• livre trois : chapitre neuf

    Extraits du Nouveau Codex Impérial (éd. 956 rc)

     

     

    Sujet :                                                    Carsus 

    Section :                                                histoire générale

    Références extrait(s) :                         tome 10, pp. 305- 494, 512-546

    Sources générales :                             tomes 8 à 21

    Annexe(s) :                                            

     

     

    …/… Quatrième planète par ordre d’importance de la Confédération des Planètes Indépendantes (CPI), elle s’est affranchie de l’autorité impériale à la suite du traité de Rhésis (707rc) qui donna naissance à la dite CPI dont elle fait donc partie depuis le début. Elle est souvent présentée comme « la plus CPI légaliste » selon l’historien impérial Idrex Zad (806-941rc). Comme les cinq autres planètes représentant le groupe planétaire principal de la CPI, elle accède à la présidence de la Confédération tous les quatorze ans selon le principe bien connu du « Tourniquet ». Sa dernière présence à cette fonction remonte à 944rc et elle devrait normalement revenir aux commandes en 958rc. Rappelons néanmoins qu’assurer cette présidence ne prédispose qu’à l’organisation de la politique commune décidée au sein de chacune des planètes considérées …/…

     

    …/… Peuplé d’environ vingt-sept millions de ressortissants bionats répartis sur le pourtour de l’unique continent de la planète, elle est notamment réputée pour l’excellence de ses forces armées dont la proportion par nombre d’habitants est la plus élevée de toute la Confédération. Ses « fantassins terrestres » exclusivement composés de bionats sont craints dans l’ensemble de la Galaxie pour leur efficacité certaine toujours alliée à un esprit de sacrifice élevé.  À eux-seuls, ils ont parfois contribué à inverser le sort des armes sur le terrain, aidés il est vrai par des unités droïdes très spécialisées. Concernant ce dernier type de combattants, on peut citer les Cravers, droïdes affectés au maintien de la paix en zone occupée ou l’Ordre des Droïdes Noirs chargés du « nettoyage sur zone », ces derniers ayant été à plusieurs reprises très critiqués pour leurs actions brutales. La flotte galactique carsusienne se compose .../…

     

    …/… La colonisation de Carsus fut débutée bien avant celle des autres planètes de la CPI, en réalité dès le début de l’Expansion, vers le milieu du IIème siècle. En effet, la planète présentait le considérable avantage de posséder d’emblée une atmosphère à base d’oxygène voisine de celle de Terra et il ne fut alors nécessaire de n’apporter que quelques ajustements mineurs pour la rendre parfaitement habitable. Toutefois, Carsus ne devint véritablement connue que lors de l’installation sur son sol d’une importante colonie pénitentiaire (le Renouveau galactique) où, durant plusieurs décennies, furent exilés des condamnés politiques coupables d’actes délictueux divers (mais pas de crimes de sang) ainsi que des détenus de droit commun, les uns et les autres souvent avec leurs familles. Ce n’est qu’en 404rc que fut fermée la dernière colonie pénitentiaire carsusienne, la planète s’orientant dès lors vers …/…

     

     

                                      

     

    9

     

     

     

    Le jour s’était levé sur une aube blafarde mais qui, en quelques minutes, céderait la place à une journée volontiers ensoleillée et plutôt chaude pour la saison. Felt, droïde-élément d’infiltration, accroupi derrière une roche, attendait tranquillement cette transformation prévue de son environnement pour s’élancer vers le sommet de la colline dite du versant nord où étaient tapies de nombreuses troupes confédérées dont le but manifeste était de défendre coûte que coûte un de leurs derniers bastions avant la descente sur la plaine d’Antelor. Il n’était ni impatient, ni inquiet, des états d’esprit qu’il ne connaissait pas. Sur sa droite, séparés chacun d’une cinquantaine de mètres, une dizaine de droïdes comme lui. Sur sa gauche… rien puisqu’il occupait le bord extrême de son groupe. Il se demandait néanmoins pourquoi les Confédérés n’avaient jusqu’à présent pas riposté à leur avancée, peut-être parce qu’ils ne voulaient pas encore se découvrir ? D’un coup Grantel se leva inondant le monde de sa lumière orangée. Sur la visière de son casque, la diode rouge clignotante passa au bleu. Le signal. Le ganor [1] avait été insistant : « les ordres du lieutenant sont très clairs, on avance lentement et on teste les positions ennemies. Il va y avoir un cargueur qui… Mais cela ne vous concerne pas ! » Felt n’avait pas cherché à en savoir plus. Il se releva et orienta son lance-flamme à l’horizontale avant de presser et fixer la détente de l’arme, déclenchant un énorme nuage de flammes jaune vif qui se mélangea à ceux que venaient de relâcher les autres membres de l’escouade. Un humain n’aurait plus rien vu (et d’ailleurs, même protégé, il n’aurait certainement pas supporté la chaleur induite) mais les yeux synthétiques de Felt pouvait parfaitement analyser les contours du sol et ses irrégularités. Il avançait prudemment, attentif à bien rester en ligne avec les autres. Il distinguait parfaitement le mur de soubassement qui était leur objectif. Il estimait sa distance à trois cent mètres. Il devina rapidement les mines et entreprit de les contourner ce qui ne présentait pour lui aucune difficulté. Il avait été entraîné à les éviter, du moins les mines basiques de ce type. Les autres aussi s’en sortaient parfaitement et le mur de flammes qui avançait avec eux paraissait très efficace et probablement assez dissuasif. À mi-distance de l’objectif, il entrevit pour la première fois une irrégularité dans le nuage de feu, une sorte de hiatus dans leur ligne d’avancée, comme si l’un des leurs avait cessé de carboniser devant lui. Il ne tourna pas la tête pour en savoir plus : il avait une mission et rien, si ce n’est un ordre du ganor, ne l’en détournerait. Il continua sa progression tout en remarquant bientôt – cette fois il en était sûr – que le mur de flammes que son escouade générait perdait en intensité comme si… Une sensation bizarre s’empara de Felt. L’impression qu’il avait plus de mal à avancer, comme si le sol et même l’atmosphère brûlante qui l’entourait étaient tout à coup plus… épais ? Sirupeux ? Presque collants en fait, à la façon d’un environnement qui se serait densifié mais il savait que cela n’était pas possible, le ganor avait été formel : la zone qui les séparait de leur objectif était absolument déserte à l’exception des quelques mines antipersonnelles qu’il avait déjà évitées. Dans sa mémoire aiguisée bien que parcellaire, il fit la relation avec un événement qui s’était produit bien des années auparavant, lorsque, droïde affecté à la milice de Fierce-Okul, une planète rebelle du cinquième quadrant, il avait été confronté à cette arme incapacitante antidroïde utilisée par les insurgés. Il savait comment faire, comment s’y opposer. Sans lâcher la détente de son lance-flammes, il activa son appel d’urgence pour demander l’avis du ganor mais il ne reçut aucune réponse. Il se passait décidément quelque chose d’autant que ses compagnons droïdes semblaient subir les mêmes difficultés comme on pouvait en juger par le mur de flammes à présent clairsemé. Felt était confronté à un problème : il devait prendre une décision et cela, il l’avait en horreur. Lui, en élément discipliné, il répondait aux ordres de ses supérieurs et rien de plus. Que faire ? Et d’ailleurs fallait-il faire quelque chose ou attendre les ordres ? Son hésitation lui fut immédiatement défavorable. Profitant de la désorganisation du mur de feu, l’ennemi était certainement arrivé à isoler les différents protagonistes de l’attaque car il se sentit tomber et il n’eut que le temps de couper son lance-flammes. Son membre inférieur gauche avait été déchiqueté par le probable flaster d’un sniper. Il pouvait en voir le métal tordu et les liaisons électroniques à présent à nu. Il ne souffrait bien sûr pas de sa blessure mais d’une sorte de malaise généralisé d’apprendre que sa totalité n’était plus, qu’il était devenu inapte. Ce n’était pas de l’angoisse – un cerveau droïde ne pouvait pas s’angoisser – et pourtant ça y ressemblait un peu.

    Les flammes s’étaient peu à peu taries et il ne restait de leur attaque qu’un groupe d’une dizaine de droïdes allongés sur le sol, des soldats mécaniques neutralisés donc inutiles. Il en faisait partie. Leur offensive avait échoué et la première réaction qu’il eut en prenant conscience de cet échec fut la honte. Honte de ne pas avoir mené à bien la mission somme toute assez facile qui leur avait été confiée. Il ne cherchait pas à savoir les causes de ce lamentable revers. Lui et les autres, ils avaient échoué. Il chercha à se lever mais son membre inférieur abimé ne fonctionnait plus. Plus encore ses membres supérieurs qui ne présentaient pourtant aucune malfonction apparente ne répondaient pas vraiment aux sollicitations de son cerveau moteur. Il n’arrivait pas à comprendre pourquoi. Il parcourut du regard le milieu environnant. Il ne voyait pas les silhouettes des autres qui devaient être dans le même état que lui. C’est en tout cas ce qu’il supposait. Impossible toutefois de le savoir avec certitude. Lui, il n’était que provisoirement mis hors de combat puisqu’un membre inférieur mécanique, ça se répare très facilement. Mais les autres ? Peut-être plus sévèrement touchés ? Il fallait attendre les équipes de secours que ne manqueraient pas d’envoyer les responsables de la division droïde qui avaient assurément suivi en direct leur progression. Ensuite, il faudrait savoir à quoi (ou à qui) attribuer l’échec de la mission.

    Felt chercha néanmoins à ramper mais sa progression était ridiculement lente. Il suspendit tout effort en se faisant la réflexion qu’il ne lui fallait pas s’éloigner de l’endroit où ses chefs savaient qu’il était tombé d’autant que ses mouvements désordonnés risquaient d’attirer l’attention de l’ennemi. Attendre donc. Les minutes s’écoulaient sans que rien ne change. Toujours aucune possibilité d’entrer en contact avec les autres ou avec la base. Puisqu’il ne pouvait rien faire d’autre, il chercha à revivre quelques scènes de sa vie civile. Par exemple, les parties de bilo[2] avec les compagnons mécaniques de sa garnison ou bien son incroyable amitié avec Kodi le tournier, sur Balgyra, il y avait bien longtemps. S’il avait pu sourire à l’évocation du lointain souvenir il l’aurait assurément fait mais un droïde, ça ne peut physiquement pas sourire. Quand même, pensez, un tournier qui s’était entiché de lui qui n’était pourtant qu’un simple droïde parmi des centaines d’autres ! À la surprise générale et à l’amusement des bionats, le petit animal ne le quittait pas quand il était en réhabilitation sur la planète bleue. Et il attendait patiemment son retour lorsqu’il était en mission. À sa connaissance, il n’avait jamais entendu parler auparavant d’un petit être biologique pouvant s’enticher d’un homme mécanique. Mais c’était il y a longtemps. Un jour, alors qu’il se félicitait déjà de retrouver son ami Kodi, il avait appris sa mort de vieillesse. Oui, biologique donc mortel. Il ne l’avait jamais oubliée, cette petite bête de son passé. Il n’était pas vraiment triste puisque c’était la Vie mais il avait longtemps ressenti comme un vide. Balgyra, la planète bleue. Il y avait de fortes chances pour qu’on l’y renvoie compte tenu de son incapacité présente et il s’interrogea sur… Ça bougeait au devant. Tous ses senseurs s’étaient mis en alerte soudainement. Ce ne pouvait pas être les secours. Pas de ce côté et, de toute façon, ils auraient bien trouvé un moyen de le prévenir pour éviter un dommage collatéral. L’ennemi ! Felt chercha à manipuler son incandescent à défaut du lance flamme peu approprié pour un éventuel combat rapproché mais il était comme paralysé. L’arme incapacitante ? Il sut alors qu’il allait certainement être terminé mais il n’avait pas peur. Il regrettait seulement de finir comme ça, dans un fossé, après avoir failli à la mission. L’ombre s’approcha de lui sans crainte : elle savait qu’il était incapable de se défendre. C’était évidemment un droïde confédéré, un autre lui-même en somme. À la différence près que son cerveau, en inverse décalqué, avait été conditionné à être fidèle à la Confédération. L’ennemi s’approcha, son éclateur fixé à l’extrémité de son membre supérieur gauche. Il sembla hésiter. Toutefois Felt savait que ce n’était pas en raison d’une quelconque pitié mais la seule recherche de l’endroit où il allait frapper le corps étendu devant lui. La situation inversée, il aurait agi de la même manière… Il ne ressentait aucune haine mais une impression de gâchis. En authentique soldat mécanique-élément d’infiltration, il garda les yeux ouverts lorsque le rayon le détruisit.

    Felt ne pouvait pas le savoir mais il avait fait partie d’une escouade sacrifiée pour des raisons de diversion. Son rôle – on pouvait même dire son sacrifice – avait permis de fixer une unité confédérée alors que le gros des troupes impériales se déployait plus au sud. Dans cette guerre totale que se livraient les belligérants, les vies d’une dizaine d’hommes mécaniques n’avaient strictement aucune importance comparées aux véritables bionats qui avaient été probablement épargnés dans l’affaire.

     

     

     

    Vliclina repoussa négligemment la mèche de cheveux qui était sur le point de lui tomber sur l’œil droit et, se redressant, chassa provisoirement la fatigue du moment. Il faut dire qu’elle n’avait guère dormi ces derniers jours, occupée qu’elle était à gérer personnellement les contacts initiés par certains éléments des forces adverses. Des contacts on ne peut plus fructueux puisque les deux parties rencontrées par ses agents avaient fait part – apparemment sans s’être concertés – de leur désir de mettre en place un protocole de suspension des hostilités qui, par la suite, pourrait effectivement déboucher vers une paix plus solide. Les envoyés du responsable de la CFS comme le représentant accrédité du plutôt mystérieux Groupe 107 avaient insisté sur un point qui leur paraissait fondamental : le souci pour les Confédérés qu’ils représentaient de ne pas perdre la face, de négocier en somme un arrêt des combats leur permettant de conserver leurs légitimités respectives. Toutes choses que Vliclina comprenait parfaitement : à leur place, elle aurait présenté les mêmes demandes. Elle doutait toutefois que les militaires acceptent cette espèce de reddition conditionnelle alors que, sur tous les fronts, ils reprenaient un avantage chaque jour plus évident. L’Impériale était par ailleurs obsédée par une question qui la taraudait et qui, lors de ces premiers contacts, n’avait bien sûr pas été abordée : qu’en était-il des Universalistes ? Leur responsabilité prépondérante dans l’origine de cette guerre qui avait déjà causé tant de dégâts n’avait jamais été évoquée. À croire qu’il ne s’agissait que d’un conflit entre deux puissances antagonistes classiques alors que tous savaient bien qui tiraient les ficelles et ce, des deux côtés. Il lui paraissait impossible de proposer de prendre la moindre décision sans avoir une certitude sur ce point capital. Elle soupira, se leva de son planorbe et s’avança vers la large baie vitrée pour regarder sans le voir le parc du Palais impérial sur lequel la nuit peu à peu tombait. Elle se détourna lentement et se mit à marcher tranquillement de long en large avant de s’arrêter brusquement devant son droïde-secrétaire qui attendait impassible près de la porte à l’ancienne de la vaste pièce qui lui avait été provisoirement allouée.

      - Voulez-vous, je vous prie, demander à la citoyenne Première Assistante s’il m’est possible de m’entretenir avec elle. Et avant que le droïde ne lui réponde, Vliclina poursuivit : Je sais qu’elle est très prise en ce moment et que, de toute façon elle n’est pas sur Terra, mais vous lui direz que je sais tout cela mais qu’il faut néanmoins que je m’entretienne le plus tôt possible avec elle. C’est impératif.

    Elle regarda l’homme mécanique sortir de la pièce puis reprit sa contemplation évasive du parc. Vliclina était songeuse : les événements donnaient l’impression de s’accélérer et il fallait impérativement décider dès maintenant de la suite à donner. L’ennemi était-il effectivement sur le point de rompre et qu’en était-il alors des Universalistes ? Au-delà de quelques sous-fifres, comment identifier les décideurs, les décideurs réels, afin d’écarter une fois pour toute la menace délétère qui menaçait l’Empire ? Les militaires, tout à leur contre-offensive, étaient trop occupés et donc peu accessibles. Non, c’était à Carisma et à elle de s’occuper de neutraliser autant que faire se peut l’ennemi de l’intérieur mais de quelle façon ? Jusqu’à présent, les informations dont elles disposaient étaient restées parcellaires et elle ne voyait pas  – sauf par un hasard miraculeux – comment éradiquer le danger. Elle soupira et décida de poser directement la question lors du prochain comité stratégique au risque de provoquer la colère des militaires qui avaient bien d’autres soucis. Après en avoir longuement parler à Carisma évidemment.

     

     

     

    Valardi était seul, désespérément seul. Aucune nouvelle des autres. Le général Graven ne donnait plus aucun signe de vie, occupé qu’il devait être à assurer ses arrières, Berlico était aux abonnés absents et la biocyborg confédérée, après avoir ébauché une prise de contact, semblait avoir renoncé. Quant à la princesse impériale, elle avait disparu de la scène depuis si longtemps qu’il eut été totalement illusoire de compter sur elle. Il était seul aux commandes d’une opération dont il ne dominait pas les aspects militaires. Il était donc parfaitement conscient que l’affaire était mal engagée. Ses agents traitants lui faisaient remonter l’essentiel des faits mais ce n’était pas ces détails qui l’intéressaient : ce qu’il désirait, c’était apprécier la marge d’action qui subsistait pour contrer la manœuvre impériale et, en ce domaine, il était à présent presque aveugle. Et puis une mauvaise nouvelle venant s’ajouter aux autres, il était à peu près certain de l’échec de Gilto dans sa tentative de retournement de la quanticienne impériale. On ne le lui avait pas affirmé de façon formelle mais il soupçonnait que son adjoint y avait laissé plus que sa liberté. C’était une perte irréparable qui l’effrayait fortement. Pour la première fois depuis bien longtemps, il était réellement angoissé.

     

     

     

    Alertée par ses deux assistantes principales, Bristica n’en crut tout d’abord pas ses yeux mais l’ordiquant « terminal » de son service, celui qui affichait la synthèse globale de la méta-analyse, était formel : suite à l’ajout des données d’ordre politique qui avaient été récemment introduites, le point de convergence calculé effectuait un bon considérable pour se situer à un peu moins de dix mois avec un intervalle de confiance quant à lui inchangé d’un mois. La Farbérienne n’arrivait à pas le croire et pourtant les chiffres étaient là, concordant parfaitement avec un axe de convection pratiquement inerte, une confirmation indirecte. Elle se tourna vers Raffel-Dot, une des deux assistantes qui l’entouraient 

            - Et, bien entendu, vous avez pu vous assurer que…

            - Compte-tenu de ces résultats plutôt… surprenants, vous pensez bien, Bristica, qu’avant de vous les présenter… commença Raffel-Dot.

          -… nous les avons fait vérifier. Deux fois ! poursuivit Javiertor, l’autre assistante.

           - Enfin, les principaux masques procéduriers, précisa Raffel-Dot, car on ne pouvait pas reprendre l’ensemble de la chaîne en si peu de temps mais vous savez bien que les masques…

           -… ne peuvent être compromis à ce point. C’est donc bien le point de convergence qui… Vous vous rendez compte de ce que cela veut dire ? s’exclama la Farbérienne. Il faut en aviser immédiatement nos responsables hiérarchiques. Je vais bien entendu m’en occuper au plus vite. Bon, je vais vous demander de préciser tout ça en reprenant les tangentielles certifiées. J’en attends évidemment une confirmation allant dans le sens des masques. Je ne vois d’ailleurs pas comment il pourrait en être autrement… mais ça donnera plus de poids à notre présentation aux officiels. On lance néanmoins une analyse générale même si je sais qu’elle prendra du temps mais… Il faut d’ailleurs espérer que d’autres ajouts ou modifications de données, ne vont pas faire encore bouger ce point de convergence qui, comme nous le savons très bien toutes les trois a souvent tendance à se déstabiliser lorsque la date définitive se rapproche.

       Bristica salua rapidement ses collaboratrices et, d’un pas saccadé qu’on ne lui avait pas connu depuis longtemps, elle se dirigea vers espace privé afin d’organiser au plus vite une entrevue avec Vliclina. L’Impériale allait sûrement être surprise mais Bristica aurait volontiers parié que la nouvelle allait lui faire plaisir et la conforter dans ses mystérieuses prises de contact avec des émissaires venus de l’autre côté. Ça bougeait enfin ! Elle en eut un frisson tout le long de sa colonne vertébrale.

     

      

     

             - 150 mètres. À huit heures. À présent, silence radio absolu. Absolu ! Quelle que soit la cause !

    La voix du sartor[3] était définitive. Le tournant de l’opération. Enfin ! Sarek-Tor attendait ce moment dans un mélange d’impatience et d’anxiété. Dans l’eau glacée et obscure qui les enveloppait, il distinguait à peine la navicombi de son chef pourtant à moins de deux mètres de lui. Grâce à un système intégré de vision infrarouge modulée – il ne savait pas vraiment ce que « modulé » voulait dire et il s’en moquait totalement - sa propre navicombi lui permettait en principe de discerner vaguement son environnement. Du moins en théorie car, pour le moment, l’obscurité lui semblait complète et il se fiait uniquement à l’extrémité bipalmée de la navicombi de son chef. Ils avançaient lentement – mais c’était voulu – et il estimait l’atteinte de leur objectif à moins de six minutes. Derrière lui, Marno, le troisième membre de leur petit commando - avec qui il aurait bien aimé échanger quelques impressions mais l’ordre du sartor avait été formel - devait ressentir la même excitation que lui. Sarek-Tor ne comprenait toutefois pas ces précautions certainement inutiles : depuis leur largage du turbomarine banalisé et leur immersion, ils communiquaient uniquement par transmission ostéophonique, un procédé connu pour être très confidentiel. Il avait d’ailleurs eu du mal, au début, à s’habituer à la puce minuscule implantée à la base de son maxillaire inférieur et qui permettait aux sons de circuler dans les deux sens par conduction osseuse. Par conduction osseuse ! Et donc une transmission très particulière. Comment aurait-il été possible à l’ennemi d’intercepter leurs conversations à moins de l’avoir prévu par un système d’écoute spécial et en connaissant exactement leur fréquence d’appel et de réception ? Les Confédérés possédaient certainement des services techniques développés mais il ne fallait quand même pas exagérer leur degré de compétence... Face à cette absurdité, Sarek-Tor haussa virtuellement les épaules. Toutefois il était avant tout un militaire et ne discutait jamais les ordres car convaincu de ne pas posséder tous les éléments lui permettant de juger.

    Après avoir comme prévu prévenu ses suiveurs d’un geste vertical de sa bipalme, le sartor avait stoppé sa navicombi. Arrivés à destination ! Les trois hommes se regroupèrent et commencèrent immédiatement à reconstituer l’engin thermomagnétique dont, une fois convenablement disposé et armé, la fonction était sensée perturber considérablement les communications de l’ennemi. Une action décisive puisqu’elle déterminerait la date du lancement des opérations sur un des derniers bastions défendant Mez-Antelor. En somme, Sarek-Tor était l’un des trois soldats dont le rôle était prépondérant dans ce qui serait assurément la victoire de leurs forces dans cette bataille gigantesque pour la reconquête de la planète-saphir. Un des trois ! Trois humains seulement pour ne pas éveiller l’attention des Confédérés qui, s’attendant à l’offensive impériale, devaient être aux aguets sur tous les fronts. Il s’était porté volontaire pour cette mission très spéciale, tout d’abord parce qu’il jugeait ses compétences totalement en rapport avec le travail demandé mais aussi – il avait l’honnêteté de le reconnaître – parce qu’il savait qu’il en tirerait une source de gloire pour le reste de son existence… Il était parfaitement détendu puisqu’ils avaient tout le temps nécessaire devant eux, leur exfiltration étant programmée trois heures à compter du déclenchement de l’offensive : il ne doutait pas d’un retour sans problème, les Confédérés ayant alors d’autres grajanes à promener[4]

    Après avoir vérifié que la diode d’activation s’éclairait bien en bleu, traduisant la mise en activité du matériel, le sartor s’empara du système reconstitué qui affichait à présent la taille d’une petite valise (mais incroyablement légère au vu de ce qu’elle représentait), puis regarda chacun de ses compagnons avant de lâcher tranquillement l’engin. Réglé pour s’activer deux heures plus tard, il allait doucement se déposer sur le fond marin à moins de cinquante mètre du pied de la structure rocheuse choisie avec soin par les spécialistes. Compte-tenu de l’effet attendu, Sarek-Tor se fit la remarque que la mission demandée était plutôt facile. Restait quand même à dégager au plus vite de façon à mettre une certaine distance entre eux et la bombe magnétique dont l’effet serait dévastateur pour tout organisme présent à proximité. Le service de sécurité avait insisté : un kilomètre de distance au moins ! Compte-tenu de l’esprit précautionneux, pour ne pas dire obsessionnel, des personnels sécuritaires en question, Sarek-Tor pensait que, au-delà de 500 mètres, ils seraient relativement tranquilles. Le sartor toucha l’épaule droite de chacun de ses soldats puis, certain d’avoir toute leur attention, il leva son sa main droite et, d’un geste bref, il donna l’ordre du repli. Il n’avait pas fait cinquante mètres que Sarek-Tor qui, comme prévu, fermait la marche pour le retour, sentit un très léger picotement sur son mollet droit. Presque aussitôt, il constata l’arrêt de la progression de sa navicombi et, du coup, la perte de vision de la bipalme de Marno qui lui servait de guide. Ce qui ne présentait pas de souci majeur puisque sa navicombi était parfaitement à même de l’orienter grâce à son système de positionnement intégré. Mais l’arrêt soudain de sa progression ? Par sa main droite, il explora sa jambe et il crut identifier comme une sorte de très mince filament qui entourait son mollet droit. Fébrilement, il recommença son inspection et confirma sa première impression. Se contorsionnant du plus qu’il pouvait, il voulut faire glisser la légère entrave. Sans succès. Que se passe-t-il donc, par Bergaël ? se murmura-t-il mentalement. Est-ce que… Son sang se glaça car il venait de comprendre. Une vicra ! C’était peut-être une vicra, ces algues semi-synthétiques lâchées à la dérive pour protéger une zone sous-marine et qui pouvait immobiliser tout corps mobile avec ses tentacules à la longueur démesurée. Pourtant, le Commandement Opérationnel avait été formel : il n’y en avait pas dans la zone choisie pour la dépose de la bombe magnétique. Ils en avaient donné l’assurance ! C’était quoi alors ? Ne pas paniquer. Surtout pas. Il devait trouver une solution. Tout de suite. Ou appeler les deux autres avant qu’ils ne soient trop loin. Sauf qu’il avait interdiction de communiquer avec eux, le sartor avait été catégorique. Il était donc seul. Seul pour résoudre son problème. Toujours calmement, il chercha à confirmer son analyse. Bravant les ordres – mais il s’agissait de sa propre survie – il sortit sa torche infrarouge de sa poche de combi et ajusta brièvement le faisceau laser sur sa jambe. C’était bien ça. Il frémit en constatant qu’un deuxième filament s’était joint au premier. Il ne chercha même pas à sortir son couteau-tremble car il savait que la technique de génie génétique à l’origine de ces créatures de cauchemar rendait impossible la rupture de ce type de lien. Sauf avec du gros matériel que, évidemment, il ne possédait pas. Appeler les autres donc et tant pis pour les consignes mais il ne mourrait pas ici, dans cette eau froide et noire, ça non ! Sans plus hésiter, il appuya l’extrémité de sa langue sur sa dernière prémolaire droite pour activer la communication. Le contact dura moins d’une seconde puis… plus rien ! Il réessaya plusieurs fois avant de se rendre à l’évidence : le sartor, qui d’autre ?, venait de désactiver sa puce. « Silence radio absolu quelle que soit la cause » qu’il avait dit ce salopard ! Alors, c’était ça ? La mission avant tout, bien sûr, et c’était lui, Sarek-Tor, qui allait en faire les frais. Une sueur froide l’envahit brusquement et, en même temps que l’accélération soudaine de sa fréquence cardiaque, une espèce de nausée remonta de sa gorge. Ne surtout pas vomir dans sa navicombi car ce serait sa fin. Il chercha à se reprendre. Non, ce n’était pas possible, il fallait réfléchir. Mais que faire ? Attendre le retour des autres, bien sûr, voilà ce qu’il devait faire. Parce qu’ils n’allaient pas le laisser crever de cette ignoble façon, n’est-ce pas ? Mais le sartor avait pourtant coupé la communication et du coup on pouvait se demander si… Mais non ! C’était pour ne pas se faire repérer, se rassura-t-il. Ils allaient évidemment revenir. Ou, non, mieux encore, ils étaient partis chercher de l’aide, du gros matériel, des techniciens compétents… Parce qu’ils avaient compris, peut-être même avant lui, qu’il y avait des vicras qui rôdaient. Il restait du temps avant l’explosion de la bombe. Mais il fallait quand même faire vite en comptant le chemin du retour. À propos, combien de temps pour le désincarcérer… si les autres ne subissaient pas eux aussi les assauts de cette saloperie d’algue synthétique. Ah, à l’air libre, on aurait pu lui couper la jambe et une bonne prothèse… Mais qu’est-ce que je raconte, moi, s’exclama-t-il, il n’y a pas de vicra en dehors de l’eau. Je commence à débloquer ou quoi ? Malgré tout ce qu’il s’était promis, il ne pouvait empêcher l’angoisse de sa situation de le submerger peu à peu. Allez les mecs, je vous en supplie, au nom de notre amitié, pour la gloire de l’Empire, pour… pour… tout ce que vous voulez, mais revenez me chercher. Sans s’en rendre compte, Sarek-Tor pleurait à chaude larmes mais il gardait l’espoir. Oui l’espoir. Il hurla bientôt de rage impuissante pour se calmer sur le champ. Il restait du temps, voyons. D’ailleurs, cette fichue bombe, ce n’était que des trucs magnétiques et qui avait dit qu’on ne pouvait pas en réchapper ?

    Il y croyait encore lorsque l’onde sismique balaya tout son environnement, le choc intense le libérant instantanément des tentacules de la vicra mais pour lui c’était déjà trop tard.

     

     

     

    Le prince Alzetto arpentait son espace de long en large, tête baissée, comme s’il se livrait à une introspection profonde, comme s’il débattait avec lui-même des différents éléments qui venaient de lui être exposés. Mais Vliclina n’était pas dupe : elle devinait que le responsable des armées était profondément en colère, qu’il rageait de devoir discuter d’une éventuelle reddition d’une partie des forces armées ennemies alors que ses troupes étaient sur le point de les défaire. D’ailleurs, le simple fait qu’il se soit présenté au Comité Stratégique accompagné de deux de ses généraux d’armée et de son chef d’état-major interarmes avait semblé de mauvais augure. Alzetto suspendit soudain sa marche en se plantant devant Carisma Der-Aver. Il releva la tête, souriant mais, le bleu de ses yeux était glacé.

              - Et vous, Carisma, vous en pensez quoi ?

    La Première Assistante qui s’attendait à la question d’Alzetto s’avança d’un pas, prenant soin de ne pas s’approcher trop près de la limite holographe. Les bras croisés comme à son habitude en pareille circonstance, elle toussota comme pour se donner une contenance mais elle savait exactement ce qu’elle voulait dire et que son avis risquait de ne pas plaire au militaire.

         - Altesse, nous avons longtemps réfléchi à cette situation… insolite. Nos forces armées sont actuellement en position de bousculer l’ennemi et je ne doute pas un seul instant qu’elles y arriveront jusqu’à sa reddition totale. Toutefois, nous connaissons également ce vieux précepte selon lequel c’est durant les dernières phases d’une guerre qu’il faut savoir préparer la paix. Plusieurs questions se posent. D’abord la première : nos interlocuteurs sont-ils crédibles et ont-ils le pouvoir d’imposer ce qu’ils promettent. La réponse est oui et j’expliquerai ultérieurement si c’est nécessaire ce qui nous incline à penser cela. La seconde question est de savoir si le moment est opportun d’accéder à leur demande : ici aussi je réponds de façon positive pour une raison très simple. Ces gens représentent une partie de nos adversaires mais une partie seulement, à savoir les militaires d’Alba-Malto et presque certainement plusieurs unités importantes liées à Vargas. Une reddition de ces forces ne pourra qu’altérer le moral des autres, permettant de surcroit de libérer ainsi certaines de nos unités qui pourront intensifier leur pression sur le reste de l’ennemi, notamment les gens de Carsus dont on sait l’âpreté au combat. Ma troisième remarque est corollaire de la seconde : il est assez évident que pour obtenir ce résultat il ne faut pas exiger une capitulation totale des demandeurs… Voyant Alzetto lever la main droite en sa direction, elle s’empressa d’ajouter : …un désarmement certainement, la tête de quelques responsables particulièrement impliqués sans doute et, à l’évidence, la mise sous séquestre – au moins temporairement – de l’essentiel des moyens de guerre des forces ennemies en question. Mais en des termes acceptables par tous comme vous pouvez le comprendre. Peut-être d’ailleurs, une telle issue incitera-t-elle certaines des autres forces ennemies à les rejoindre… Tout cela aura pour but d’abréger une guerre ruineuse pour tous et bien des morts supplémentaires. Se doutant qu’Alzetto allait intervenir à nouveau, elle se pressa d’ajouter : Mais il reste un obstacle majeur, un problème fondamental – je dirais presque le point le plus important : toute cela ne nous dira rien – ou très peu – de ce que je crois être un danger mortel pour l’ensemble de notre société : qui et où sont les Universalistes ? Nous sommes bien d’accord sur le fait qu’ils sont les principaux responsables de la situation actuelle mais comment les débusquer pour ne pas voir resurgir les mêmes problèmes dans quelques années ? Je n’ai ici pas de réponse.

    Der-Aver recula d’un pas en sens inverse, signifiant ainsi qu’elle avait tout dit de la position des civils qu’elle représentait, Vliclina étant restée silencieuse sur sa droite. Elle observa le militaire qui, muet, paraissait songeur. Elle avait l’impression que son petit discours longtemps préparé et répété avait au moins en partie porté ses fruits mais, avec le Prince Alzetto, comment être réellement sûr ? Ce dernier se tourna vers ses subordonnés comme pour s’assurer qu’ils avaient bien compris le dilemme qui se posait à eux mais, bien entendu, aucun d’entre eux ne pipa mot. Alzetto était sur le point de clore la réunion afin de réfléchir de façon approfondie aux différentes réponses possibles à apporter lorsque, soudainement, une idée parut le frapper. Il se retourna vers Der-Aver.

             - Mais, à propos, j’ai oublié de vous demander : que pensent nos quanticiens de tout cela ?

    Cette fois, ce fut Vliclina qui répondit.

           - On leur a demandé de faire une simulation selon différentes hypothèses mais il leur faut…

             - … un peu de temps, la coupa le Généralissime. Je comprends Je comprends tout à fait. Eh bien, voilà ce que je vous propose : nous aussi, nous allons réfléchir et envisager différentes hypothèses. Dès que vous avez votre réponse des quanticiens – au plus vite, je l’espère- nous nous revoyons et nous déciderons. En attendant, Citoyennes, je vous remercie pour votre temps et vos suggestions.

          - Toutefois, Altesse, si vous permettez, j’aimerais ajouter un point très important, reprit Vliclina. Nos quanticiens nous ont tout récemment fait part de l’avancée considérable de leur analyse en ce qui concerne, heu, le moment où… vous savez bien… on peut espérer la conclusion de…

             - Le fameux point de convection, vous voulez dire, n’est-ce-pas ? argumenta Alvetto qui était sur le point de couper la communication holographique. Ça veut dire que nous allons dans le bon sens et c’est tant mieux. Mais je préfère quand même accorder mon entière confiance à mes généraux. Puis après un temps de silence : mais c’est quand même excellent. Demandez à vos quanticiens de préciser leur analyse car cela m’intéresse beaucoup. À vous revoir, Citoyennes.

       Déjà, le contact holographique était coupé, effaçant les militaires des yeux des civils. Vliclina se tourna vers la Première Assistante.

            - Carisma, je ne sais pas quelle est votre impression mais, pour moi, il reste possible que le prince Alzetto accepte cette reddition sous condition. Après tout, comme vous le lui avez bien précisé, cela libérera certaines de nos unités combattantes…

    Der-Aver soupira puis, cherchant le regard de son interlocutrice, elle répondit presque rêveusement :

            - Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas. Avec lui, il est toujours impossible d’être sûr, vous le savez bien. Une chose néanmoins : une étude plus approfondie allant dans notre sens de la part des quanticiens nous aiderait certainement. Puisque je connais vos bons contacts avec notre quanticienne en chef… eh bien, essayez-donc de faire accélérer les choses…

     

     

     

    Zeliya était amoureuse. Pour la première fois. Enfin pas tout à fait car quelques années auparavant elle s’était emmourachée d’un des élèves de l’Institut central d’Antelor qui lui avait préféré une stagiaire de troisième année qu’elle trouvait particulièrement insignifiante. Elle avait alors traîné durant plusieurs mois une sorte de mélancolie larvée qui la faisait pleurer certains soirs de grande solitude. Et, malgré tous leurs efforts certainement sincères, ses rares amies n’étaient pas arrivées à la dérider. Puis le temps ayant passé, elle s’était un jour rendu compte que son « grand » amour de l’époque s’était en quelque sorte progressivement étiolé et elle avait alors retrouvé sa vie d’avant. Seule, peut-être, mais sereine. La chute de la ville ne l’avait pas vraiment concernée puisqu’elle ne s’intéressait guère à la politique. Elle ne comprenait rien à l’irruption de cette soudaine animosité entre Impériaux et Confédérés qui jusque là vivaient en bonne intelligence. C’est en tout cas ce qu’elle avait toujours cru. Elle, elle se savait définitivement impériale, heureuse de vivre au sein de Ranval comme ses parents aujourd’hui disparus et tous ses proches l’avaient fait avant elle. Lorsque les Confédérés, au tout début, avaient occupé la ville, elle s’était sentie comme dépossédée de son histoire personnelle avant de se rendre compte que les événements ne changeaient pas grand-chose à sa situation.

    Vers la deuxième semaine de l’occupation, un soir assez tard, on avait frappé à sa porte. On n’avait pas utilisé la visiophonie comme à l’accoutumée mais frappé physiquement à sa porte, à la manière ancienne. Curieuse, elle était allée ouvrir la cloison d’accès de son cube de vie qui s’était effacée avec le chuintement habituel pour laisser apparaître cinq soldats en uniforme gris des Confédérés. Médusée, elle les avait laissé envahir son petit univers. C’était simplement un « recensement technique » avait expliqué une femme au sourire éclatant découvrant une rangée de dents parfaites. Zeliya avait donc répondu du mieux qu’elle le pouvait au questionnaire assez classique qu’on lui avait proposé. Elle n’avait posé aucune question. Habitante depuis toujours de Mez-Antelor, elle connaissait bien ces gens qu’elle avait toujours côtoyés lorsqu’ils venaient ici en touristes et ne craignait rien d’eux. Son regard, toutefois, s’était porté sur le chef resté en retrait du petit groupe qui, encourageant, lui avait souri gentiment. Elle avait été frappée par l’intelligence de ses yeux verts et par son attitude générale presque aristocratique. Elle y avait repensé une fois le petit groupe parti vers les cubes voisins. L’homme était revenu la voir deux jours plus tard, seul, avec pour prétexte de compléter son questionnaire mais elle n’était pas dupe : c’était elle l’objet de sa visite. Les choses s’enchaînèrent rapidement. Gabor – c’était son nom - était charmant, plein de vie, volontiers sarcastique mais dans le bon sens du terme. Elle en tomba rapidement amoureuse et cela avait l’air d’être réciproque. Elle devint sa compagne et ils commencèrent à bâtir des projets d’avenir pour le moment où cette guerre stupide prendrait fin. Il essayait de se faire le plus discret possible lorsqu’il venait la retrouver lors de ses permissions et lui conseillait de faire profil bas pour le cas où leur liaison serait « mal interprétée ». Zeliya ne voyait pas pourquoi il fallait cacher leur amour qui ne regardait qu’eux mais elle promit néanmoins.

    La contre-offensive impériale ne la surprit pas plus que ça : elle la pensait inévitable mais se faisait du souci pour son « confédéré » amoureux. Les combats à l’orée de la ville paraissaient violents. Se pourrait-il que… ? Elle en perdit partiellement le sommeil mais ne changea en rien ses habitudes de vie. Lorsque les Impériaux reprirent Mez ouest, elle se protégea comme elle put, descendant aux abris souterrains lors des alertes heureusement assez rares car les combats avaient surtout lieu vers le centre et l’est de la ville.  Elle attendait des nouvelles de Gabor puisqu’il lui en avait fait la promesse. Elle envisagea un temps de partir le rejoindre mais ne savait pas vraiment où il se trouvait dans cette bataille locale qui changeait continuellement de forme et, de plus, qu’aurait-elle pu déclarer aux patrouilles impériales qui n’auraient pas manqué de l’intercepter. Elle se résigna à attendre.

    La journée s’annonçait fort belle. Grantel baignait le paysage de sa chaude lumière orangée et, les combats ayant certainement diminué en intensité, on s’attendait presque à voir revenir ces touristes qui faisaient la réputation du lieu. Toujours sans nouvelles de Gabor, elle entreprit comme elle le faisait chaque jour de se rendre à l’office de planification des transports urbains qui dépendait du Département-Ministère des statistiques civiles, un organisme impérial qui n’avait jamais cessé de fonctionner, même durant l’occupation confédérée. Elle pouvait s’y rendre à pied depuis son cube de vie et pour la première fois depuis bien longtemps, elle profita du semblant de paix qui était revenu. Le bâtiment de l’office de planification n’était pas particulièrement esthétique mais de le revoir une fois de plus inchangé, loin des éventuelles destructions de la guerre, donna l’impression à Zeliya que tout était redevenu comme avant ou mieux encore, que tous ces mois d’incertitude et de misère n’avaient pas vraiment existé, que ce n’était qu’un mauvais rêve à oublier au plus vite. L’atmosphère qui régnait dans l’office était par contre très lourde. Les différents employés y parlaient à voix basse… quand ils parlaient. Chacun semblait vaquer à ses tâches habituelles mais on sentait que le cœur n’y était pas. Elle surprit deux ou trois regards plutôt hostiles dans sa direction mais elle haussa mentalement les épaules : elle avait d’autres soucis en tête. À onze heures soixante douze très précisément, le rapport affiché sur son ordiquant de bureau et sur lequel elle travaillait s’effaça d’un coup pour laisser place à une convocation immédiate chez son sous-chef de division. Elle s’y rendit le cœur battant car elle soupçonnait de mauvaises nouvelles. Elle en fut d’emblée convaincue en constatant que l’homme tout en lui indiquant de s’asseoir sur le biodiv habituellement réservé aux visiteurs ne l’avait pas une seule fois regardé dans les yeux. Il se tenait face à la baie vitrée de son bureau comme fasciné par la vue extérieure. Sans se retourner, d’une voix qui se voulait ferme, il l’apostropha :

          - Citoyenne Karig – fini le Zeliya habituel – avez-vous quelque chose à me dire vous concernant ?

             - ???

        - Eh bien moi, j’ai à gérer une situation désagréable vous concernant car, voyez-vous, Citoyenne, plusieurs plaintes tout à fait crédibles ont été portées à ma connaissance…

             - Des plaintes ? Contre moi ? Mais…

           - Oui, voyez-vous, Citoyenne, la situation a changé comme vous avez pu le constater et les autorités légitimes sont à nouveau – et c’est tant mieux - aux commandes de notre ville. Or durant les moments difficiles que nous avons tous vécus, certains comportements se sont révélés très discutables, pour ne pas dire scandaleux, voire antipatriotiques. Oui, c’est le mot, antipatriotiques.

               - Mais en quoi cela me…

         - Eh bien pour le dire plus directement, on vous accuse d’intelligence avec l’ennemi.

               - Moi ? Mais non, jamais je n’ai…

        - Comment ça, non ? Et cet officier ennemi qui venait régulièrement chez vous à la pêche aux renseignements ? Vous savez comment cela s’appelle ?

              - Mais, citoyen, jamais, je dis bien jamais, je n’ai…

              - Cela s’appelle de l’espionnage…

              - Jamais je…

              - Vous êtes une radek,[5] inutile de le nier.

              - Mais non ! Absolument pas !

             - Et les radeks - je dis ce que je pense - on devrait les exécuter sur le champ. Oui, c’est certainement ce que je pense ! Et je ne suis pas le seul… Toutefois, dans sa grande mansuétude, le représentant du gouvernement impérial sur Antelor a demandé à ce que les gens comme vous bénéficient d’un procès. Un procès et puis quoi encore ! On croit rêver ! S’il ne tenait qu’à moi… Mais, bon, j’obéis aux ordres et donc procès il y aura.

           - Je vous assure, citoyen que jamais je n’ai délivré la moindre information que ce soit, ni que mon ami… m’ait demandé quoi que ce soit. Et d’ailleurs, qu’aurais-je pu communiquer ? Je n’ai certainement pas accès à des… Mais non. C’est une histoire simple, banale même : je l’aime, il m’aime et c’est tout. Je suis citoyenne de Randal et jamais…

           - Je l’aime, il m’aime, bla bla bla et vous osez me faire croire que… Vous me prenez donc pour un abruti ? Je ne vous crois pas. Je n’ai aucunement envie de vous croire. Je sais parfaitement de quoi il retourne. Une radek. Chez nous. Alors qu’on vous avait accordé… Mais non, rien. C’est ignoble. Vous êtes ignoble ! Une salope de radek, c’est tout ce que vous êtes. Allez, entretien terminé ! Dégagez de ma vue. Et vite. Bien sûr vous êtes relevée de toutes fonctions ici dans l’attente d’un procès. Un procès que… Dehors je viens de vous dire !

    Zeliya quitta en pleurs le bureau de son sous-chef de division mais en traversant les salles de travail elle entendit la bronca de ses chers collègues, les sifflets, les huées. Elle ne repassa pas par son poste de travail et se retrouva sans savoir comment elle y était arrivée devant le bâtiment voisin du sien, celui qu’habitait Groc, sa seule vraie amie. Les yeux encore brouillés, elle appuya sur le visiophone qui ouvrit instantanément la porte générale. Cube 27. Elle appuie sur la visio perso. La porte glisse presque immédiatement et elle s’avance pour se jeter dans les bras de son amie mais celle-ci est brutalement poussée de côté. Apparaît le compagnon de Groc qui la toise méchamment avant de s’exclamer : « Ah non, pas elle ! ». Et la porte se referme. Zeliya est seule à nouveau.

    Dans l’entrée de son bâtiment qu’elle rejoint presque sans s’en rendre compte, elle rencontre un couple voisin qui l’interpelle aussitôt.

          - Alors, sale zarkanne, on continue sa petite œuvre de démolition ? Hein, radek, il est où ton birjad ? Il s’est fait descendre, c’te ordure ?

    Zeliya s’enfuit. Elle se retourne avant d’ouvrir son cube. Le couple n’a pas bougé mais en voyant son regard apeuré, l’homme crache par terre et fait mine de s’approcher d’elle. Elle s’enferme.

    Les heures passent lentement et la jeune femme ne sait plus quoi faire. Retrouver Gabor mais comment ? S’enfuir de toute cette haine certainement. Elle n’a plus rien à perdre de toute façon. Attendre la nuit. Tenter le tout pour le tout, certes, mais pourtant quitter Mez-Antelor comme ça ! Comme la criminelle qu’elle n’est pas… Elle se tord les mains de désespoir. Coups violents sur la porte. Encore des ennuis, c’est certain ! On ne lui laissera donc aucun répit mais elle se battra jusqu’au bout pour démontrer sa bonne foi. Non, elle n’a pas trahi. Elle n’en a jamais eu l’intention. Elle, elle aime un homme et c’est tout. La nationalité, la couleur de l’uniforme n’a rien à voir avec son histoire d’amour. Parce que ce n’est que cela : une simple histoire d’amour. Elle va s’expliquer et ils comprendront. Elle se dirige vers la porte, s’arrête un instant, soupire profondément, reprend du courage pour affronter l’adversité injuste. La porte s’ouvre. Ils sont trois, deux hommes et une femme qu’elle ne connaît pas. Est-ce que… ? Elle n’attend pas longtemps avant d’être fixée. Un des trois s’avance, la repousse méchamment, un sourire méprisant aux lèvres.

         - Salope de radek ! éructe-t-il, suivi des autres qui l’insultent aussi.

    Zeliya protège son visage mais ils sont déjà sur elle. La douleur est abominable car chacun d’entre eux frappe avec un couteau-tremble, des armes terribles qui lui perforent instantanément l’abdomen. Elle tombe à terre. La femme lui décoche des coups de pied au visage en hurlant des imprécations qu’elle ne comprend pas. Elle meurt sans avoir pu se défendre. Le troisième homme urine sur son cadavre. Le silence retombe. Justice est faite.

     

     

     

    La troisième assistante avait été formelle : c’était bien à Velti de mener les débats, entourée de ses « conseillers spéciaux », Rogue ne devant être présent que pour officialiser par sa présence et sa qualité de Stenek l’aval complet de l’Empire sur les pourparlers et décisions à venir. Velti avait évidemment ressenti une satisfaction intense en comprenant toute la confiance que lui accordait la représentante du pouvoir impérial, celle-là même qu’elle avait d’emblée détestée car incarnant, croyait-elle, tout ce qu’elle avait toujours combattu : la morgue et la suffisance de ces aristocrates de Terra qui vivaient dans leur bulle artificielle, en rupture avec les vrais gens comme elle… Vliclina avait su lui montrer combien elle se trompait, sa nomination comme plénipotentiaire auprès des forces armées d’Alba-Malto en étant une preuve supplémentaire. La Confédérée n’avait pas d’appréhension quant à son accréditation auprès des militaires restés fidèles à Vargas et à son « tourniquet » : elle était, après tout, elle-même d’une sarte Malto-albienne, comme eux. Et, comme eux, elle espérait que sa planète natale se sortirait sans trop de casse du mauvais pas où elle semblait s’être fourrée, à présent que le succès des armes semblait de plus en plus pencher en faveur des Impériaux. Restait le problème hiérarchique qui, pour ces militaires en particulier, importait réellement. Il y avait en effet parmi eux des hauts-gradés, des officiers supérieurs, des décideurs en somme qu’elle n’aurait jamais pensé approcher, même de loin : il allait falloir les convaincre et, par moments, en y pensant, sa gorge se nouait. Dans un premier temps, évidemment, sauf rares exceptions, elle allait avoir affaire aux militaires déjà convaincus, ceux qui, depuis le début avait décidé de ne pas suivre les ordres de la hiérarchie générale et ces « traîtres » d’alors étaient devenus le seul espoir de leur planète. C’est ensuite que la partie serait plus serrée, quand il faudrait aborder les autres, à la condition qu’ils acceptent, à la condition qu’ils se rendent à ceux, comme elle, qu’ils devaient mépriser de tout leur cœur. Il y aura de la casse, pensa Velti, c’était inéluctable. À elle de minimiser les conflits inévitables et, peut-être, de prendre des décisions qui allaient lui coûter. Elle soupira. On lui avait fourni un nouvel uniforme, créé semblait-il uniquement pour l’occasion, heureusement de couleur grise comme tous les uniformes confédérés, mais dont la coupe rappelait celle des Steneks impériaux ce qui n’était certainement pas dû au hasard.

    Lorsqu’elle pénétra dans l’enceinte de la grande salle de l’Hôtel de Ville de Caraime-district, tous les participants à la réunion, installés autour d’une immense table en acajou noir de Sidarkanne, se levèrent d’un bond. Tous ! Aussi bien hommes que femmes, biocyborgs que bionats. Plus que les visages souvent figés ou peut-être craintifs, les attitudes raides de la plupart et le silence sépulcral qui régnait dans le lieu, ce fut cette réaction unanime à son apparition qui lui fit comprendre combien elle était devenue importante pour sa planète et le chemin parcouru par elle depuis que, simple lieutenant-commando, elle parcourait les ruines de Drefel 2 à la recherche de Carsusiens impitoyables. Ses conseillers – habillés en civils, elle l’avait exigé – lui emboitèrent le pas et s’éparpillèrent aux places préalablement décidées lors de la répétition numérique tandis que les hommes de la Sécurité militaire qui ne la quittaient jamais du regard prenaient aussi leurs positions. Velti s’avança vers la grande table, ignorant délibérément les subalternes et autres droïdes dont elle percevait la présence en périphérie de sa vision mais, contrairement à qu’avaient certainement anticipé ses principaux interlocuteurs, elle ne s’installa pas en bout de table, à la place souvent réservée aux éléments dominants d’une réunion : on n’est pas à une session extraordinaire de la Compagnie Stellaire avait-elle affirmé à Rogue. Le Stenek était entré dans la salle au milieu des conseillers qui suivaient la jeune femme et, à l’évidence, sa présence n’était pas passée inaperçue des militaires confédérés. Velti avança lentement vers l’emplacement qu’elle avait préalablement choisi, une console entourée de droïdes, un planorbe en réalité. Elle secoua ses longs cheveux noirs qu’elle rabattit en arrière puis fit mine de découvrir la petite assemblée qui, à présent lui faisait face, et était restée debout figée dans ce qui n’était pas un garde-à-vous mais y ressemblait pourtant.

           - Mais asseyez-vous, voyons. Il s’agit avant tout d’une simple prise de contact !

    Sa voix était claire, ferme et décidée. Nulle trace d’anxiété ou d’hésitation dans ce qui paraissait comme une épreuve qu’elle avait réussi à dominer. Elle adressa un sourire à Rogue dont elle distinguait l’uniforme noir au sein des vêtements colorés de ses conseillers puis reporta son regard vers ceux qui importaient, les locataires de la grande table en bois de Sidarkanne, ceux qu’il fallait définitivement convaincre car ils détenaient les clés de l’apaisement indispensable et donc l’épargne de nombreuses vies. Sa mince silhouette se détachait à présent sur fond de projection holographique. Sans quitter des yeux la table des militaires, elle reprit :

             - Je ne vais pas, rassurez-vous, vous infliger je ne sais quelles statistiques mais, grâce à l'hologramme derrière moi, je souhaite vous rappeler brièvement – oh très brièvement – le sort des armes, concernant notamment notre sujet commun de préoccupation, Alba-Malto. Je sais que vous connaissez déjà tout ce qui est en train d'être affiché. Rien de neuf donc. C’est dans un temps ultérieur que je demanderai à chacun de me préciser sa position et celle de ses proches collaborateurs sur l’avenir à court et moyen terme de son engagement pour le bien commun, positions que je ne manquerai pas de faire connaître à qui de droit. Je ne suis en effet qu’un élément intermédiaire dont le rôle est d’entendre chacun d’entre vous et de lui apporter, si je le peux, assurances et compléments d’information. Je suis bien entendu à votre entière disposition pour vous rencontrer à tout moment. Ses yeux bleus et brillants parcoururent rapidement la table où les militaires étaient figés comme dans l’image arrêtée d’une talide historique. Elle secoua la tête puis reprit : dans l’attente, chers collègues, je vous propose de vous rendre à une collation prévue dans le grand hall de l’Hôtel. À vous revoir prochainement.

    Velti avait déjà disparu par un escalier dérobé en retrait de la planorbe et son exfiltration par le personnel qualifié largement entamée. En accord avec les représentants du Troisième Assistanat à Caraime, il n’était pas question qu’elle côtoie de trop près des militaires dont certains, peut-être plus nombreux qu’envisagé, voyaient en elle si ce n’est un ennemi direct, au moins un soldat félon. Trop de risques que Rogue et elle-même ne souhaitaient pas qu’elle affronte. Pas encore en tout cas.

     

    (à suivre)

     

    tous droits réservés / copyright 943R1K2

     



    [1] Ganor : responsable d’une escouade d’une dizaine de droïdes (nota : le terme est le même dans l’Empire et la CPI)

    [2] Bilo : jeu favori des citoyens droïdes à base de cartes et de dés

    [3] Sartor : lieutenant de marine (Empire)

    [4] D’autres grajanes à promener = d’autres chats à fouetter (en fried, l’expression est plus pacifique… NdT)

    [5] Radek : collabo


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