spécial… où même pour des manœuvres de troupes, qu’est-ce que j’en sais ? Non, faut y aller. Les gars, jeta-t-il en se tournant vers ses soldats. On va y aller et c’est moi qui passe devant, d’accord ? Vous me suivez par deux à un mètre d’intervalle et toi… toi, tu fermes la marche, conclut-il en regardant Carnigie. On pouvait deviner qu’il lui tenait rigueur de ses réserves et de son apparent manque d’enthousiasme.
Dei attendit encore deux minutes puis il se leva et s’avança sur le sol recouvert d’une espèce d’enduit qui crissait faiblement sous les bottes. Il s’avança lentement de quelques mètres et se retourna vers son petit groupe.
- Bon, on va y aller tout doucement, en faisant bien attention à… Mais, que… ?
Les autres virent sa silhouette se parer d’une sorte de contour luminescent puis, avant que quiconque puisse émettre le moindre cri, un éclair blanc éblouissant illumina cette partie du couloir, aveuglant les autres soldats qui, en un réflexe immédiat, se jetèrent en arrière. Lorsque Carnigie arriva à chasser les larmes qui avaient envahi ses yeux elle ne trouva plus aucune trace du lieutenant : Dei avait totalement disparu. Seule flottait dans l’air une faible odeur d’ozone.
- Repli ! hurla-t-elle, presque hystérique. Derrière le premier sas !
Elle-même se précipita vers l’arrière où s’était regroupée la dizaine de militaires composant avec elle la section d’investigation et de poursuite 1213. Tout s’était passé si vite que Carnigie avait la sensation que la disparition de Dei était le fruit de son imagination mais les visages blêmes et horrifiés de ses voisins immédiats témoignaient du contraire. Une autre idée la frappa soudain : cela paraissait incroyable mais avec la disparition du lieutenant, c’était à présent elle qui était le plus haut gradé ! Alors qu’elle n’était même pas une combattante directe, seulement une observatrice, une simple assistante à la décision ! Elle devait réagir et vite. Elle contempla quelques instants le couloir qui avait repris son aspect précédent, sa vacuité apparente traduisant dès lors toute sa dangerosité. Carnigie se retourna vers les soldats qui étaient à présent sous ses ordres directs.
- Je fais venir une unité CAZAR [8] et c’est eux qui nous diront quoi faire, proféra-t-elle de sa voix la plus sereine possible. Elle repéra le militaire seul responsable des communications chiffrées : Grichenne, exécution ! lui jeta-t-elle. Puis à l’intention des autres soldats : en attendant, on se replie sur la position précédente, à l’entrée du complexe. Allez, on ne perd pas de temps, on y va !
Vingt minutes plus tard, l’unité CAZAR était sur place. Cinq hommes en suruniformes blancs qui s’accroupirent devant l’entrée du tunnel en compagnie de Carnigie. La jeune femme était curieuse de comprendre comment allaient intervenir ces spécialistes de pièges en tous genres. Après un court instant d’observation, l’homme qui paraissait en charge des opérations du petit groupe et qui se présenta sous le nom de Kart, se tourna vers la jeune femme.
- Bizarre, effectivement et vous dîtes que votre titulaire a … quoi, simplement disparu ? Désintégré ? Devant le visage défait de Carnigie, il n’en demanda pas plus et se tourna vers un des ses collaborateurs. Fais venir un SR+, lui jeta-t-il avant d’expliquer à Carnigie : C’est un droïde très particulier : aucune empreinte identifiable parce qu’il est protégé par un bouclier de confidentialité spécial. Il pourra certainement explorer plus avant et nous en dire plus.
De fait, le SR+ n’avait nullement l’aspect d’un droïde classique. Petite boule faite d’un métal que Carnigie n’arriva pas à identifier et flottant quelques centimètres au dessus du sol, il s’avança dans le couloir d’une bonne cinquantaine de mètres sans que rien ne se passe. Kart suivait sur un écran la progression de son droïde qui lui communiquait un nombre impressionnant de données. Après dix bonnes minutes d’exploration, le spécialiste en détection se tourna vers la transductrice qui observait anxieusement le déroulement des opérations.
- Eh bien, je ne vois rien là de particulier. Rien en tout cas que notre ami mécanique ait pu identifier… affirma-t-il, songeur. On va donc passer à la phase deux. J’envoie un droïde dans ce tunnel et, si tout se passe bien, nous irons nous-mêmes nous faire une idée de l’endroit.
Quelques minutes plus tard, un droïde d’active s’aventura sur le sol brillant et s’arrêta, avancé d’une bonne centaine de mètres dans le couloir toujours aussi brillamment éclairé. Un deuxième droïde le rejoignit, lui aussi sans aucun problème.
- Der-Liv, Jastema, vous allez rejoindre les droïdes, commanda Kart. Equipement complet. Au moindre signe anormal, vous revenez fissa. Exécution.
Carnigie, anxieuse, observa la progression plus que précautionneuse des deux hommes dont on devinait à leur démarche hésitante qu’ils n’étaient guère en confiance. Si elle avait été en charge des opérations, elle aurait volontiers tout annulé. Pour se donner le temps de la réflexion ou, peut-être aborder la structure par un autre moyen. Ou une autre entrée. Mais, pensa-t-elle, il aurait été mal venu de faire part de ses doutes puisque, en fin de compte, c’est bien elle qui avait appelée les spécialistes de ce genre de situations en renfort. Elle se tourna vers Kart.
- Il est possible que nous n’ayons jamais d’explication pour la… disparition de mon lieutenant, murmura Carnigie. Il s’agissait peut-être d’un piège à effet unique… Pour décourager les visiteurs inopportuns… mais de manière si violente, si irréversible… c’est très bizarre et je me demande quand même si…
Devant le visage fermé de Kart, elle s’interrompit tout net. L’homme donnait l’impression de commencer à mettre en doute le rapport qu’elle avait fait de l’incident. Certes, ses soldats pourraient témoigner mais n’allaient-ils pas être déclarés complices de ce qui, aux yeux de Kart, pouvait ressembler à une bavure non assumée ? Comme si le lieutenant Dei avait été victime d’une fausse manœuvre, peut-être même d’un mauvais coup… mais venu de qui ? L’angoisse suscitée par l’impensable situation ajoutée au début de suspicion du chef des CAZAR la faisait soudain transpirer à grosses gouttes… ce qui ne pouvait que renforcer la probable suspicion de Kart mais elle n’y pouvait rien.
- Bon, vous revenez, jeta Kart aux deux hommes dans le couloir. On n’a rien. On va envoyer une équipe technique et puis on libérera la zone et vous pourrez l’investir, poursuivit-il, le regard mauvais en direction de Carnigie. Je vais faire un rapport à l’Etat-major et ils aviseront parce que…
L’éclair blanc tant redouté par la jeune femme éblouit brutalement l’ensemble des soldats situés à l’entrée du tunnel. Lorsque l’effet se dissipa, il n’y eut aucun doute. Le couloir était à nouveau totalement désert, les droïdes et les deux soldats envoyés en reconnaissance avaient tout simplement disparu.
- Mais, Bergaël pourri, c’est quoi ce bordel ? hurla Kart.
L’homme qui en avait vu bien d’autres paraissait totalement décontenancé.
- On se replie et on avise la hiérarchie. Je… Deux hommes ! je viens de perdre deux hommes ! Et je ne sais toujours pas comment. Allez, on se tire d’ici rapidement et on décidera plus tard de ce qu’il convient de faire, ajouta-t-il en direction de Carnigie.
Mais toutes ses suspicions avaient évidemment disparu. La jeune femme, bien qu’affectée par la mort des deux CAZAR, se sentit lâchement soulagée : il était à présent difficile de ne pas croire à sa version. Rebroussant chemin avec les autres militaires, elle était absolument impatiente de connaître la cause de ce cuisant échec, de savoir quelles armes avaient été utilisées, quelles en étaient les raisons et, surtout de comprendre la finalité de cette structure si familière et pourtant si dangereuse. Elle n’eut pourtant jamais de réponse car, face à cette situation critique, l’état-major impérial décida de replier ses troupes avancées à distance avant d’ordonner la destruction totale de l’édifice, tunnel évidemment inclus.
Il existe comme ça dans tous conflits des situations exceptionnelles qui demeurent à jamais non résolues, des énigmes restant entières sans que quiconque ne puisse apporter de réponse satisfaisante. Carnigie, ce jour-là, fut confrontée à l’une de ces énigmes dont elle savait que son souvenir la poursuivrait tout au long de son existence.
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[1] Carel : petit véhicule électrique à quatre places, particulièrement maniable mais à l’autonomie limitée
[2] Dronik (en fried)
[3] Tayorka : recueil des textes sacrés de la Seconde Religion
[4] Telior : Grand Prêtre (deuxième religion)
[5] Térêtres : sorte d’anges célestes (deuxième Religion)
[6] Tiréné, région septentrionale de la planète Gagino, du système stellaire du même nom (premier quadrant) et réputée pour ses élevages de porcs génétiquement modifiés.
[7] Transducteur : personnel d’appoint des unités combattantes chargé d’estimer la qualité psychologique des forces ennemies
[8] CAZAR unités spécialisées dans la neutralisation de toutes formes d’armes différées (Empire)
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