• livre deux : chapitre onze

    Extraits du Nouveau Codex Impérial (éd. 956 rc)

     

    Sujet :                   services d’éclairage impériaux (les) : généralités

    Section :                                        histoire générale

    Références extrait(s) :           tome 7, pp.110-114

    Sources générales :                 tomes 7 à 9 (première partie)

    Annexe(s) :                                          

     

     

    …/… la notion « d’éclairage » prend une signification différente selon que l’on s’intéresse à l’éclairage civil (aussi appelé éclairage d’Etat) ou à l’éclairage militaire. En effet, dans le domaine civil, il existe, bien séparés au plan organisationnel, un éclairage de défense (ED) et un éclairage d’exploration (EE) [1]. Intéressons-nous d’abord à l’ED… qui relève en fait de deux assistanats forcément complémentaires, tous deux sous l’autorité du 2ème Conseiller Impérial (Directeur des Personnels Civils de Sécurité) : il s’agit en l’occurrence du 1er Assistanat (ou Direction Théorie et Prospective) et du 3ème Assistanat (ou Division Opérationnelle)…/…

     

    …/… cette Division Opérationnelle ou 3ème Assistanat est en réalité le « bras armé » de l’Eclairage de Défense impérial, l’élément de police intérieure le plus souvent perçu du grand public comme la « police politique » du régime. Du régime en place, devrait-on dire, car quel que soit l’Empereur régnant, la politique menée par son gouvernement et la plus ou moins grande vigueur de son opposition, cette Division Opérationnelle, qui possède rappelons-le de nombreux éléments d’intervention lourds, a toujours su rester légitimiste au fil des décennies, à l’exception peut-être…/…

     

    …/ … il semble assez difficile d’évaluer les effectifs des personnels engagés au sein du Troisième Assistanat, d’autant que certains d’entre eux peuvent relever des autorités militaires, voire plus simplement de la Milice ordinaire. Srapt Vergis qui, en 933 rc, a fait paraître une très intéressante étude sur le sujet, explique que « ces personnels ont peu évolué en effectifs au cours des siècles et que ces chiffres oscillent probablement entre quelques millions (une estimation « haute » prenant en compte les personnels mixtes, intérimaires ou occasionnels) et quelques centaines de milliers (estimation « basse » ne retenant que les personnels exclusifs) »…/… il n’empêche que le Troisième Assistant - qui ne dispose que d’un personnel relativement réduit si on le compare à certaines unités de l’armée ou à certains Départements-Ministères – est un personnage très haut placé dans la hiérarchie d’état : certains auteurs exagèrent peut-être son importance réelle en la comparant à celle d’un Conseiller Impérial. Mais il est vrai que le Conseiller est un humain (ou humaine) public(que) alors que le Troisième Assistant « règne dans l’ombre » (dixit Tor-Dor le jeune) et ceci explique peut-être cela…/…

     

    …/… qui est bien différente. Ici, l’activité est plutôt tournée vers les études de prospective et/ou simulations diverses : la Direction du Premier Assistanat intervient peu – du moins directement – sur le terrain, des actions qui relèvent, on l’a vu, du 3ème Assistanat. En revanche, c’est elle qui le plus souvent détermine les stratégies à adopter et qui sert de passerelle avec l’Eclairage d’exploration, représenté par les Assistanats 7 (Sécurité Intérieure, c’est à dire le système solaire) et 12 (Sécurité Galactique). Théoriquement, le Premier Assistant a préséance sur le Troisième mais cela dépend évidemment des circonstances galactico-politiques et des personnalités des uns et des autres…/…

     

    …/… chez les militaires, comme souvent, tout paraît plus simple. Chaque Armée quadrantale possède son service d’éclairage, à la fois de défense et d’exploration (dans ce dernier cas, les militaires préfèrent utiliser le terme de « Service de Documentation), tous relevant de l’État-major Général. En revanche, de par la structure même des activités militaires, il existe un certain nombre d’unités spéciales, comme celle des Steneks qui sont un peu à l’Armée ce que les Jijors sont à la Milice…/…

     

    …/… des nombreux passages existant entre les autorités policières militaires et civiles. Et là aussi la préséance des uns sur les autres dépend essentiellement de la volonté propre des dirigeants en place ou de circonstances particulières : on comprendra aisément qu’en temps de conflits les militaires – tous départements confondus – prendront facilement le pas alors qu’en temps de paix, c’est à l’évidence l’inverse qui s’impose naturellement…/…

     

     

     

     

     

     

    11

     

     

         La jeune femme les suppliait, à genoux dans la boue et les débris épars, la tête abaissée en un geste de soumission ultime, les bras à demi écartés de son corps, paumes des mains vers le ciel, afin de leur faire comprendre qu’ils n’avaient rien à redouter d’elle, qu’elle ne présentait pas le moindre danger. Pour personne. Peut-être avait-elle quand même quelque chose à cacher ? Sinon, pourquoi se mettait-elle en travers de leur assaut ? Voulait-elle protéger un enfant invisible ? Défendre un cube de vie ? Ou bien cherchait-elle à faire gagner quelques précieuses secondes aux commandos ennemis qui décrochaient ? A moins qu’elle ne soit tout simplement devenue insane, le cerveau brûlé par la violence des combats, les hurlements des machines, les sifflements des armes légères, les explosions sourdes des obus différés, le chuintement du métal qui fond et les craquements de la pierre qui se fragmente. Elle n’aurait pas dû se trouver là, civile oubliée au sein des forces actives. Sa présence était totalement inutile. Elle risquait stupidement sa vie pour rien, ou bien pour quelque chose d’inavouable, mais comment le savoir ? Slader Ban la vit au dernier moment, cette ombre fugitive, et cette vision lui renvoya une nouvelle bouffée d’adrénaline ce qu’il n’aurait pas cru possible. Il sauta de côté pour l’éviter, pour ne pas tomber à cause d’elle et risquer le tir des droïdes ennemis encore opérants. Il trébucha et poussa un juron de colère mais il sut se rattraper malgré sa lourde combinaison de combat. Venu du bâtiment qui leur faisait face, à quelques dizaines de mètres à peine, le tir de barrage se fit plus nourri. Slader Ban leva son bras gauche et, d’un simple mouvement du poignet longtemps travaillé, il ordonna à sa section de se jeter à terre, à l’abri d’un pan de mur, d’un recoin quelconque. Il pouvait entendre les souffles courts de ses hommes dans l’oreillette de son casque. Cependant personne ne parlait : silence absolu – c’était son ordre – mais liaison néanmoins toujours opérationnelle. Lui, il se trouvait en première ligne, à la tête de son groupe comme toujours et, de l’autre côté de la voie rapide désertée, il y avait ce bâtiment tout en longueur. Slader Ban était absolument persuadé que les Impériaux y avaient laissé leur dernière ligne de défense droïde, des machines de combat qui s’autodétruiraient dès qu’elles se sauraient sur le point de tomber entre leurs mains. Il avait déjà vu cela tant de fois. Ensuite, dès que ces derniers défenseurs seraient neutralisés, c’en serait fini de l’opération puisque les combattants humains de l’autre bord auraient rejoint leur zone d’exfiltration et leurs cargueurs. Tant de violence pour si peu. Mais si indispensable néanmoins car s’ils ne la prenaient pas, cette ligne de défense, les autres la réoccuperaient certainement et tout serait à refaire…

         Slader Ban activa l’ordiquant de sa visière de casque. Immédiatement, se superposant au spectacle des ruines, une foule de données s’afficha : les positions de la plupart des hommes de son groupe, le degré de progression des unités voisines de la sienne, la distance approximative des premiers droïdes ennemis, tout un ensemble de chiffres et de schémas qui changeaient en permanence, qui se culbutaient à en donner le tournis mais il était bien sûr parfaitement entraîné. Il y avait aussi le témoin bleu de la connexion de longue distance auquel, depuis longtemps, il ne prêtait plus attention. Il savait qu’il était inutile de se précipiter : la vie de ses hommes ne valait pas l’accélération du repli adverse qui, de toute façon, se ferait. Il se renversa sur le dos et observa le ciel maussade et mouillé : la pluie lourde de ses gouttes épaisses et grasses venaient à sa rencontre comme autant de petits ennemis perfides qui se dissolvaient instantanément à l’approche de sa visière. Il attendit quelques instants que le rythme de son cœur ralentisse puis leva deux doigts de sa main droite à destination de ses fantassins de soutien qui répercuteraient l’ordre tandis qu’il soufflait à mi-voix dans son micro de casque : « Quatre minutes, quatre minutes avant d’y aller, les gars ! ». Une vieille ruse archi-connue mais qui pourrait peut-être surprendre les droïdes plutôt stupides qui leur faisaient face. De l’endroit où il se trouvait, il pouvait distinguer, à quelques mètres en arrière de lui, la femme aux bras tendus qui n’avait pas bougé. Il l’observa distraitement ce qu’elle dut sentir car elle releva la tête tout à coup et le fixa de ses yeux noirs et attentifs. Sans la moindre peur, semblait-il. L’eau ruisselait sur ses courts cheveux bruns et sur sa combi fluo. Hormis le calme impressionnant de son regard inquisiteur, on aurait pu croire à une statue de marbre colorisé.

         Slader Ban se retourna à nouveau et, allongé à même le sol sur la pierraille déchiquetée, il chercha à évaluer une fois encore la situation. D’un doigt sur son palpeur d’ordiquant de poignet, il effaça les données de position sur sa visière et ne conserva que l’image retransmise par le tubulaire déployé par son fantassin d’exploration. Légèrement décalée par rapport à sa position, l’image monochromatique ne renvoyait que du vide : aucun drone à radiant et pas de RFO, ces pièges d’images virtuelles que le Génie adverse aurait pu abandonner pour les tromper. Et évidemment aucun humain. Le tir de barrage avait cessé. Seuls les éclairs bleutés de quelques lasers venaient troubler le calme apparent de l’endroit. De toute évidence, des armes légères, celles des droïdes impériaux abandonnés par les troupes ennemies en retraite.

         Son vibreur de poignet l’avertit que les deux minutes imparties venaient de s’achever. Regardant vers l’arrière, il releva la main gauche pour signifier à ses hommes que, cette fois-ci, il était temps de passer à la dernière partie de l’offensive. La femme perçut son geste et pour la première fois ébaucha un mouvement de retrait qu’elle ne put terminer : son visage explosa dans une gerbe de sang et de débris organiques et elle s’affaissa lentement sur le côté. Slader Ban soupira : on ne saurait jamais ce qu’elle faisait là. Prenant sa respiration, il se releva et, demi courbé, s’élança vers le vide de la voie rapide. Comme prévu, ses guetteurs jetèrent une profusion de gaz électromagnétiques pour tromper les droïdes ennemis. N’attendant que ce signal, les autres commandos entrèrent également en action, suivis de peu par leurs propres droïdes, lesquels, trop lents, étaient uniquement cantonnés à des interventions de ratissage arrière. Progressant par petits sauts successifs, Slader Ban se rapprocha de la voie et s’apprêtait à s’engager pour ce qui n’était pour lui que la dernière ligne droite lorsqu’il entendit, bravant l’interdit radio, le cri de son suiveur. L’homme, Brexner à ce qu’il crut reconnaître, cria trop fort et il ne put comprendre ce qu’il voulait lui dire. Il regarda néanmoins sur sa gauche : l’ombre d’un drone tombait vers lui et la dernière vision qu’il eut fut la boule jaunâtre qui venait à sa rencontre. L’impact. La douleur, brève mais intolérable. Il se sentit tomber. Puis le noir total. Il ne sut jamais que le drone avait été immédiatement détruit par ses suiveurs. Trop tard.

         Malgré la distance et la conviction de ne pas être directement impliqué, Valardi sursauta et poussa un gémissement lorsqu’il se sentit mourir. Il sut avec certitude qu’il avait été tué. L’autre lui-même était mort. Valardi avait du mal à se ressaisir car il avait été si proche de ce soldat. Plus que proche : fusionné avec lui. Au point d’avoir souffert et espéré avec lui, d’avoir pu deviner certaines de ses pensées, d’avoir vu par ses yeux ce qu’il voyait et ressenti dans son corps ce qu’il ressentait. Ce n’était pas comme dans un rêve où on a toujours plus ou moins l’impression que les images ne reflètent que partiellement la réalité, un rêve dont on émerge en sachant immédiatement qu’il s’agit d’une histoire inventée par son propre cerveau. Ce n’était pas non plus comme dans une scène de trivmaki dont les limites sont connues à chaque instant, les personnages identifiés volontairement, les péripéties décidées à l’avance, non c’était… horrible. Il comprenait soudain la capacité d’aliénation de ces relais fusionnels longue distance, uniquement réservés, grâce en soit rendu à Bergaël !, à quelques décideurs, des militaires, des hommes de terrain. Son cœur battait à tout rompre et il était couvert d’une sueur froide qui exhalait la peur. D’un vague geste de la main droite, il congédia son ordimédic personnel qui, alerté, s’approchait. L’image de l’assaut persistait dans son cerveau comme un remord. L’homme dont il avait en spectateur emprunté le corps était mort. Cela ne pouvait être autrement. Le drone avait… Valardi frissonna imperceptiblement. Il aurait pu avoir la certitude de cette mort en demandant le transfert longue distance sur un soldat proche mais, par une sorte de pudeur, il ne tenait définitivement pas à contempler le corps supplicié de celui dont il venait de partager les derniers instants. Tout cela était bien trop réel : loin d’ici, loin de sa farla de Belar 3 et de ses droïdes captifs, l’attaque était toujours en cours, quelque part dans une ville triste, dévastée par ces hostilités qu’il avait si longtemps redoutées. Une guerre lointaine - mais pas absurde - qui opposait des êtres dont il n’avait bien sûr jamais entendu parler et qui avait lieu en grande partie à cause de lui, à cause de gens comme lui, des gens qui en avaient décidé ainsi. Et qui prétendaient sans jamais en être totalement sûrs – comment le pourrait-on ? – que les morts d’aujourd’hui éviteraient ceux de demain. Que c’était le prix à payer pour un autre univers, forcément meilleur. Valardi partageait absolument cette conviction. L’Univers actuel, c’est à dire la petite part de la Galaxie que l’homme, ce microbe, avait réussi à s’approprier, était en deçà de ce qu’il devrait être et la faute en incombait à l’immobilisme d’une administration politique sclérosée et de dirigeants campant sur leurs privilèges. Il fallait que cela change, Valardi en était certain, et c’était de sa responsabilité de participer à ce mouvement d’émancipation. Il en avait la volonté et il en avait les moyens mais que c’était dur parfois ! Il lui fallait accepter la souffrance des autres, l’inévitable injustice des préjudices collatéraux et les espoirs perdus de tant de gens. Toutefois, c’était le prix et pour ne jamais l’oublier, pour ne pas s'accoutumer ou se laisser gagner par l’indifférence de l’insouciance, il s’obligeait à vivre par procuration ce qu’entraînaient ses choix. Il ne se jugeait ni bon, ni mauvais - il laissait ces débats éthiques aux spécialistes ou aux religieux - : il se pensait avant tout responsable. C’était son angoisse mais également sa fierté.

     

     

     

         Bristica s’était replongée dans le travail avec ferveur et obstination, comme certains adeptes de la Refondation entrent en casuble [2]. C’était à l’évidence son moyen le plus sûr pour effacer autant que possible les récents événements. Le soir, elle regagnait son appartement du vaisseau amiral, éreintée, la tête emplie de chiffres et de courbes, les yeux saturés de couleurs et de formes mathématiques ; elle cherchait de la sorte à oublier sa condition de maudite et le souvenir du gentil quanticien qui avait su l’entourer de son amitié amoureuse. Elle savait pourtant fort bien que le fantôme de son ami - un fantôme récent mais elle en traînait d’autres avec elle - n’était pas loin et qu’il suffirait de peu pour qu’elle laisse enfin couler les larmes qu’elle retenait depuis si longtemps. Mais elle ne pouvait pas se laisser aller, se répétait-elle avec insistance, elle devait oublier pour l’instant son destin personnel et maintenir le cap : l’avancement de la méta-analyse, une étude qui se corrigeait sans cesse, qui s’affinait jusqu’à en devenir presque intelligible, mais dont on pouvait comprendre qu’elle n’aurait jamais de fin véritable. Jamais de fin, pensait Bristica, puisque ce genre d’outil dépend uniquement des questions que l’on pose en préambule et elle savait que des questions, les autorités en charge en poseraient toujours. Restait l’orientation générale donnée par les chiffres, qu’il convenait d’interpréter au plus juste et avec le minimum d’incertitude. A certains moments, l’idée que des millions de gens qu’elle ne connaîtrait jamais dépendaient des interprétations qu’elle et son équipe choisiraient de croire, la rendait presque folle. C’était si lourd à porter qu’elle aurait pu en tomber physiquement malade mais, au dernier moment, comme l’animal blessé emporté par le courant qui arrive à reprendre pied sur la berge alors qu’on le jugeait perdu, elle repoussait le discours du malheur et faisait face, détendue et tranquille. On avait presque l’impression qu’on allait revoir l’éclat de ses dents tranchant sur sa peau d’ardoise.

         Ce n’était toutefois qu’une impression car, au delà de la peine qu’elle avait ressentie avec la disparition si brutale de Drago, il y avait toujours en toile de fond cette interrogation taraudante qui, de proche en proche, revenait la tourmenter : avait-elle fait le bon choix en s’engageant sous la bannière de l’Empire ? Elle qui n’était qu’une provinciale, qu’une ressortissante de la République de Farber, un système planétaire théoriquement neutre dans un conflit qui le dépassait, qu’une scientifique qui ne comprenait pas, ne pouvait pas comprendre les intérêts politiques et économiques en jeu. Seul le hasard l’avait placée au centre de ce maelström. Au centre, oui, car elle n’ignorait pas la contribution peut-être décisive que, elle et son équipe, apportaient à la cause impériale. C’était bien le hasard qui la faisait travailler pour un camp plutôt que l’autre : tout simplement parce que les interlocuteurs qu’elle avait rencontrés en premier lui étaient apparus plus sympathiques, plus dignes de confiance que les autres que, au fond, elle ne connaissait pas. Vliclina, notamment, l’avait séduite par son intelligence et sa force de conviction mais au delà ? Que savait-elle de ce que voulaient leurs ennemis ? Ces ennemis qui se recrutaient dans tous les partis, toutes les couches sociales, toutes les nationalités, il devait bien y avoir une raison à cela. Et elle, elle était au centre du conflit ! Pas un rouage subalterne dont on pouvait avancer avec certitude que sa disparition ne changerait rien à l’issue de la crise galactique. Non, au centre, au milieu, à la tête d’une grande machine qu’elle contribuait – et pas qu’un peu – à faire progresser dans la bonne direction. Elle n’était pas loin de penser qu’elle s’était trouvée au mauvais moment, au mauvais endroit. Mais qu’y pouvait-elle ?

         Il y avait aussi sa vie à elle qu’elle ne saisissait plus. Quelle vie ? Quel avenir ? Son travail, techniquement, la passionnait ; jamais elle n’aurait accepté son quasi-emprisonnement si cela n’avait pas été le cas. Mais elle ne se voyait néanmoins pas confinée durant des années dans cet isolement, elle qui était jeune et ne profitait de rien. C’était la guerre, certes, mais elle savait pertinemment que, ailleurs, sur Terra, sur Farber, sur Vargas, dans des milliers d’autres endroits, là où il n’y avait pas de combats, c’est à dire la majeure partie de la Galaxie, les gens continuaient de vivre presque comme avant, jouant avec leurs enfants, assistant à des réceptions, recevant leurs familles et leurs amis, participant aux spectacles multimédias, visitant les lieux de culture, jouissant des centres de vacances et de distraction, explorant en fait toutes les facettes d’un univers si riche en possibilités diverses. Elle, rien. Ou si peu. La Prospective Générale appliquée était devenue tout son univers, un univers – Bergaël en était témoin ! - longtemps appelé de tous ses vœux. C’était évidemment beaucoup mais pas suffisant.

         En définitive, c’était peut-être mieux pour elle de travailler autant, de travailler toujours, de travailler à en oublier tout, jusqu’à ne plus espérer que quelques heures de sommeil glanées au hasard d’un emploi du temps.

     

     

     

               - Curieux, ce nom, n’est-ce pas ?

              - Je ne vous le fais pas dire… Galomba Galomba, c’est un nom qui vient de Verturio… mais si, voyons, Verturio ? Bon, je vois bien que vous ne connaissez pas : c’est une petite planète près de Maldragor. Maldragor la Grande, celle du sixième quadrant… Vous ne… Ah bon, quand même. Alors, voyez-vous, sur Verturio, évidemment, on parle le fried comme partout mais nous sommes restés suffisamment isolés – pas moi, les générations d’avant – pour que nous y ayons développé une sorte de langue indigène, un patois si vous préférez. Pour rester entre nous, vous voyez ? Et, là-bas, galomba, ça veut dire « vite », « rapide », ce qui arrive brusquement, vous voyez ? D’où vient le nom de ma famille ? Galomba ? Je ne sais pas… Un hasard, faut croire. Mais – et c’est là où ça devient cocasse - comme l’accouchement de ma mère s’est passé en moins de dix minutes – et sans ordimédic, hein ! – mon père, qui a toujours eu plein d’humour m’a appelé Galomba. D’où la répétition : Galomba Galomba. Marrant, non ?

             - Effectivement, c’est original… heu, vous avez des frères et des sœurs ? Parce que…

              - Non, je vous arrête tout de suite. J’ai effectivement un frère et une sœur mais ils ont des prénoms tout ce qu’il y a de plus classique. Par exemple, mon frère…

         C’est ainsi que commençait souvent une conversation avec Galomba Galomba. L’homme ne manquait jamais l’occasion de s’expliquer sur ce qui intriguait un interlocuteur pour la première fois mis en sa présence : ce nom étrange qui fleurait bon l’exotisme et les contrées lointaines. Cette impression de dépaysement était en réalité amplement exagérée car Galomba avait fait toute sa carrière sur Terra et il ne se distinguait guère de ses millions d’habitants. Il ressemblait à beaucoup de ses concitoyens sauf peut-être sur un point : durant les quarante dernières années (il avait 61 ans), Galomba n’avait jamais dérogé à la règle qu’il s’était fixée : être à n’importe quel moment et en toutes circonstances parfaitement habillé, « définitivement présentable » comme il se plaisait à dire. C’était un point sur lequel il ne transigeait jamais si bien que l’on aurait été certainement en peine de trouver un témoin susceptible d’affirmer qu’il l’avait aperçu en « négligé » ou en combi de détente, le comble de l’horreur pour Galomba. Sous d’autres cieux ou à d’autres époques, Galomba aurait, par dérision, probablement été surnommé « monseigneur » ou « votre altesse » mais dans l’Empire galactique de 975 rc, il était plus prosaïquement « GG ».

         Galomba – ou GG – occupait une situation importante à la Strota-Versa, une société d’import-export de pierres précieuses de Mez-Antelor et de Sidarcanne. Il y était employé en tant que second directeur ce qui, pour un homme dont les études avaient été plutôt mouvementées, était une très belle réussite sociale. La Strota-Versa était depuis peu confrontée au développement inattendu de la guerre qui entravait son commerce avec ses sources d’approvisionnement : Mez-Antelor était tombée aux mains des Confédérés et il était évidemment impensable de nouer des relations avec les nouveaux maîtres de la planète alors que le siège de la société se trouvait sur Terra. Restait donc Sidarcanne et quelques dépôts intermédiaires qui suffiraient bien le temps que le conflit s‘apaise. GG n’avait d’ailleurs aucune angoisse quant à son avenir professionnel puisqu’il était l’un des rares employés de la Strota à savoir que la société dépendait en réalité de la Compagnie du Fret Stellaire dont l’assise galactique ne prêtait à aucune inquiétude.

         Comme chaque jour vers quatorze heures, GG se rendit à pied au restaurant « Tous ces pas vers le jaune » du Centre d’Affaires – c’est à dire du centre commercial – qui jouxtait le siège de sa société. Il n’était pas pressé et, avant de pénétrer dans le PAMA qui l’amènerait en sous-sol, il s’arrêta pour humer l’air ambiant. Le ciel gris charriait d’énormes nuages qui ne paraissaient pas menaçants et il faisait encore doux. Il est vrai que les immenses structures d’acier et de verre de la planète-ville atténuaient les variations de température, en tout cas au sol. Mais c’était une saison agréable et GG serait bien allé faire une promenade sur une navette de jeu comme il en rodait toujours dans la haute atmosphère. Il soupira : trop de responsabilités immédiates. Pour se consoler, il s’évalua dans le reflet de la cage du PAMA. Ce qu’il voyait lui plaisait : un homme jeune – à peine la soixantaine – et surtout svelte sans trop d’effort, assez distingué à ce qu’il lui semblait, qui aurait facilement pu trouver une compagne s’il l’avait désiré. Il lissa doucement les manches de son radec en synthé poli [3] , en affina le col de deux doigts de chaque main et s’enfonça sans se hâter dans le puits ascensionnel.

         Il en émergea pour se rendre directement au restaurant « Tous ces pas vers le jaune », évidemment surnommé par commodité le « Jaune ». Bruits, mouvements, jeux de lumière. Toujours la même affluence importante qui rassure et procure la sensation d’exister, de faire partie d’une communauté. Il aimait cette ambiance affairée. Le droïde maître d’hôtel le reconnut instantanément et le dirigea vers le box de deux que, privilège des habitués, on lui réservait pour lui seul. Il s’assura que son siège était indemne de toute tâche ou poussière (il avait encore en mémoire l’horreur que lui avait procuré, à l’âge de quinze ans, l’espèce de guimauve qui s’était attachée à son pantalon de légica [4] neuf parce qu’un droïde d’entretien déréglé avait mal nettoyé sa chaise). La machine prit sa commande et sortit du box, une bulle de verre dont l’entrée se ferma en chuintant. En un majestueux ballet en apparence désordonné mais en réalité parfaitement au point, la bulle commença son élévation le long des parois intérieures du restaurant à la poursuite de dizaines d’autres bulles semblables : elle ne reviendrait que pour charger les mets commandés, en réalité peu de chose car GG n’avait pas très faim. GG appréciait énormément ce court moment de détente qui l’envoyait, touriste local, à l’assaut des parois du « Jaune » - 400 mètres de hauteur quand même - en une promenade toujours différente, en compagnie d’une multitude de gens dont les bulles accompagnaient parfois la sienne durant de longues secondes. Quelquefois il lui arrivait même d’apercevoir quelques connaissances qui lui adressaient de grands signes auxquels il répondait comme à son habitude par un bref mais perceptible mouvement de la tête. En se tournant vers l’extérieur, les murs devenant transparents à une certaine hauteur, on pouvait admirer les bâtiments voisins et, vers le haut, surplomber un bref instant, l’océan de glace métallisée de la planète-ville.

         Ce fut lors de son second circuit, après avoir définitivement abandonné son viriège brun [5] aux câpres, qu’il remarqua la femme. En réalité, c’est l’intensité de son regard posé sur lui durant les quelques secondes de leur voyage côte à côte qui attira son attention. Il intercepta ce regard et, contrairement à ce qu’il aurait cru, la femme ne baissa pas les yeux et resta à l’observer sans sourire mais sans agressivité non plus. De la curiosité plutôt, une curiosité tranquille, sereine. Bientôt la bulle de l’inconnue disparut parmi les autres mais le souvenir du visage de la femme subsista plus longtemps dans le cerveau de GG, à la manière d’une persistance rétinienne. Il n’avait plus faim et il posa sa main sur le cercle de rappel, au centre de la petite table ronde. Presque instantanément sa bulle changea de direction pour revenir à son point de départ. Il sortit prestement de l’engin et se dirigea sans passer par l’espace de réception – il avait un compte à demeure au restaurant – vers la galerie principale du centre, en direction du PAMA de sortie. Dehors, le temps était toujours aussi doux et la lumière du ciel avait même gagné en intensité. Il fit quelques pas sur le parvis et s’arrêta. La femme se tenait devant lui. Elle lui tournait le dos et, bien qu’il ne l’ai vue qu’assise et durant une dizaine de secondes au plus, il la reconnut sur le champ. Mû par une impulsion incontrôlable, il se dirigea vers elle et, à deux mètres d’elle, s’immobilisa avant de toussoter pour attirer son attention.

              - Avec vous, Citoyenne. J’ai l’impression que vous êtes perdue, murmura-t-il, puis-je vous aider ?

         La femme se retourna lentement, l’observa deux à trois secondes, le reconnut peut-être et, pour la première fois, afficha un sourire léger qui découvrit imperceptiblement la blancheur de ses dents. Un peu plus grande que la moyenne, ses cheveux verts tenus très longs, son visage bronzé faisant ressortir des yeux pareillement verts, elle portait, coordonnée à la couleur de ses cheveux, une birta très courte qui, tout en soulignant sa minceur, mettait en valeur des jambes parfaitement proportionnées. Elle était assurément séduisante mais jamais en temps normal GG ne se serait approché d’une telle créature. Pourtant c’était bien lui qui était là à l’aborder, à lui parler, à lui proposer ses services ! L’ennui, la fatigue, le goût de l’aventure ?

              - Trop aimable à vous, Citoyen. En réalité je ne suis pas perdue : je connais au contraire bien cet endroit parce que, voyez-vous, Citoyen, je travaille ici depuis un peu plus de trois ans. Au sous-directorat du Département-Ministère de la Voirie et de l’Agencement, précisa-t-elle en désignant du regard un grande tour d’acier bleu en bordure du parvis. Mais, ajouta-t-elle en devinant la soudaine hésitation de son interlocuteur, oui, c’est vrai, je veux bien de l’aide… J’ai un rendez-vous à la Locale d’Antébor, là, juste derrière vous mais dans une demi-heure seulement. Comme je n’ai pas trop envie de…

               - Me permettez-vous alors, Citoyenne, de vous tenir compagnie quelques instants ? s’empressa de l’interrompre GG. Je ne sais pas, moi, un café peut-être ?

         Comme il sied à quelqu’un de responsable, la femme parut hésiter une à deux secondes avant d’accepter.

              - Pourquoi pas ? se décida-t-elle puis, portant son poing droit fermé à son cœur : mon nom est Vora. Vora Lickner. Et vous ?

         Repartant vers le centre d’affaires avec elle, GG se lança dans une des variantes de l’histoire des Galomba et de l’origine de son prénom. Il prit grand plaisir à voir que son explication amusait sa nouvelle connaissance. Il s’agissait certainement d’une rencontre fortuite mais d’un contact aisé, d’une conversation facile. Trop facile, peut-être.

     

     

     

         Au début, la progression avait paru simple mais il fut rapidement évident pour tous qu’elle ne menait à rien. Velti ne s’était évidemment pas attendu à une opération aisée : la disproportion existant entre la complexité de l’immense structure et l’apparente facilité de sa pénétration ne lui augurait rien de bon. Pour chacun des trois cents niveaux existants, les recherches des équipes d’exploration droïdes avaient confirmé l’analyse des scanners de surface : on se trouvait en présence d’une profusion de couloirs et de salles qui ne débouchaient que sur d’autres couloirs, d’autres salles, tout aussi vides et déserts. L’endroit était toujours fourni en énergie puisqu’il suffisait de pénétrer dans un quelconque des locaux pour qu’une douce lumière d’ambiance sourde des parois ; partout régnait une chaleur confortable. Pas un grain de poussière – des systèmes d’entretien automatiques certainement – mais pas non plus le moindre droïde et, d’une manière plus générale, pas d’équipement. Il était impossible de savoir à quand remontait ici la dernière présence d’un humain, voire d’un homme mécanique. S’il ne s’agissait pas d’un leurre – mais quelle curieuse façon de vouloir tromper l’ennemi – c’était au minimum des structures non opérationnelles. Un « espace vacant » en terme militaire confédéré. Velti avait soigneusement préparé l'infiltration de son groupe et si elle avait évoqué l’éventualité d’un espace vacant, cela avait été aussitôt pour corriger le tir : « Un espace vacant ? Je devrais plutôt dire : un espace apparemment vacant… Parce qu’on ne me fera pas croire que cette construction isolée, qui serait déjà considérée comme gigantesque sur une planète principale, n’a aucune raison d’être sur Drefel, une misérable planète périphérique, une planète tout ce qu’il y a de plus quelconque, une planète à peine coloniale dont aucun d’entre nous n’avait jamais vraiment entendu parlé avant… avant tout ça. Non, il y a autre chose. Il y a forcément autre chose. ». Et pourtant, on tournait en rond.

         Arpentant les couloirs de la structure, presque décontractée à présent qu’aucune menace ne semblait immédiate, la jeune femme avait longuement réfléchi au problème et elle commençait à regretter de ne pas avoir attendu l'arrivée d'une unité du Génie, en principe mieux entraînée à ce type de situations : les spécialistes concernés étaient géographiquement trop éloignés et - on le lui avait fait comprendre à mi-mots - occupés à des opérations certainement plus décisives. Il fallait préciser que les nouvelles du front, sur l’autre hémisphère, quelque part près de  Drefelville, n’étaient pas si bonnes que ça : par un retournement de situation que l’État-major confédéré local avait encore du mal à s’expliquer, les Carsusiens, non seulement ne s’étaient pas repliés comme prévu mais paraissaient sur le point de préparer une contre-offensive sur les lignes « rebelles ». D’autre part, on ne savait pas vraiment ce que signifiait cette base : elle était probablement désertée depuis longtemps par ses occupants ; Velti devait donc comprendre que d'autres objectifs, d'autres priorités ... Elle l’avait si bien compris qu'elle avait décidé d’entreprendre rapidement ce qu'elle appelait une pénétration en territoire hostile, encore qu'elle n'eut aucune raison véritable de défendre cette notion d'hostilité. La Confédérée s’était depuis le début résolue à organiser le camp de base de son commando à proximité de l’ouverture du site. A l’issue de la dernière réunion de la journée avec son équipe, elle s’y retrouva en compagnie de Rogue. Comme lui, elle savait qu’elle ne trouverait pas facilement le sommeil tant l’énigme lui tenait à cœur.

         Affalée dans l’espèce de biodiv rudimentaire qui servait d’endroit de détente au petit groupe de soldats, Velti laissa errer un regard fatigué sur les montagnes encore mordorées par le couchant. Par moments, un vague souffle d’air froid venait rappeler que, au delà de la bulle de vie dressée par les droïdes d’entretien, le vent s’était levé dans les défilés et qu’il était glacial.

              - Vous comprenez, Rogue, ce que je ne comprends pas, c’est à quoi sert tout ça, s’exclama Velti en désignant le sol d’un large demi-cercle du bras. Et quand je ne comprends pas les choses, je me sens mal. Et je sais que vous êtes comme moi. Allez, vous savez quoi ? je vous offre un glork. Ca vous tente ? Parfait, adressa-t-elle au droïde intendant qui, immobile et concerné, se tenait dans un coin de la bulle, alors deux glorks. Ensuite vous nous laissez.

         Quelques secondes plus tard, elle tenait de sa main gauche un verre en cristal d’Ocara et observait le liquide ambré dont les reflets flous scintillaient doucement. Rogue n’avait pas touché au sien et étudiait la jeune femme du coin de l’œil. Il apprenait à la connaître et l’appréciait de plus en plus. En réalité, songeait-il, ce qui m’a d’abord attiré chez elle, ce sont certainement ses yeux - si bleus, si lumineux - associés aux longs cheveux noirs contrastant avec la pureté de ce visage clair ; ensuite, il y a eu tout le reste : la silhouette presque fragile, les gestes parfois étranges ou décalés, les sourires complices ou au contraire obscurément hostiles, la générosité naturelle et les colères soudaines, la passion des situations pouvant aller, mais rarement, jusqu’à la mauvaise foi, bref la beauté de cette femme, si différente des filles de chez nous. Différente jusqu’à lui conférer une apparence presque exotique. L’attrait de l’insolite, peut-être. Déjà, sur Virge, il avait remarqué combien elle était dissemblable, étrangère, autre. Il regrettait alors qu’elle fut une ennemie, certainement une ennemie. A peine hostile et pourtant si cruelle d’avoir détruit sa navette et ses compagnons. Il savait depuis toujours qu’il était impératif de se méfier d’un être si imprévisible, si étranger et, dans le même temps, il n’arrivait pas à s’y résoudre. Il se demandait si, un jour prochain, il n’aurait pas à regretter cette indécision. Elle l’arracha à ses pensées.

              - Parce que, par Bergaël et les autres !, quand on y réfléchit ne serait-ce que deux secondes, y a rien qui colle dans tout ça ! jeta-telle soudain avant de se lever pour marcher de long en large dans l’espace confiné de la bulle de vie. Rien ! D’abord, voilà un complexe immense, Rogue, de la taille de ceux qu’on rencontre certainement chez vous, sur Terra… mais c’est Terra ! Sur Vargas, pour ne pas dire sur Alba-Malto, moi, je n’ai rien vu de semblable alors ici, vous pensez bien… Je ne comprends vraiment pas… Pourquoi cette démesure ? A quoi tout cela a-t-il ou doit-il servir ? Pourquoi n’y a-t-il plus rien là-dessous ? Hein, pourquoi ? Et ce n’est pas notre arrivée ici qui explique ce vide, ce grand désert… Personne n’aurait pu avoir le temps de tout… Et pour aller où, d’ailleurs ? A moins que seules quelques salles… Ah, je ne sais plus et ça me rend folle !

         Elle tournait de temps en temps son regard vers Rogue comme pour s’assurer qu’il partageait bien ses interrogations, s’arrêtait un bref instant de parler, levait parfois le verre qu’elle n’avait pas lâché mais suspendait son mouvement, sans l’avoir porté à ses lèvres, pour reprendre son monologue et sa déambulation.

               - Il y a autre chose, poursuivit Velti. La neutralisation des droïdes… Enfin, pas vraiment une neutralisation mais leur, comment dire ?…

                  - …leur non prise en compte, compléta Rogue.

               - Oui. C’est ça. Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Parce que, en effet, dans cet endroit, tout se passe comme s’ils ne comptaient pas, les droïdes. Toutes les commandes – je veux dire celles qui nous sont accessibles – ne réagissent qu’aux humains et à eux seuls : ne trouvez-vous pas cela étrange, Rogue ? Rien qu’aux humains, bionats ou biocyborgs, mais jamais à aucune machine, quel qu’en soit le degré de complexité… Très inhabituel.

         La Confédérée revint s’asseoir sur le biodiv et étendit ses bras en avant en un geste de lassitude. Elle se laissa tomber en arrière avant de se redresser aussitôt pour fixer son compagnon en fronçant les sourcils et en affichant tout à coup une moue de petite fille. Rogue ne put s’empêcher de rire.

               - Parce que vous trouvez ça drôle, vous ? On piétine, on ne comprend rien à rien et cela semble beaucoup vous amuser, s’indigna-t-elle.

                 - C’est vous qui me faites rire, répondit doucement Rogue en souriant.

                  - Moi ? Comment ça, moi ?

              - Oui, vous, ou plutôt votre acharnement, votre passion à vouloir expliquer… Ce qui est tout à fait légitime d’ailleurs. Connaissant la susceptibilité de la Confédérée et sentant qu’il s’aventurait sur une pente dangereuse, il enchaîna immédiatement : moi, ce que je me demande, c’est s’il n’y a pas un rapport entre notre structure inconnue et la présence de ce biocyborg… Vous vous souvenez, celui du groupe 107 qui est à l’origine de notre…

                 - Vous avez parfaitement raison de me rappeler ça. C’est vrai : je l’avais oublié, celui-là… Il y a un certainement rapport mais lequel ? Lequel ? Lequel ? Nous savons aussi avec certitude que cette base, cette structure, ce complexe, appelez-le comme vous voulez, est forcément lié à la Confédération. Je fais allusion à l’inscription, vous vous rappelez ? Celle – en fait la seule – que nous avons trouvée à l’entrée de la salle ovale du douzième niveau. Une seule inscription sur des milliers de salles dont nous ne savons absolument pas à quoi elles pouvaient bien servir…

                - Poste de Commandement Général, c’était ça qui était marqué. Et c’était en fried.

            - Un fried récent, continua Velti, puisque postérieur à la dernière réforme de l’orthographe de 907 rc, mais du fried confédéré si j’en juge par la forme des lettres et la présentation du texte. Vous voyez, Rogue, plus on y pense, moins cela paraît logique. D’abord, si c’est bien un bâtiment de la CPI, et j’en suis presque sûre, comment se fait-il que personne n’en ai jamais entendu parler ? Je veux dire, chez nous. Quoi, même nos services de renseignement… ? Je sais ce que vous allez dire : que, classé ultrasecret, il est normal que…  Mais non, ça ne marche pas comme ça, chez nous. Bien que vous n’en soyez peut-être pas convaincu, un tel investissement de moyens ne peut pas, ne pouvait pas passer inaperçu ; il y a une certaine forme de démocratie dans notre Confédération, vous savez, enfin, avant… les évènements récents et puis… Et puis pourquoi abandonner un tel investissement… et dans quel but cet… Ah, je suis fatiguée. Je crois que je vais aller dormir. On se verra demain au briefing et…

               - Attendez, l’arrêta l’Impérial alors qu’elle se levait. Attendez. Juste une idée, avant le briefing de demain, deux minutes pas plus.

               - Je vous écoute…

               - Voilà. Je pense qu’il existe d’autres niveaux…

               - D’autres niveaux ?

            - D’autres niveaux. Dans la structure souterraine. Il y en a certainement d’autres.

             - Voyons, Rogue, voyons, nous avons tout passé au peigne fin. Avec les moyens de détection les plus élaborés de l’Armée. Vous le savez bien, n’est-ce pas ?

             - Si nous n’avons rien trouvé, c’est que nous n’avons pas assez cherché ou que nous l’avons mal fait.

               - Expliquez-vous.

              - Mais c’est tout simple. Réfléchissez. Si nous ne nous étions pas arrêtés dans ce canyon l’autre jour, la structure serait toujours là mais nous n’en saurions rien. Pourtant vous étiez presque certaine qu’il y avait bien quelque chose dans ces collines. Nous nous sommes arrêtés à l’improviste. Hasard… Ensuite, pour la mettre en évidence, cette structure, il a bien fallu jouer avec les champs électriques occultés, vous vous rappelez ? Parce que vous saviez, je me répète, qu’il y avait quelque chose d’inhabituel sous ces roches. Méthode… Pour accéder, vous avez longuement cherché en testant je ne sais combien de systèmes mais c’est grâce à votre biocyborg responsable des pièges magnétiques que nous avons trouvé. Hasard à nouveau… A présent, nous sommes dans une sorte d’impasse et nous ne voyons pas comment aller plus loin. Je dis : méthode et, avec un peu de chance…

                - Méthode, hasard, méthode ! C’est facile à dire mais où et par quoi commencer ?

               - Je ne sais pas. C’est difficile, je le reconnais. Pourtant, je suis sûr d’une chose : ce bâtiment sert à quelque chose. Premier point. D’autre part, il est complètement vide. Pas comme s’il avait été désaffecté : en pareil cas, vous le savez bien, il reste toujours quelque chose, un droïde captif, une machinerie, je ne sais pas, moi ; il y a toujours quelque chose qui coûte trop cher, en temps ou en humains, à enlever, à démonter. Ou quelque chose qui est devenu obsolète et qu’on abandonne parce que ça ne vaut pas le coup. Mais ici, rien. Le vide, un espace vacant, comme vous dîtes. Comme si on avait pris le soin de tout déménager, absolument tout, pour qu’il ne reste aucun moyen aux futurs visiteurs de deviner à quoi tout cela pouvait bien servir. Évidemment, on pourra me dire que cela date de longtemps mais je ne crois pas. Je crois, moi, qu’ils nous ont vu venir et quand je dis nous, je parle de notre offensive sur Drefel depuis le mois dernier. C’est donc récent. J’en suis pratiquement sûr. Deuxième point.

         Velti s’était confortablement renfoncée sur le biodiv et ne perdait pas une miette de ce que disait Rogue. D’un coup, sa fatigue paraissait s’être effacée. Le Stenek porta pour la première fois son verre de glork à la bouche, sembla apprécier la vigueur de la boisson puis la reposa sur la table basse du biodiv avant de reprendre dans le silence.

              - Donc, si on part du principe qu’il s’agit d’un lieu important pour nos mystérieux inconnus et qu’ils viennent de le quitter, on peut passer au troisième point : comment ont-ils fait ? Une organisation certainement nombreuse, au moins en droïdes, et probablement lourde en matériel et en communications… Pas facile à déplacer comme ça. Alors comment ont-ils fait ? Impossible de sortir quoi que ce soit par voie terrestre puis aérospatiale : nous surveillons toute la zone depuis des semaines et, si nous ne pouvons pas intervenir partout à cause des positions respectives de nos troupes, nous savons à peu près tout ce qui se passe. Il ne nous aurait pas échappé une évacuation de cette envergure. Alors quoi ? Les Carsusiens ne sont jamais venus ici et les combats n’ont jamais concerné que Drefelville et les quelques positions autour. Loin d’ici. Je ne vois donc qu’une seule conclusion : nos amis sont toujours là, quelque part sous nos pieds, mais ils sont devenus invisibles par une technologie qui, pour l’instant, nous échappe. Oui, je crois sincèrement qu’il y a d’autres niveaux. Nous pouvons peut-être y accéder. Non, nous le devons. Méthode. Mais aussi hasard, évidemment.

             - Méthode, hasard, répéta Velti à mi-voix. Elle s’était redressée et regardait son vis-à-vis, les yeux brillant d’intérêt, toute trace de fatigue définitivement évanouie. Rogue la trouva vraiment séduisante.

     

     

     

         L’océan bleuté lui envoyait des embruns qui lui agaçaient agréablement le visage même s’ils le faisaient frissonner. Il se retourna vers la plage qui s’étendait sur des dizaines de kilomètres, une plage si blanche au soleil de midi que, s’il n’avait eu ses lentilles protectrices, des larmes lui auraient certainement embrouillé la vue. Quelques silhouettes de ci, de là, un ou deux couples enlacés, un groupe d’enfants jouant à la balle au pied, les inévitables droïdes de surveillance composaient avec eux l’essentiel de cet univers idyllique. Et dire que l’on était sur Terra, à quelques kilomètres d’un centre administratif majeur ! Il porta son regard vers la bordure vert émeraude du parc qui jouxtait la plage. Au delà, les tours d’acier de la planète-ville se profilaient mais elles semblaient appartenir à un autre monde. GG était en paix avec l’Univers tout entier car il vivait un des instants les plus agréables de sa vie de privilégié. Grâce à elle. Grâce à Vora qui lui avait fait découvrir cet endroit qu’il ne connaissait que de réputation, et, au delà, une existence qu’il ne faisait auparavant que soupçonner. Il revint s’allonger près d’elle sur le tapis de plage dont la texture repoussait le moindre grain de sable. Il observa sa compagne qui dormait. Chaque détail de sa peau était visible puisque, selon la mode en vogue, elle ne portait qu’une combi transparente qui, filtrant les rayons solaires nocifs, épousait le moindre contour de son corps splendide. Au début, il avait eu du mal à utiliser ce type de vêtements, lui qui était toujours tiré à quatre épingles, lui qui n’avait jamais osé dévoiler son corps qu’à des conquêtes subies plutôt que choisies et toujours au sein d’une demi-obscurité complice. C’était aussi cela la nouvelle orientation que Vora avait donnée à son existence. Leurs relations se seraient-elles arrêtées là, que déjà la jeune femme lui aurait apporté plus que toute autre personne. Mais il était bien décidé à poursuivre cette aventure inattendue. A l’issue de leur première rencontre, elle avait accepté de le revoir dans une des bulles mouvantes du « Jaune » pour un repas rapide. Puis un soir, toujours au « Jaune » où ils avaient prolongé plus que de raison leur promenade en commun. L’espace de loisirs de nuit ensuite où il s’était longuement agité dans des danses inconnues, lui qui ne dansait jamais. Enfin, plusieurs jours plus tard, comme il sied à des gens civilisés, le cube de vie de la tour Maugri Tern, son cube de vie à elle. Ils avaient fait l’amour ce soir-là en pleine lumière sans qu’il en soit gêné le moins du monde, ce qui l’avait tant étonné par la suite. C’est alors qu’elle lui avait expliqué sa vie : mariée en groupe, démariée, remariée en couple, démariée à nouveau, toute une vie si agitée pour un homme comme lui ! Mais c’était fini tout ça, lui avait-elle expliqué, à présent elle cherchait la stabilité, peut-être même un enfant, mariée ou pas. GG écoutait cette confession presque timide avec une exaltation croissante tant il aurait voulu être celui qui lui apporte la tranquillité de l’âme qu’elle recherchait. Il savait que c’était encore bien trop tôt, qu’il devait attendre, qu’il devait patienter. Après tout, sa seule présence à ses côtés n’était-elle déjà pas une promesse en elle-même ? Lui aussi avait expliqué sa vie mais il avait si peu à raconter. Parfois, elle se moquait de lui : « Allons, allons, marechka do [6], vous n’allez pas me faire croire… Je suis bien certaine que vous avez plein de choses à m’apprendre sur vous, sur ce que vous aimez, sur ce que vous attendez de la vie… » Mais il n’avait à partager avec elle qu’une existence besogneuse et sans originalité. Etait-ce d’ailleurs une existence avant qu’il ne la rencontre ? A d’autres, il aurait raconté des histoires, se serait inventé une vie extraordinaire, aurait relaté des aventures presque incroyables comme souvent il l’avait fait par le passé. Avec Vora, cela lui paraissait impossible. Il lui devait la vérité. Pour ce qui concernait leur relation en tout cas. Pour la première fois depuis longtemps, GG se sentait merveilleusement bien et c’était dû à la sensation nouvelle qui l’habitait d’avoir changé de vie. Il n’était plus si jeune et il se méfiait des engouements soudains qui, parfois, vous font tant de mal lorsque la déception arrive. Pourtant, cette fois, il savait que c’était différent. Vora lui apportait ce changement de cap, cette impression d’exister enfin réellement, ce désir inattendu d’aller plus avant. Lorsqu’il était près d’elle, son seul souci restait de lui plaire. Quand elle n’était pas là, dans l’attente de la revoir, il se prenait à rêver à tous les moments à venir, ces instants de bonheur – oui, de bonheur – qui l’attendaient, qui, déjà, faisaient de lui un autre homme. Plus concerné, plus attentif, plus disponible pour l’autre, voilà ce qu’il était devenu en si peu de temps : il le savait et s’en félicitait à chaque minute.

         Vingt jours de presque vie commune. Et l’impression – fausse bien sûr – d’avoir mis en place une sorte de routine. Une impression fausse, assurément, car comment cela aurait-il pu être possible avec Vora ? Elle était le contraire d’une vie routinière. L’opposé même ! Il s’apprêtait à retrouver la jeune femme et guettait sur son ordiquant la fin acceptable de sa journée de travail lorsque, dans son cube professionnel du 147ème étage de la tour Pleine Balsa, siège de sa société, son droïde secrétaire lui remit l’avis de la Milice, un magnet carte provenant d’une obscure officine policière dont il n’avait jamais entendu parler. Après avoir renvoyé le droïde, il introduisit le magnet dans son ordiquant de bureau et le message sibyllin s’afficha en lettres immenses sur son écran mural : la Section d’Investigation Economique lui proposait de passer immédiatement pour « affaires le concernant », selon une formule des plus consacrées et qui ne le renseignait en rien. Il ne comprenait pas ce qu’on attendait de lui : était-ce en rapport avec sa dernière transaction depuis Mez-Antelor ? Ils devaient pourtant savoir que tout était en règle et que le chargement en question avait été délivré bien avant la chute de la planète. Pourtant, il ne voyait rien d’autre. Il demanda immédiatement à son secrétariat de se renseigner : on ne pouvait fournir aucune explication mais on lui demandait de s’acquitter le plus rapidement possible de cette démarche qui, au demeurant, ne lui demanderait probablement pas beaucoup de temps. Tout cela était un peu mystérieux. Il passa un message à Vora pour lui faire part de son éventuel léger retard puis, selon la procédure, il prit soin d’aviser sa hiérarchie – et son correspondant traitant – de sa démarche. Ne recevant aucune réponse contraire, il se dirigea vers les PAMA.

         Un peu agacé par le contretemps, GG se rendit à pied à l’Investigation Economique qui se trouvait – la coïncidence l’amusait – dans la tour administrative bleue, de l’autre côté du parvis, l’endroit précisément où travaillait Vora. Bien qu’ils se soient donné rendez vous au Centre d’Affaires, peut-être la rencontrerait-il ce qui serait plutôt drôle. Cette idée farfelue l’avait certainement incité à ne pas différer plus avant sa convocation. Il patienta quelques minutes dans le hall d’accueil de la tour, juste le temps de s’inquiéter pour son rendez-vous avec son amie. Un droïde silencieux le conduisit au 6éme étage et l’installa sur un siège étroit et inconfortable face à une espèce de bureau droit à l’ancienne. Il laissa errer son regard sur les murs étrangement anonymes. Seule, sur une des parois, une 3D de l’Empereur Baldur II en grand uniforme d’apparat, éclairait quelque peu cet endroit sinistre mais il est vrai qu’il en existait dans chaque local officiel. Par la baie vitrée on apercevait l’enfilement des tours d’acier de cette partie de la planète-ville et le ciel qui commençait à s’obscurcir. Que faisait-il ici et à cette heure ? Il fixa sans les voir les lumières des bâtiments voisins qui s’allumaient. Vora si proche et si lointaine. C’était à Vora qu’il devait penser malgré tout ce temps perdu… Il se retourna en voyant la porte s’éclaircir silencieusement. Un léger temps de latence puis deux hommes entrèrent ou plutôt un homme et un biocyborg.

              - Citoyens, commença-t-il immédiatement, m’expliquerez-vous enfin ce que je fais ici et ce que vous attendez de moi ?

         Ce fut le biocyborg, un humain d’une quarantaine d’années, à la peau brune et aux yeux noirs perçants qui lui répondit en s’asseyant de l’autre côté du bureau. Son compagnon, un homme plus âgé, en combi noire qui lui conférait une allure vaguement militaire, s’était avancé pour s’appuyer nonchalamment sur le mur opposé à la photo 3D, un peu à gauche de son collègue.

              - Nous allons vous dire ça, Citoyen Galomba, mais, au préalable, je tiens à vous remercier d’avoir accepté de répondre si promptement à notre demande.

         Avait-il jamais eu le choix ? se demanda GG mais il ne releva pas la remarque incongrue. Il regarda avec curiosité le biocyborg développer son ordiquant de bureau et s’y plonger comme à la recherche de renseignements le concernant. Peut-être lui aussi se demandait-il ce qu’il fabriquait là ? Le biocyborg entreprit de l’interroger sur son activité quotidienne. GG se demanda bien pourquoi puisque, même lui qui n’était pas un habitué des services de la milice, savait que ces gens connaissaient certainement parfaitement cet aspect de sa personnalité. Insensiblement, le biocyborg en arriva à des questions plus personnelles et GG ne savait toujours pas ce qu’on lui voulait. Il crut comprendre lorsque son vis-à-vis mentionna le nom de Vora : se pourrait-il que ce soit après elle que… ? Pourtant, comme précédemment, le biocyborg orienta à nouveau son interrogatoire vers d’autres horizons de sa vie sans insister plus avant. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Au moment où il s’y attendait le moins, le biocyborg replia son ordiquant et, regardant brièvement l’homme en combi noire qui n’avait pas bougé, se leva en souriant.

              - Eh bien, Citoyen Galomba, je pense que nous allons nous en tenir là. Vous m’avez donné toutes les informations qui me sont nécessaires. Je vous propose de rester encore ici quelques minutes. Pour les formalités administratives, enfin, vous savez bien… Un Citoyen droïde vient vous chercher tout de suite.

              - Et après je pourrais m’en aller ? interrogea GG alors que ses étranges enquêteurs se dirigeaient vers la porte.

             - Certainement. Certainement, lui jeta le biocyborg avant de disparaître.

         C’était fini. Ce que signifiait cet interrogatoire, GG n’en avait toujours aucune idée mais il se promit d’interroger qui de droit dès le lendemain. Il n’admettait pas de perdre son temps pour si peu. On avait beau être en guerre, il lui semblait intolérable que des fonctionnaires l’ennuient de cette manière. Enfin, quoi, il était le Directeur en Second de la Streta Versa, une entreprise légitime qui avait pignon sur rue. Pas un criminel de guerre ou un politique en rupture de ban. Ca ne se passerait pas comme ça !

         Dans l’attente du droïde libérateur, il se campa à nouveau devant la baie vitrée. Cette fois, la nuit était tombée et la ville resplendissait de tous ses joyaux de lumière. Il regretta furtivement de n’être qu’au sixième étage de cette tour. Lui, à la Streta, il avait une vue bien plus spectaculaire bien qu’il ne… Il n’avait entendu aucun bruit mais ce fut le souffle d’air léger qui le fit se retourner. Il resta bouche bée : le bureau et les sièges, le seul mobilier de la pièce, avaient disparu. Probablement par un mécanisme de sol. Il se retourna en devinant un mouvement du coin de l’œil : c’était à présent au tour de la baie de s’occulter. Bientôt on ne put même plus soupçonner qu’elle avait seulement existé. GG se trouvait dans une pièce nue et fermée. Qu’est-ce que cela signifiait ? Par réflexe, il porta la main à son ordiquant de poignet afin d’installer une connexion avec l’extérieur mais les ondes ne passaient pas. Prisonnier. Il était prisonnier de cet endroit. Sans savoir pourquoi. Ni jusqu’à quand. Il essaya de forcer la porte dont le blindage magnétique était infranchissable. Il cria : on ne l’entendait pas. Dans sa panique soudaine, il avait provisoirement oublié Vora et ne pensait plus qu’à s’échapper de l’endroit. Il explora chaque parcelle de la pièce. Il essaya même de repérer le lieu précis par lequel le mobilier avait disparu. Rien. Bien moins qu’une cage : une boîte. Il était dans une boîte ! Il se laissa tomber contre le mur qui avait remplacé la fenêtre, face à la porte. Prostré. Incapable de réfléchir. Il repensa soudain à Vora qui devait être arrivée au Centre d’Affaires. Combien de temps allait-elle l’attendre ? Serait-elle en colère ? Peut-être l’était-elle déjà ? Plus que tout, plus que la claustrophobie qui commençait à l’envahir sournoisement, c’était ce rendez-vous manqué qui lui pesait le plus. Pour un peu, il en aurait pleuré.

     

     

     

         Ses maux de ventre avaient empiré. A présent, la douleur taraudante lui vrillait tout le bas de l’abdomen. Serait-il possible que… ? Non, Vliclina était totalement persuadée qu’elle payait à présent les longues heures d’angoisse, tout le stress accumulé depuis des semaines. Ce n’était pas la première fois. Elle fit un signe discret à l’ordimédic que, en début de soirée, elle avait pris la précaution de faire venir à ses côtés et qui l’avait déjà, par deux fois, examiné sommairement. Elle s’expliqua brièvement. La machine, sans lui répondre, sembla réfléchir quelques secondes. En réalité, elle préparait la drogue qu’elle allait lui administrer. Effectivement, de l’extrémité de ce qui lui servait de bras, l’ordimédic fit apparaître une espèce de rondelle de tissu – ou plus probablement de matière synthétique – qu’elle approcha du poignet gauche tendu de la jeune femme. Comme le voulait la législation, le droïde s’apprêtait à s’expliquer sur l’intervention qu’il allait effectuer lorsque l’Impériale, d’un geste vague de l’autre bras, l’en dissuada. Que lui importait de savoir ce que cette machine se proposait de lui administrer : elle savait d’avance qu’il s’agissait d’un quelconque produit relaxant, probablement un anxiolytique. Cela ne l’intéressait pas. Encouragé, l’ordimédic apposa son patch sur la peau de sa patiente puis, après s’être assuré de la bonne adhésivité de sa médication, recula en énonçant simplement : « A garder au moins cinq minutes, citoyenne ! ». Vliclina l’entendit à peine. La douleur avait déjà commencé à refluer – à se demander s’il ne s’agissait pas d’un simple effet placebo - et elle se leva de son biodiv pour s’approcher de la vue 3D de son planorbe. Elle effleura de la main droite la petite sphère de pilotage et fit défiler rapidement la vue tridimensionnelle de la portion galactique qui l’intéressait. Elle observa attentivement les couleurs représentant les forces en présence. Rien n’avait bougé. Statu quo. Au moins, pensa-t-elle, Alzetto ne nous fera pas ce soir le coup du brillant militaire obligé d’accumuler les contre-performances programmées par nos propres quanticiens. 22h28, heure galactique. Dans moins d’une heure, son hologramme participerait à la réunion d’État-major quotidienne. Situation militaire inchangée, certainement, mais guère d’avancée sur le front de la sécurité intérieure. Vliclina enrageait de ne pouvoir apporter de nouvelles déterminantes. Statu quo, là aussi, mais certainement moins glorieux. Fâcheux.

         La jeune femme abandonna son observation et se dirigea vers la petite table qui occupait l’angle gauche de son bureau. Son repas l’attendait : canard à l’orange et au jasmin. Elle avait faim tout à coup. Elle farfouilla distraitement la nourriture avec sa fourchette, se décida à avaler deux ou trois bouchées puis lança brutalement l’ustensile qui alla rebondir sur la table puis sur la moquette. Un droïde serveur s’avançait déjà pour le ramasser. Bergaël pourri ! hurla Vliclina. Ce n’est pas possible ! Tous ces Universalistes n’ont pas disparu comme par enchantement ! On doit les trouver et je suis sure qu’ils ne sont pas loin… Vous n’en savez rien, vous, évidemment ! adressa-t-elle au droïde serveur qui regagnait son poste d’attente. La machine resta bien entendu impassible. La jeune femme se mit soudain à rire. Elle se sentait ridicule d’interroger une simple machine sur un tel sujet. Et une machine de service hôtelier qui plus est ! Pas de découragement, ce n’était pas son genre ! Allons, elle finirait bien par trouver les indices indispensables.

     

     

     

         « Le pays d’Ortroi est à nouveau parcouru de murmures et de rumeurs… La tempête y revient puisque les Esprits sont sortis de leur torpeur et que les armées ont repris leur marche vers le Nord. Déjà, poussés par l’angoisse et la peur, d’immenses cortèges se sont formés qui, dans un chaos infini, se bousculent afin de fuir les… Quoi, encore ? » hurla Alzetto, fermant brutalement la talide et se tournant vers le droïde d'état-major qui s'était porté à sa hauteur sans qu'il s'en soit rendu compte. Le droïde ne broncha pas. Exaspéré et de fort méchante humeur, le prince se retourna vers sa fille qui, les yeux écarquillés, essayait de comprendre. La vision du petit visage innocent lui rendit son calme et il ébaucha un sourire.

              - Bon, écoute, Draja, je crois qu’il faut que je te laisse… Nous reprendrons l’histoire probablement demain soir…

               - Tu promets, papa ?

            - Je te le promets absolument. Je viendrai avant que tu ne t’endormes. Comme ce soir. Sauf que je resterai plus longtemps. Maintenant tu dors. Ta maman va passer dans deux minutes. Pour le moment je te confie à Crédoc, termina-t-il en adressant un léger signe de la tête au droïde-serviteur de sa petite fille.

         Comme celui-ci approchait, Alzetto fit un signe au droïde d’Etat-major et s’avança vers la porte de la chambre sans même s’assurer d’être suivi. L’idée du contraire ne l’effleura même pas tant il était inconcevable qu’il en soit autrement. Arrivé à la hauteur de la porte bouclier, il se retourna et ébaucha un petit geste d’affection en direction de sa fille mais l’enfant paraissait s’être déjà assoupie. De la main sur la cellule photo-électrique, il provoqua le mouvement de la porte qui s’occulta dans un léger chuintement. Toujours sans se retourner vers le droïde qui le suivait comme une ombre, il quitta ses appartements et se dirigea à grands pas vers son bureau, trois niveaux plus bas. Il prit le temps de s’installer confortablement sur son biodiv de travail puis, pour la première fois, dirigea un regard inexpressif vers le droïde.

              - Je veux croire que vous ne m’avez pas dérangé pour rien, fut sa seule entrée en matière.

            - Votre Altesse, commença la machine, je suis porteur d’un message personnel, confidentiel et urgent de la part de la Citoyenne Premier Assistant.

              - Je vous écoute.

             - La Citoyenne Premier Assistant m’a demandé de solliciter pour elle un entretien le plus rapidement possible avec Son Altesse. Elle a insisté sur le caractère urgent de sa demande.

           - J’imagine, Bazir, que vous avez déjà étudié les possibilités techniques de cette réunion…

            - En effet, Votre Altesse. Si cela vous convient, elle pourrait avoir lieu à 22h20, heure galactique. C’est à dire dans un peu moins de 30 minutes.

           - La Citoyenne a-t-elle dit si elle souhaitait la présence de certains de mes collaborateurs ?

           - La Citoyenne Premier Assistant a beaucoup insisté sur le caractère confidentiel de sa requête. Elle a également précisé qu’elle ne serait elle même accompagnée que de la Citoyenne Troisième Assistant.

              - Bien. Alors vous m’organisez cela.

         Bien qu’il fut plutôt surpris de cette demande assez inhabituelle – d’autant qu’il avait rencontré Der-Aver la veille pour une réunion ordinaire -, Alzetto ne fit évidemment aucun commentaire. D’un vague geste de la main, il congédia le droïde et soupira. Encore des ennuis à n’en pas douter, pensa-t-il mais, dans le même temps, il était plutôt satisfait que les autorités civiles de l’Etat semblent, en ces temps difficiles, jouer pleinement le jeu de la transparence. Il décida de passer les quelques prochaines minutes auprès de son État-major général comme il en avait l’habitude à cette heure de fin de journée galactique. Fin de journée est d’ailleurs une manière plutôt arbitraire de qualifier le moment puisque, dans la Galaxie où le nombre des planètes et des intervenants possibles était tout à fait considérable, l’activité était permanente.

         Quelques minutes plus tard, le Prince Alzetto se retrouva, solitaire et morose, dans l’office protégé qui servait aux holotransmissions, un endroit pudiquement nommé chambre de neutralisation. Il n’eut pas longtemps à attendre. Déjà les hologrammes de Der-Aver et de Vliclina se formaient.

              - Je vous présente mes civilités, commença Der-Aver, portant le poing droit fermé à son cœur en même temps que Vliclina silencieuse. Je vous remercie sincèrement d’avoir accédé à ma requête. Comme Alzetto ne disait rien, elle poursuivit : l’objet de notre visite impromptue est en réalité double. Je laisse le soin au Troisième Assistant de vous expliquer ce qui motive cette intrusion.

            - Votre Altesse, prolongea Vliclina, deux éléments que nous considérons comme marquants ont eu récemment lieu. D’abord, nous avons identifié et commencé à débriefer un individu qui semble être quelqu’un de très important dans la hiérarchie universaliste et…

               - Important à quel titre ?

             - L’individu est vraisemblablement quelqu’un faisant partie de l’équipe dirigeante de nos ennemis.

               - Oui ?

              - Ce qu’il a commencé à nous apprendre, non sans mal de notre part, est potentiellement en mesure de nous obliger à jeter un regard neuf sur notre stratégie de prospective générale…

              - Rien que ça ! ironisa Alzetto. Eh bien, vous, vous n’y allez pas de main morte…

           - Qui plus est, poursuivit Vliclina sans se troubler, cette approche qu’il convient encore certainement de préciser semble corrélée avec le deuxième élément que je souhaitais évoquer et…

            - Veuillez préciser votre pensée, Citoyenne, car, pour le moment, je ne comprends rien à ce que vous me dîtes…

         - Oui, bien sûr. Excusez-moi, Altesse. Ce second élément concerne… Pour aller à l’essentiel, un de nos agents en poste sur Drefel 2 – il s’agit de cette planète où…

           - Nos alliés de la Confédération ont quelques difficultés avec leurs anciens amis, je sais, je sais.

         Vliclina, comme à son habitude en combi blanche à parements d’or, les mains dans le dos et le regard clair, s’avança légèrement vers Alzetto avant de poursuivre.

             - Cet agent a eu un… contact. Avec l’un des chefs universalistes. Un haut responsable du Fret Stellaire. En l’occurrence le Troisième Membre Garendi. Nous savons que c’est en effet un homme….

             - Je sais qui il est, coupa sèchement Alzetto. Que veut-il ?

             - Il souhaite s’entretenir officieusement avec un responsable de chez nous. Quelqu’un ayant pouvoir décisionnel, a-t-il précisé.

             - Dans quel but ?

            - Il ne l’a pas dit mais nous pensons que cela a peut-être à voir avec la prise en charge de ce haut responsable que je viens d’évoquer et, de plus, il…

         Sans plus écouter Vliclina, Alzetto se tourna vers Der-Aver.

        - Carisma, l’interrogea-t-il, qu’en pensez-vous ? Vous, personnellement.

             - Altesse, il est à l’évidence difficile de juger de la crédibilité de cette volonté de contact. Trop tôt. Pas encore assez d’informations. Mais, après tout, pourquoi pas ? Nous devons y réfléchir mais, je vous l’avoue, ce qui me préoccupe pour le moment, ce qui me préoccupe vraiment, c’est l’interception par nos services de ce haut responsable auquel faisait allusion il y a un instant le Troisième Assistant… En réalité… En réalité, il semblerait que ces révélations soient de nature à nous faire réexaminer, humm, comment dire ?, la sincérité de l’engagement à nos côtés de… la quanticienne farbérienne. Donc de la validité de son travail et…

         Alzetto s’était approché d’un bond des deux hologrammes qui lui faisaient face et de manière si brutale que les deux femmes ne purent s’empêcher d’avoir un mouvement de recul.

               - Vous prenez conscience de ce que vous venez de me dire ? éructa-t-il. Vous comprenez vraiment ce que ça signifie ?

                 - Il n’y a rien de sûr, Altesse, et fort heureusement…

              - Vous êtes en train de me dire que nous avons peut-être engagé l’avenir de notre combat sur des analyses discutables, éventuellement même faussées par ceux-là même que nous combattons ? Et que je conduis depuis des semaines les armées de Sa Majesté selon des données douteuses ? Oui, voilà ce que vous me dîtes ! Incroyable ! Non mais je vis un cauchemar ! Ce n’est pas possible, vous vous moquez de moi ! C’est de la folie ! De la haute trahison ! Entendez-moi bien, Citoyennes-Assistantes : s’il s’avère que nous avons dû prendre, en raison d’une quelconque désinformation, des décisions impropres, fussent-elles secondaires, je vous jure que des têtes tomberont…

         Le coup de colère du Prince Alzetto se dissipa d’un coup et Der-Aver en profita pour reprendre la parole.

              - Altesse, vous nous avez demandé de vous tenir au courant de tous éléments nouveaux, même non certifiés ou non documentés valablement. Vous nous en avez instamment priées. C’est ce que nous faisons aujourd’hui tout en sachant que c’est parfaitement prématuré. Nous n’avons que des interrogations, de vagues soupçons, des doutes oui… Et les doutes, c’est mon métier. Après tout, il est naturel de toujours vouloir réévaluer nos actions et nos décisions. Non, Altesse, il est bien trop tôt pour remettre en cause la loyauté de la citoyenne Glovenal et de son équipe, tous des gens parfaitement triés sur le volet. Bien trop tôt ! Et, pour vous dire le fond de ma pensée, s’il y a désinformation, c’est plutôt à son égard qu’elle me paraît avoir lieu. Je garde à notre responsable quanticienne toute ma confiance.

              - Moi également, intervint Vliclina, restée silencieuse depuis plusieurs minutes.

              - Bien, bien. Je comprends votre souci, chères amies. Je le comprends et j’y souscris totalement. Alors, disons qu’il est de la plus haute importance de faire le plus vite possible la lumière sur cet… incident de parcours. Je compte sur vous mais je souhaite aussi que certains de mes proches collaborateurs soient impliqués au plus près dans votre enquête à venir. Je vais désigner quelqu’un qui saura se montrer discret et en mesure de vous apporter toute l’aide des armées dont vous aurez besoin. Aucune arrière-pensée de ma part dans cette demande, croyez-moi, mais l’unique certitude de l’absolue nécessité d’une collaboration encore plus étroite entre nos services. En acceptez-vous l’idée, chères amies ? Eh bien, voilà qui est réglé. Disons que nous faisons le point dans trois jours. Sauf imprévu évidemment. Et, bien sûr, pour l’instant nous ne bougeons en rien notre stratégie d’action. A vous revoir, chères amies.

         D’un geste, Alzetto signifia la fin de l’entretien holographique et il disparut instantanément aux yeux des deux femmes. Vliclina et Der-Aver se trouvaient en fait dans la même pièce sécurisée d’une annexe du Troisième Assistanat sur Terra. L’importance des questions dont elles devaient débattre les avait conduites à ignorer l’interdiction d’approche physique qu’elles avaient elles-mêmes imposée aux hauts responsables impériaux. Vliclina, pensive, rompit la première le silence.

              - Compte-tenu de ce que nous avions à lui dire, le Prince a plutôt bien pris la chose, déclara-telle. Toutefois je devine sa colère profonde et…

               - Le Prince Alzetto ne prend jamais bien ce qui risque de lui compliquer une situation, rétorqua Der-Aver. Jamais. Je reste persuadée qu’il est furieux de savoir qu’il existe une incertitude sur un projet qu’il a d’ailleurs eu du mal à accepter.

                - C’est ce que j’allais vous dire, Carisma, je sais bien qu’il est en colère. Il convient donc de lever cette hypothèque au plus vite. Bien entendu, il ne faut rien dire de tout ça à Bristica Glovenal. Trop déstabilisant. D’ailleurs, j’ai dit la vérité : comme vous, je lui garde toute ma confiance. Pour moi, il s’agit d’une tentative de désinformation. Vous comprenez, nos ennemis n’ont pas réussi à la faire plier par la violence alors…

               - Oui, oui, je sais bien mais, pour ça, il nous faut être sûres. Totalement sûres. Ne serait-ce que pour réaliser dans de bonnes conditions ce contact avec Garendi ou qui que ce soit d’autre. Une demande à laquelle il faudra bien donner suite, vous le savez pertinemment. Combien de temps, pensez-vous, pour obtenir des renseignements fiables, dans un sens ou dans l’autre, sur notre prisonnier ?

              - J’ai peut-être une idée qui pourrait nous faire gagner du temps, lui répondit Vliclina. J’espère seulement que les militaires que nous promet le Prince seront assez compréhensifs.

              - Cà, Vliclina, comptez-sur notre Commandant en Chef pour nous adjoindre des gens peu compréhensifs qu’il sera difficile de contourner. Ce qui, au demeurant, serait une grosse bévue. Vous avez remarqué que, pour la première fois à ma connaissance, le Prince nous a appelé ses « chères amies ».

                 - Oui, c’est plutôt mauvais signe, acquiesça Vliclina.

     

    suite ICI

     

     Fin du livre deux

     

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    [1]  Respectivement contre-espionnage et espionnage (NdT)

    [2]  entrer en casuble : terme intraduisible se rapportant à certains religieux (plutôt de la hiérarchie intermédiaire) de l’Eglise de la Refondation (mais une possibilité analogue est offerte aux disciples de la Seconde Religion) qui, après avoir passé plusieurs années dans le monde civil, retournent en Religion, dans des structures spéciales qui leur permettent de se « ressourcer ». La plupart d’entre eux intègrent ensuite des ordres fermés, souvent contemplatifs, bien qu’il ne leur soit pas impossible de retourner pour une durée plus ou moins longue dans l’univers civil, pouvant entrer ainsi à plusieurs reprises « en casuble »

    [3]  radec : sorte de manteau léger, sans poche et à col détachable

    [4]  légica : combi en 2 ou 3 parties, surtout portée sur Terra

    [5] viriège brun : poisson de la famille du thon dont la chair, au goût vaguement de cannelle, est très appréciée des habitants de Terra

    [6] marechka do : ami très cher, compagnon adoré

     


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    1
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